En fin... la facturation

Facturation des services aux soins intensifs – I

Michel Desrosiers  |  2014-02-14

Les médecins qui exercent aux soins intensifs posent souvent des questions sur la facturation de leurs servi­ces. C’est le sujet de la chronique du mois courant et du mois prochain.

La facturation des services aux soins intensifs paraît simple au premier regard. Que peut-il bien y avoir de compliqué à réclamer une rémunération forfaitaire quotidienne pour des services rendus à des patients aux soins intensifs ? Les médecins semblent quand même se questionner sur les services qu’ils peuvent réclamer hors de l’unité et lors de déplacements en soirée ou la nuit. En effet, lorsque le médecin des soins intensifs évalue à l’extérieur de l’unité les patients qui y sont par la suite admis, une certaine confusion règne sur ce qui est permis. De plus, du fait que le forfait couvre les jours civils et que la garde est organisée en fonction d’une journée de 8 h à 8 h, des chevauchements problématiques peuvent survenir la nuit.

Le DMichel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Les « lieux » visés par les forfaits

Commençons par la notion de lieu visé par les forfaits quotidiens. Un forfait peut être réclamé lorsqu’un patient se trouve dans l’unité des soins coronariens ou intensifs. Par conséquent, même si un patient est dans une chambre à un lit à l’étage hors des soins intensifs, même s’il est intubé et ventilé mécaniquement et qu’une infirmière lui est attitrée en exclusivité, vous ne pouvez réclamer le forfait des soins intensifs. Le résultat est le même pour un patient dans une unité de soins intermédiaires, lieu qui n’est pas assimilé à une unité de soins intensifs.

En contrepartie, le forfait ne couvre pas l’évaluation d’un patient à l’urgence ou à l’étage lorsque vous de­vez juger si ce dernier doit être hospitalisé ou doit séjourner aux soins intensifs. Qu’il soit simplement inscrit, qu’il soit « admis » en attente de l’attribution d’un lit ou qu’il soit admis dans une unité de soins généraux, la réalité demeure la même. Tant que le patient n’est pas dans l’unité des soins intensifs, les services rendus ne sont pas inclus dans le forfait quotidien (en supposant qu’il y est subséquemment admis).

Le forfait quotidien pour les services rendus aux soins intensifs s’applique seulement au patient se trouvant dans l’unité des soins intensifs, et non à celui se trouvant à l’unité des soins intermédiaires ou en service privé à l’étage.

Vous pouvez réclamer des visites ou d’autres services de la nomenclature de soins de courte durée avant qu’un patient ne soit physiquement présent aux soins intensifs lorsqu’il a un statut « d’admis » (à l’urgence ou à l’étage) ainsi que des consultations, examens ou autres services visant le patient inscrit tant qu’il est à l’urgence et ne fait pas encore l’objet d’une demande d’admission.

Des illustrations de différentes si­tuations possibles et des nomen­clatures applicables figurent dans le tableau. En ce qui a trait à la nouvelle nomenclature pour les soins de courte durée dans un milieu hospitalier, vous voudrez peut-être revoir des chroniques récentes qui traitent du sujet, soit celles d’avril, de mai, de juin et de septembre 2013.

Les « options » pour le forfait

Le forfait est une option « par jour et par patient ». Cela veut donc dire que chaque jour, pour chaque patient dont il est le principal responsable, le médecin peut décider de réclamer le forfait ou de facturer à la pièce la totalité des services rendus. Pour un même patient, le choix effectué les jours précédents n’a pas de répercussions sur celui des jours subséquents. Qu’il s’agisse du même médecin ou de médecins différents, la facturation durant le séjour continu d’un même patient peut donc donner lieu à une facturation variée, telle que celle du forfait le premier jour, celle des visites et autres services le deuxième, et encore celle du forfait le troisième jour.

Même lorsque le médecin opte pour le forfait quotidien, certains services peuvent être réclamés à la pièce en plus. À part la réanimation et différents actes diagnostiques et thérapeutiques, il faut noter un ajout récent, soit celui des échanges interdisciplinaires ou avec les proches qui peut compenser le temps passé en rencontre dans le but d’informer la famille de la situation et de son évolution et de convenir du traitement ou de ses limites. Ces codes étant exclus du forfait quotidien prévu dans l’entente particulière, il n’est pas nécessaire d’inscrire sur la demande de paiement, lors de la facturation, d’autres informations que le numéro d’assurance maladie du malade et les informations habituelles : la date, le code, le nombre d’unités et le montant réclamé.

tableau

Le forfait quotidien couvre les services rendus dans l’unité des soins intensifs (à l’exclusion des services effectués le même jour en dehors de l’unité) et s’applique même si le patient n’y séjourne pas toute la journée

La « journée » visée par le forfait

Le forfait couvre une journée. Ce­-pen­­dant, le patient ne séjourne pas nécessairement toute la journée dans l’unité des soins intensifs. Il peut obtenir son congé durant la journée ou y être admis en après-midi ou en soirée. Que doit alors réclamer le médecin ?

Le forfait rémunère les services au sein de l’unité dans une telle situation, dans la mesure où le médecin rend des services sur place au patient. Le médecin intensiviste qui évalue le patient admis dans l’unité en soirée réclame le forfait quotidien (jour 1), même si la période de sa journée couverte par le forfait n’est que de quelques heures. S’il attend au lende­main matin pour évaluer le patient, il réclamera alors le forfait le lendemain, qui devient alors le 1er jour aux fins de la facturation.

Le médecin peut aussi facturer le forfait quotidien pour un patient qui quitte l’unité dans la matinée, tant qu’il prodigue des soins sur place le jour en question.

Les mêmes règles s’appliquent au supplément de ventilation, qui est associé au forfait quotidien. Par consé­­quent, le jour où le médecin décide de réclamer l’ensemble de ses services à la pièce et qu’il renonce donc au forfait quotidien, il ne peut se prévaloir du supplément si le patient est intubé et ventilé mécaniquement.

conclusion

Il reste à discuter des services rendus en dehors des heures « régulières ». Ce sera le sujet de la prochaine chronique. D’ici là, bonne facturation ! //