Questions... de bonne entente

TPS et services médicaux

des changements récents

Michel Desrosiers  |  2014-03-31

Les services rendus par les médecins sont souvent exonérés de la TPS ou de la TVQ. Cependant, à la suite du discours sur le budget fédéral de 2013, certains changements annoncés pourraient entraîner une augmentation de la proportion des services sujets à ces taxes. Ces modifications se sont appliquées rétroactivement à la date de l’annonce du ministre en mars 2013. Êtes-vous au courant ?

Le régime de la TPS

La TPS et la TVQ sont des taxes à la consommation perçues à chaque étape de production qui ajoute de la valeur à un produit fini. Chaque producteur est taxé sur la valeur qu’il ajoute : il perçoit de la taxe sur la pleine valeur de ce qu’il vend et reçoit en contrepartie un crédit pour la taxe qu’il a payée lors de l’acqui­sition du bien vendu ou de ses composantes. Il y a énormément de règles pour gérer la multitude d’exceptions et de situations particulières.

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Plusieurs services médicaux font l’objet d’un traitement distinct. De façon générale, ils ne sont pas taxables. Le médecin n’a donc généralement pas à percevoir la taxe sur les services rendus, mais n’a pas droit aux crédits pour les taxes sur son loyer, ses fournitures ou ses frais d’inscription aux activités de formation, par exemple.

Certains services sont néanmoins taxables. Le mé­decin peut alors être tenu de réclamer la TPS et la TVQ. Il existe cependant un seuil sous lequel un fournisseur peut choisir de ne pas s’inscrire à la TPS, ce qui permet d’éviter d’imposer un fardeau disproportionné de gestion et de comptabilité aux petits producteurs. Ce seuil est de 30 000 $ de services taxables par année.

Les petits producteurs qui s’inscrivent à la TPS et à la TVQ lorsque le total annuel de leurs fournitures taxables est inférieur au seuil doivent alors percevoir les taxes. En contrepartie, ils peuvent bénéficier de crédits sur les intrants, soit un dédommagement pour la taxe qu’ils ont eu à payer sur les fournitures ayant servi à la production de services taxables. Ceux qui décident de ne pas s’inscrire s’épargnent tout le trouble de percevoir la taxe et de faire des remises aux autorités fiscales, mais ne peuvent réclamer le dédommagement réservé aux fournisseurs inscrits.

À partir du moment où un fournisseur atteint le seuil, l’inscription est obligatoire et le demeure par la suite, à moins d’une réduction importante du chif­fre d’affaires. Du fait de son inscription, un fournisseur doit alors percevoir la taxe sur l’ensemble des services taxa­bles qu’il rend.

Distinguer entre services taxés et exonérés

Il faut donc savoir comment distinguer un service taxable d’un autre qui ne l’est pas. C’est là que l’annonce du ministre a une influence. La Loi sur la taxe d’accise fixe le cadre de la TPS et prévoit le traitement à réserver aux différentes fournitures. En ce qui a trait aux services de santé, il faut consulter l’Annexe V de la Loi (qui énonce les services exemptés), en particulier la Partie II qui cite les services médicaux qui ne sont pas assujettis à la taxe.

 

Les fournisseurs qui rendent plus de 30 000 $ de services taxables doivent s’inscrire au régime de la TPS et de la TVQ.

Les anciennes règles

Auparavant, les examens médicaux et les services accessoires n’étaient pas taxables. Par exemple, le rapport rédigé après un examen d’expertise à la demande d’un employeur n’était pas taxable, tout comme l’examen. C’était également le cas du certificat d’absence au travail à la suite de l’examen d’un patient. Par contre, le rapport médical produit en l’absence d’examen, après l’étude d’un dossier médical à la demande d’un avocat, par exemple, était taxable. Enfin, les services esthétiques, même associés à un examen, étaient taxables.

Encadré

Les nouvelles règles

Depuis la modification législative, le critère a changé (encadré). Dorénavant, le but du service rendu doit être pris en compte, même lorsqu’un examen médical est effectué. Les services esthétiques demeurent taxables. Comme auparavant, les services de santé payés ou remboursés par un régime d’assurance maladie ne le sont pas. Un mé­decin n’a donc toujours pas à réclamer la TPS à la RAMQ. L’évaluation du but visé par le service est, par conséquent, requise lorsqu’un service n’est ni assuré ni remboursé par la RAMQ. Il faut alors analyser la situation en fonction des critères énoncés dans la Loi.

