On se paie en salaire ou en dividendes ?
Quelle est la forme de rémunération optimale pour le médecin qui exerce dans une société par actions ? Ce dernier devrait-il se verser une rémunération sous forme de salaire, de dividende ou d’une combinaison des deux ? On notera que ce choix peut être revu annuellement.
Évidemment, si l’objectif est le fractionnement du revenu imposable avec les membres de la famille, le recours aux dividendes sera nécessaire à moins que le conjoint ou les enfants n’aient réellement fourni une prestation de travail. Mais pour le médecin lui-même, est-il préférable de verser un salaire ou un dividende ?
Comparer la rémunération à salaire et celle à dividendes est relativement simple si on ne considère que l’année en cours. Cependant, si on veut analyser la situation dans un contexte plus large de retraite, cela devient un peu plus complexe. On devrait alors évaluer la pertinence de cotiser au Régime de rentes du Québec (RRQ) et au Régime enregistré d’épargne-retraite (REER) ou à tout autre régime de retraite comme le Régime de retraite individuel (RRI). Une analyse de l’aspect fiscal ne sera donc pas suffisante pour arriver à une conclusion pertinente.
Comme nous l’avons indiqué précédemment, le versement d’un salaire est conditionnel à ce que des services aient réellement été rendus à la société par actions. Notez que cette rémunération doit aussi être justifiable, c’est-à-dire en lien avec ce que le marché paierait pour le travail effectué. Il n’est donc pas possible de payer son enfant 100 000 $ par année pour nettoyer les locaux de la société !
Le versement d’un salaire constitue une dépense déductible pour la société (qui n’aura pas à payer d’impôts sur ces sommes) et entraîne le paiement de charges sociales pour la société par actions (Régime de rentes du Québec, Régime québécois d’assurance parentale – RQAP, Fonds des services de santé – FSS) et pour le particulier (RRQ, RQAP). Le salaire reçu par le médecin sera imposé à un taux relativement élevé (maximum de 49,97 %1 en 2014).
Contrairement au versement d’un salaire, le paiement de dividendes ne nécessite pas que des services soient rendus à la société par actions. Dans la mesure où cette dernière déclare des dividendes à une classe d’actions, ces dividendes pourront être versés aux détenteurs d’actions de cette classe. On notera que les enfants mineurs du médecin ne devraient pas recevoir de dividendes.
Le paiement de dividendes ne constitue pas une dépense déductible pour la société par actions, qui devra payer de l’impôt sur ces sommes, et il n’entraîne pas le paiement de charges sociales par la société par actions. Pour le particulier, toutefois, une cotisation au Fonds des services de santé sera nécessaire. Le dividende reçu par le médecin sera imposé à un taux plus modeste (maximum de 39,78 %1 en 2014 contre 38,54 % en 2013).
L’avantage fiscal découlant d’une rémunération à dividendes plutôt qu’à salaire (39,78 % d’impôts au lieu de 49,97 %) sera fortement atténué par le principe d’intégration selon lequel, théoriquement, le revenu de tout contribuable doit être assujetti au même fardeau fiscal, qu’il soit gagné directement par ce particulier ou par une société par actions, avant de lui être versé.
En effet, si l’on considère le fardeau fiscal total (société par actions et médecin), la différence d’imposition est, somme toute, peu importante entre salaire et dividendes.
Le tableau compare le traitement fiscal d’une rémunération de 10 000 $, à un taux d’imposition marginal selon trois scénarios :
On remarque que les revenus transitant par trois chemins différents produisent des revenus nets assez comparables pour le particulier, avec un léger désavantage pour la rémunération par dividendes.
Si l’on considère toute la rémunération versée, et non seulement le dernier 10 000 $, comme dans l’exemple précédent, il est possible qu’un versement entièrement constitué de dividendes laisse quelques milliers de dollars de plus dans les poches du particulier en comparaison d’une rémunération entièrement constituée d’un salaire. Cette différence vient essentiellement des cotisations au RRQ.
Au-delà de la comparaison annuelle entre salaire et dividende, trois éléments en lien avec la retraite doivent être considérés : le RRQ, le REER et, possiblement, le RRI. Comme nous l’avons indiqué précédemment, le versement d’un salaire entraîne des cotisations au RRQ tant pour la société par actions que pour le médecin. Or, ces cotisations ne constituent pas strictement une dépense comme telle, mais sont une forme d’épargne, forcée certes, mais une épargne tout de même2.
Aussi, des droits de cotisation au REER ne seront pas octroyés sur des dividendes. Il faut un salaire pour les recevoir.
Enfin, si le médecin décide de mettre en place un RRI dans sa société, il lui sera souvent possible de racheter des années de service passé dans le RRI afin d’en augmenter l’avantage fiscal. Par contre, s’il s’est toujours versé strictement des dividendes dans le passé, il ne sera pas en mesure de racheter ces années au sein du RRI.
La décision de se verser un salaire ou des dividendes se répercutera donc sur la préparation de la retraite du médecin, même s’il est très jeune.
En considérant les éléments précédents, certains vont choisir de se verser annuellement un salaire, disons de 50 000 $ à 100 000 $, afin de pouvoir utiliser les mécanismes de retraite existants (RRQ, REER, RRI), et l’excédent sous forme de dividendes. Le coût administratif de tous ces choix doit aussi faire l’objet d’une évaluation détaillée.
Nous avons présenté ici certains éléments de réflexion sur les choix annuels de rémunération. N’hésitez pas à consulter nos professionnels pour vous aider dans ces décisions dont les effets pourraient s’avérer importants à court et à long terme. //
1. Sans considérer la contribution santé
2. Sauf lorsque le médecin a déjà accumulé la rente de retraite maximale du RRQ.
Note de la rédaction. Ce texte a été écrit, révisé et mis en pages par Conseil et Investissement Fonds FMOQ inc. et ses mandataires. Il n’engage que ses auteurs.