L’ACPM fournira-t-elle de l’assistance à une clinique médicale dans le cadre d’une poursuite judiciaire mettant en cause des actes du personnel administratif1 de la clinique (ex. : information transmise sur des résultats de laboratoire par téléphone ou informations ou conseils donnés lors de la prise de rendez-vous) ?
L’ACPM, soucieuse d’adapter ses services aux changements de la pratique des médecins, a procédé à un sondage en 2013 pour évaluer le modèle de pratique et les arrangements relatifs à la pratique de la médecine. L’ACPM a également interrogé ses membres sur les orientations futures concernant ces arrangements.
Il ressort de cette analyse pancanadienne, à laquelle près de 9000 membres ont participé, que 69 % des médecins ont une pratique en milieu hospitalier (un modèle préféré par les spécialistes et les jeunes médecins) et que 49 % ont, exclusivement ou parallèlement à une pratique hospitalière, une pratique dite classique en cabinet (modèle adopté par 73 % des généralistes, dont la majorité ont plus de 55 ans). Une proportion de 8 % des médecins opte pour un nouveau modèle de pratique reposant sur une collaboration multidisciplinaire ou des services non assurés. Ce dernier modèle semble constituer une tendance chez plusieurs et montre l’intérêt des omnipraticiens de plus de 40 ans.
Ces données nous permettent de constater que de nombreux médecins doivent embaucher des employés administratifs qui assureront le bon fonctionnement de la clinique. Le lien de subordination qui existe alors entre les employés et le médecin entraîne certaines conséquences juridiques. Il est donc opportun de discuter de l’assistance que l’ACPM offre à une clinique pour les gestes de son personnel administratif.
Il faut d’abord rappeler que l’ACPM se garde la possibilité d’offrir ou non une aide aux cliniques, aux établissements privés ou à ses membres. Les principes généraux de l’assistance de l’ACPM aux cliniques et aux établissements privés ont fait l’objet d’un article dans Le Médecin du Québec de novembre 2013.
Pour qu’un membre, ou une clinique, bénéficie de l’aide de l’ACPM, le différend juridique doit découler de soins médicaux qui ont été prodigués. L’ACPM n’offrira habituellement pas d’assistance lorsque l’enjeu n’est pas de nature médicale. Par exemple, et de manière générale, un médecin membre ou une clinique ne pourrait bénéficier de l’aide de l’ACPM dans un différend avec le personnel administratif portant sur un contrat de service ou sur les normes du travail.
Lorsque le médecin employeur attribue une activité administrative ou clinique à son personnel, il doit le faire de façon diligente à une personne qualifiée. Le personnel administratif agit selon les directives de ce médecin qui devient alors responsable des agissements de son employé, notamment des actes administratifs (gestion des rendez-vous, conseils aux patients, facturation, etc.). Dans ce contexte, le médecin pourrait bénéficier de l’assistance de l’ACPM pour les actes de son personnel administratif. Il en va de même de la clinique qui répond aux conditions d’assistance aux cliniques et aux établissements privés.
Prenons, par exemple, la situation d’une petite clinique de quartier où un employé administratif prend connaissance de renseignements confidentiels concernant un patient qu’il connaît bien. Le médecin, tenu au secret professionnel, doit s’assurer que ses employés se conforment aux mêmes normes de discrétion. Si l’employé en question divulgue l’information confidentielle à une tierce personne, le médecin, sa clinique et l’employé administratif enfreignent alors une obligation médicolégale et s’exposent à une plainte au Collège des médecins ou encore à une poursuite civile. Dans de telles circonstances, puisque le manquement est lié à une information obtenue dans le cadre de soins prodigués au patient, l’ACPM offrira généralement son assistance au médecin et à la clinique, si celle-ci se qualifie pour les gestes de l’employé administratif.
Dans une situation où le même employé remplit une demande d’équipement en inscrivant vingt chaises au lieu de dix dans le but de vendre le surplus et qu’à la livraison, la clinique refuse de payer les frais excédentaires pour de l’équipement au nom de l’employé, maintenant congédié, la responsabilité légale de la clinique pourrait encore une fois être engagée par le geste de l’employé. Puisque le geste n’est aucunement lié aux soins prodigués aux patients, l’aide de l’ACPM ne serait toutefois pas possible.
Que l’assistance de l’ACPM soit disponible ou non, il est prudent d’avoir des règles ou des politiques encadrant le travail du personnel administratif, notamment concernant la confidentialité de l’information. Une formation devrait être offerte aux employés relativement à ces règles. Le médecin doit s’assurer que le travail administratif de ses employés est conforme aux normes relativement à la qualité et à la sécurité des soins (Code de déontologie des médecins, art. 9 et 62). Il en est de même d’autres aspects administratifs de la gestion de la clinique. Par exemple, le médecin doit s’assurer que toute publicité pour sa clinique est conforme au Code de déontologie des médecins (art. 8 et 92).
Puisque l’aide de l’ACPM ne s’applique pas à tous les gestes qui peuvent être posés par le personnel de la clinique, même si la clinique remplit les conditions d’assistance de l’ACPM, il pourrait s’avérer nécessaire de souscrire une police d’assurance commerciale.
L’assistance de l’ACPM ne s’étend généralement pas à la gestion de la clinique ni au travail administratif du médecin membre. Qu’il s’agisse d’embaucher ou de congédier du personnel, de faire la liste de l’emploi du temps du personnel ou de déterminer des politiques de gestion de la clinique, ces fonctions sont purement administratives et ne relèvent pas de la pratique médicale.
L’exécution de tâches administratives peut mener à des difficultés juridiques. Par exemple, l’établissement de l’horaire de garde peut être la source de différends entre les médecins d’une clinique. L’assistance de l’ACPM ne s’appliquerait généralement pas dans une telle situation puisqu’il ne s’agit pas d’une mésentente découlant du travail professionnel médical du membre. Les tâches administratives peuvent aussi engendrer des différends avec des patients. Par exemple, un médecin administrateur pourrait mettre en place, pour sa clinique de correction de la vue ou de chirurgie esthétique, une politique de remboursement s’adressant aux patients insatisfaits. L’ACPM n’offrira généralement pas d’assistance pour un différend portant sur l’application de cette politique. Il en serait de même dans des disputes découlant de l’élaboration de procédures ou d’autres directives de nature administrative.
Un médecin administrateur pourrait toutefois bénéficier de l’aide de l’ACPM pour défendre l’élaboration d’une directive ou d’un protocole clinique. Par exemple, dans ses tâches au sein d’une clinique, il pourrait être appelé à créer un protocole d’intervention prévoyant les circonstances où une infirmière praticienne doit communiquer avec un médecin. Dans une action alléguant que ce protocole clinique était inadéquat et a causé un préjudice à un patient, l’ACPM accepterait vraisemblablement de prêter assistance au médecin administrateur.
Des conséquences financières sérieuses peuvent être causées par des décisions administratives n’étant pas liées aux soins médicaux. En établissement, le médecin-administrateur bénéficie de la protection de l’assureur de cet établissement relativement aux conséquences de ses décisions administratives, ce qui n’est pas le cas du médecin pratiquant en clinique. L’administrateur, qu’il soit médecin ou non, doit veiller à que la clinique détienne une police d’assurance offrant une couverture adéquate pour tout type de sinistre lié au personnel, à l’équipement ou aux locaux de la clinique, pour se prémunir des conséquences liées aux ennuis juridiques pour lesquels l’assistance de l’ACPM ne s’applique pas. //
1. Aux fins du présent article, l’employé administratif n’est pas un professionnel de la santé apte à évaluer et à traiter les patients à titre indépendant.