La participation des médecins à la gestion médicoadministrative permet de belles initiatives. L’un des exemples les plus éloquents en est la création, en 2011, des guichets d’accès* et leur gouvernance par les omnipraticiens. Depuis, 505 219 Québécois qui s’y sont inscrits ont désormais un médecin de famille. Ce résultat positif mérite d’être généralisé à l’ensemble de la première ligne afin de nous permettre d’optimiser les services médicaux, d’assurer le bien-être des patients et d’atteindre une première ligne optimale.
La cogestion médicoadministrative est « un mode de direction d’une unité ou d’un programme de soins ou de services où l’ensemble des responsabilités relève conjointement d’un gestionnaire médical et d’un gestionnaire administratif » 1. Concrètement, elle est assurée par un tandem médecin-gestionnaire qui travaille de concert à trouver des solutions pour améliorer les soins et les services aux patients. Ce tandem fait en sorte que les exigences administratives (rendement financier, gestion des ressources) et les exigences médicales (soins aux patients) convergent vers le patient. Loin d’être un monstre à deux têtes, le tandem est formé de deux associés qui connaissent les enjeux de l’autre partie et qui pourront prendre de meilleures décisions. Le patient est au centre des décisions, tout comme l’utilisation plus judicieuse des ressources cliniques. Le fait que les cogestionnaires ont un mot à dire dans les décisions stratégiques et qu’ils doivent répondre de leurs choix constitue autant d’atouts pour accroître la qualité, l’accessibilité et la performance des systèmes de santé.
Mme Isabelle Paré est conseillère en politique de santé et chercheuse à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. Elle est titulaire d’un doctorat (Ph. D.) en science politique. |
La cogestion s’impose en raison de la nature des systèmes de santé. Ainsi, Langley voit le pluralisme des systèmes de santé comme une condition nécessaire à une gouvernance en tandem2. La cogestion médicoadministrative permet de regrouper les objectifs multiples de la santé (administratifs, financiers, soins), le pouvoir diffus et distribué à différents groupes et personnes ainsi que les sources d’expertises diverses afin de prendre les décisions les plus adéquates pour le patient.
La participation active du médecin à l’organisation des soins de santé est ainsi rendue formelle. Évidemment, de nombreuses décisions sont mises en œuvre quotidiennement en mode cogestion sans qu’elles soient reconnues comme telles. Toutefois, c’est lorsque son rôle est officialisé dans une organisation médicale que le médecin devient un joueur incontournable de la structure des soins de santé et, conséquemment, de la gouvernance médicale. Le médecin, respecté par ses pairs en raison de ses connaissances cliniques et du terrain, est tout désigné pour introduire des changements dans l’organisation et la prestation des soins.
Le milieu hospitalier regorge d’exemples de cogestion médicoadministrative. Au Québec, l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont a procédé, vers la fin des années 1990, à une restructuration de services par programme-clientèle en y intégrant la cogestion médicoadministrative3. Les programmes de santé de la femme et d’ophtalmologie sont notamment deux de ceux qui sont administrés par une équipe médecin-administrateur. Cette dernière gère ainsi les ressources financières, humaines et matérielles. L’Hôpital de Verdun et le CSSS du Lac-des-Deux-Montagnes ont également adopté l’approche par cogestion, tout comme le CHUM, qui propose onze regroupements de cogestion (oncologie-hématologie, psychiatrie, etc.).
Chez nos voisins du Sud, l’hôpital Johns Hopkins, Kaiser Permanente et la Clinique Mayo représentent des exemples de cogestion réussie. Leur succès s’explique par des dyades de cogestion à tous les niveaux décisionnels, par un engagement des médecins qui repose sur une intégration économique et par l’appui de technologies de l’information de pointe pour la qualité des soins3.
L’hôpital est un milieu qui, a priori, semble plus propice à la participation des médecins à la gouvernance de l’établissement et aux échanges entre les services. Par ailleurs, l’avènement des départements régionaux de médecine générale, en 1998, a doté les cliniciens de première ligne d’un levier important pour la gouvernance médicale territoriale. Les DRMG interviennent notamment sur le plan de la gestion des effectifs médicaux (PREM, PEM), élaborent un plan régional d’organisation des services médicaux généraux (PROS), proposent un réseau d’accessibilité aux soins généraux, etc.
Outre le guichet d’accès qui a obtenu d’excellents résultats tant par une coordination réussie que par la volonté des médecins de famille de prendre des patients priorisés par le guichet, des expériences plus poussées et reconnues de cogestion médicoadministrative méritent néanmoins d’être développées. La première ligne foisonne de différents programmes-clientèles se qualifiant bien pour ce mode de gestion, plus particulièrement en ce qui a trait aux maladies chroniques, à la santé mentale et aux services à domicile.
La cogestion médicoadministrative en première ligne permettra l’atteinte de deux résultats fondamentaux : de meilleurs soins pour les patients, de même qu’une organisation plus fonctionnelle et efficiente pour les médecins. Au final, tous y trouveront leur compte. //
* Lettre d’entente no 245 concernant la prise en charge et le suivi de patients sans médecin de famille sur référence du guichet du CSSS.