Le résultat de ces règles peut paraître clair lorsqu’il s’agit d’évaluer l’aptitude d’une personne au travail à la demande d’un employeur, de la participation du médecin comme animateur ou personne-ressource à une activité de formation ou du témoignage comme expert dans une cause de responsabilité professionnelle. Un tableau illustre le traitement qui s’applique à différents services.

 

Les règles de la TPS ont été resserrées dernièrement de manière à inclure certains services antérieurement exemptés de la TPS et de la TVQ, principalement lorsque ces services ont pour but d’aider une personne sur le plan financier.

On peut se questionner sur le degré d’enquête que doit effectuer le médecin en ce qui a trait à un certificat d’absence au travail. Un tel certificat peut effectivement avoir pour but de permettre au patient de s’absenter de son travail et ainsi de se reposer ou de recevoir son salaire du fait qu’il bénéficie de journées de maladie rémunérées moyennant un certificat médical. On peut également se demander à quel point le médecin peut justifier un choix reposant sur des informations qui lui sont relatées par un patient et qu’il ne peut généralement pas vérifier.

On peut aussi s’interroger à savoir si la découverte d’un problème médical nécessitant une intervention urgente durant une évaluation à la demande d’un tiers (un em­ployeur, par exemple) modifie le but du service, du moins aux fins fiscales. La Loi semble supposer qu’il n’y a qu’un seul but aux services médicaux. Toutefois, dans les faits, il peut y en avoir un principal et un autre, accessoire ou incident.

Enfin, une incertitude comparable peut persister quant au statut de certains services liés au traitement des varices. Certains sont remboursés par la RAMQ en établissement, mais pas en cabinet. Un tel traitement par le régime d’assurance maladie suggère que le service est requis sur le plan médical. Par contre, d’autres services liés au traitement des varices ne sont pas pris en charge par la RAMQ, tant en établissement qu’en cabinet. On peut alors se demander si la réduction de la douleur, de l’œdème ou d’autres symptômes, bien qu’accessoire à la motivation esthétique principale de l’intervention, est suffisante pour donner droit à l’exemption de la TPS.

Comme la personne inscrite au régime de la TPS est tenue de percevoir la taxe sur les services taxables et, qu’à défaut de le faire, elle est responsable du paiement des montants qu’elle aurait dû retenir, vous avez avantage à discuter avec votre comptable ou votre conseiller fiscal de l’attitude que vous devez adopter.

Conséquences pour les médecins

Malheureusement, les changements à la Loi imposent des dépenses aux médecins qui sont inscrits au régime (frais de comptable ou de conseiller fiscal) et peuvent obliger un plus grand nombre de médecins à s’inscrire à la TPS du fait qu’ils excèdent dorénavant le seuil annuel de 30 000 $ de fournitures taxables. Comme nous l’avons vu, ces changements entraînent aussi un certain risque en raison de l’incertitude possible quant à leur application.

Enfin, l’application rétroactive à la date de l’annonce

Tableau

peut aussi avoir occasionnée des coûts supplémentaires à des médecins inscrits qui n’ont pu modifier assez rapidement leur conduite et qui doivent donc verser la taxe qu’ils auraient dû percevoir. Des représentations ont été faites tant auprès des autorités fédérales que provinciales (Revenu Québec gère la TPS au Québec) en ce qui concerne le manque de précision du texte de loi et l’application rétroactive.

 

La distinction entre service taxable et service exempté peut parfois être incertaine. Une bonne discussion avec votre comptable ou votre conseiller fiscal serait donc utile.

Conclusion

Les médecins de famille seront probablement peu touchés par ces modifications, sauf ceux qui effectuent des expertises ou ont une pratique en santé au travail. Tous les médecins auraient toutefois avantage à en discuter avec leur comptable, question de s’assurer que leur fonctionnement actuel est conforme et ne les expose pas au risque de devoir payer la TPS et la TVQ sur des services qu’ils ont déjà fournis et qu’ils ne pourront probablement pas percevoir rétroactivement auprès des patients ou des tiers.

Dans deux mois, nous traiterons des activités médicoadministratives et de leur rémunération. À la prochaine ! //