mémoire de la FMOQ
Pour présenter avec fidélité la position des omnipraticiens sur la Charte des valeurs, la FMOQ a procédé à une consultation avant de rédiger son mémoire. Plus de 2000 médecins ont répondu à son sondage.
Que pensent les omnipraticiens du projet de Charte affirmant la laïcité de l’État ? Cinquante-six pour cent y sont favorables. Cependant, 61 % estiment que l’interdiction de porter un signe religieux ostensible ne devrait pas s’appliquer, comme prévu, aux médecins qui pratiquent dans les hôpitaux et les CLSC (encadré).
Ces données viennent d’un sondage électronique que la Fédération a fait auprès de 7793 médecins de famille entre le 12 et le 18 novembre dernier. Le nombre de répondants a été particulièrement élevé : 2018, soit 26 %. Pourquoi cette consultation ? À cause des débats que suscite la Charte au sein de la société québécoise. Mais aussi parce qu’elle vise le milieu médical.
Le projet de loi no 60, qui est la base de la Charte, indique ainsi qu’un « membre du personnel d’un organisme public ne doit pas porter, dans l’exercice de ses fonctions, un objet, tel un couvre-chef, un vêtement, un bijou ou une autre parure, marquant ostensiblement, par son caractère démonstratif, une appartenance religieuse. » Et parmi les personnes assimilées à des « membres du personnel d’un organisme public » se trouvent les médecins.
« La très grande majorité des omnipraticiens ne pense pas que le fait de porter un signe religieux puisse réduire la qualité des soins. » – Dr Louis Godin |
La Fédération s’est servie des réponses des omnipraticiens pour rédiger le mémoire qu’elle présente à la Commission des institutions. « Notre consultation révèle que les médecins ne croient pas qu’il soit nécessaire que la Charte les vise, parce qu’ils ne voient pas dans leurs activités de tous les jours de problèmes particuliers liés au port d’objets ostentatoires associés à une appartenance religieuse, indique le Dr Louis Godin, président de la FMOQ. La très grande majorité ne pense pas non plus que le fait de porter un signe religieux puisse réduire la qualité des soins. »
Le projet de loi interdit le port de signes religieux à trop de types de travailleurs, affirme la Fédération. À son avis, il faut tenir compte de la nature de la profession. « [La FMOQ] pense qu’une charte de la laïcité ne devrait interdire les signes religieux ostentatoires que pour ceux qui exercent des pouvoirs de contrainte et d’autorité pour le compte de l’État. Il devrait notamment en être ainsi pour les juges, les procureurs, les gardiens de prison ou les policiers », précise le mémoire.
Les omnipraticiens, qui œuvrent dans le domaine de la santé, appartiennent à une tout autre catégorie. Ils n’ont pas de position d’autorité. Leur relation avec leurs patients est de nature thérapeutique et fondée sur des principes de consentement, d’empathie, de désintéressement et de confiance, fait valoir la Fédération.
Dans le projet de loi no 60, l’article 3 de l’annexe II dérange particulièrement les omnipraticiens. C’est cette disposition qui les assimile à des membres du personnel d’un organisme public. Dans le sondage, 65 % des répondants refusaient d’être vus ainsi.
Pour la FMOQ, cette manière de considérer les omnipraticiens est inacceptable. « Un médecin n’est pas un employé ; il est un travailleur autonome et doit être traité comme tel. Les cliniciens n’ont pas à être soumis aux règles de l’établissement qui pourraient être liées à la Charte. Ils sont déjà régis par leur code de déontologie. » D’ailleurs, au sens des lois du travail, il n’existe aucun rapport hiérarchique entre les responsables des établissements et les médecins. En outre, l’Entente générale des omnipraticiens stipule qu’elle ne confère à aucun médecin le statut de fonctionnaire.
Être assimilés à des membres du personnel d’un organisme public dérange particulièrement les omnipraticiens. Dans le sondage, 65 % s’y opposaient. |
« La FMOQ est d’avis qu’aucune raison impérative, sérieuse et actuelle ne justifie de restreindre l’autonomie professionnelle des médecins de manière à les associer aux membres du personnel des établissements aux fins de l’application de la loi », indique le mémoire.
En résumé, la Fédération endosse les principes d’égalité et de neutralité religieuse de l’État que propose la Charte. Cependant, si des mesures législatives interdisant le port de signes religieux doivent être adoptées, elles doivent se limiter aux personnes dont les fonctions commandent une totale neutralité religieuse. « La Fédération, en tout respect, est d’avis que le projet de loi no 60 voit trop grand et trop large. Elle demande au gouvernement de revoir sa position initiale », conclut le mémoire. //