Nouvelles syndicales et professionnelles

Choisir avec soin

Pour éviter les interventions inutiles

Emmanuèle Garnier  |  2014-04-23

Créée en 2012 aux États-Unis, une nouvelle campagne incite le médecin et le patient à discuter ensemble des examens et des traitements les plus appropriés pour ce dernier. Des outils sont mis à leur disposition pour faciliter le dialogue.

Choisir avec Soin

Les examens et les traitements inutiles sont nombreux. Bien des patients en réclament et bien des médecins en prescrivent. C’est pour combattre ce problème que la campagne Choisir avec soin (en anglais Choosing Wisely Canada) a été lancée. Elle propose une liste de quarante interventions qui ne sont pas toujours nécessaires.

Le choix des tests et des mesures thérapeutiques à évi­ter dans bien des circonstances a été fait par huit asso­ciations canadiennes de spécialistes. Chacune en a sélectionné cinq dans son domaine à partir de données scientifiques probantes. On peut en trouver la liste dans www.choisiravecsoin.org.

« Chaque test, chaque traitement et chaque intervention que les médecins prescrivent doivent être fondés sur les preuves, avoir le potentiel d’apporter une valeur ajoutée et réduire les dommages potentiels pour les patients », prônent, dans le Journal de l’Association médicale canadienne (JAMC), la fondatrice de Choisir avec soin, la Dre Wendy Levinson, professeure à l’Université de Toronto, et son collaborateur M. Tai Huynh1. Ce mouvement qui, au Canada, a commencé en Ontario, vise à aider les médecins et les patients à discuter des mesures diagnostiques ou thérapeutiques non superflues.

En médecine familiale, ce sont le Collège des médecins de famille du Canada et le Forum sur les enjeux de la pratique générale et familiale de l’AMC qui ont dressé la liste des interventions remises en question. Elle comprend :

h les examens d’imagerie pour des douleurs au bas du dos ;
h ne faut recourir à un examen d’imagerie de la colonne vertébrale que si le patient présente des signaux d’alarme comme un déficit neurologique grave ou évolutif ou encore des problèmes de santé sous-jacents importants comme une ostéomyélite. Généralement, ce type de test n’est pas utile avant six semaines.
h les antibiotiques pour les infections des voies respiratoires supérieures ;
h faut éviter de traiter par antibiotique une infection des voies respiratoires supérieures probablement d’origine virale comme un syndrome grippal. La même recommandation s’applique aux infections des sinus qui durent depuis moins de sept jours et qui vont probablement guérir d’elles-mêmes.
h l’électrocardiogramme de dépistage et la radiographie pulmonaire en l’absence de symptômes ;
 Il n’a pas été vraiment prouvé que la détection d’une sténose de l’artère coronaire chez des patients sans symptômes à faible risque de maladie coronarienne est utile. Par contre, le test peut donner un résultat positif erroné potentiellement préjudiciable au patient. De la même manière, les radiographies pulmonaires chez des personnes sans symptômes pour qui il n’y a pas d’indications précises sont généralement peu fructueuses, mais produisent un nombre important de faux positifs.
h le test de Papanicolaou chez les femmes trop jeunes ou trop âgées ;
 Il ne faut pas faire de frottis cervico-vaginal chez les femmes de moins de 21 ans, de plus de 69 ans ni chez celles qui ont subi une hystérectomie pour une maladie non maligne. Le test ne doit pas non plus être effectué tous les ans chez les femmes dont les examens antérieurs sont normaux.
h les analyses sanguines annuelles :
 Les analyses sanguines systématiques chez les patients sans symptômes sont généralement peu utiles. Ces examens risquent plutôt de produire des résultats faussement positifs et d’entraîner des examens inutiles. Les tests de dépistage doivent être prescrits en fonction de l’âge, du sexe et des facteurs de risque du patient.

Aider les patients à comprendre

L’objectif du programme Choisir avec soin est d’aider les médecins à discuter avec leurs patients du recours aux interventions les plus appropriées pour ces derniers. Le site www.choisiravecsoin.org comporte d’ailleurs une section pour les patients intitulée : « Tests et traitements dont vous n’avez peut-être pas besoin ». On y trouve les indications réelles d’examens comme la coloscopie, le test de Papanicolaou, l’électrocardiogramme et l’ostéodensitométrie. Des textes y expliquent entre autres les risques de l’emploi d’antibiotiques contre les sinusites et de médicaments antipsychotiques chez les personnes atteintes de démence.

Le site fait également prendre conscience au patient de la situation que crée une demande de tests inutiles : « Il faut souvent à un médecin moins de temps pour prescrire un test que pour expliquer pourquoi la meilleure option est de ne rien faire. » Plusieurs praticiens acquiescent aux demandes de leurs patients pour différentes raisons. « Certains patients peuvent avoir le sentiment que leur médecin ne s’est pas vraiment occupé d’eux s’il ne leur a pas donné une ordonnance ou s’il n’a pas prescrit un test », ajoute le texte.

Autres spécialités

Outre la médecine familiale, sept autres spécialités ont fait le même exercice de rationalisation. L’Association canadienne des radiologistes, par exemple, recommande d’éviter l’imagerie pour un mal de tête sans complication s’il n’y a pas de signaux d’alarme. La Société canadienne de rhumatologie, elle, déconseille les examens d’ostéodensitométrie à un intervalle de moins de deux ans. Il y a ainsi des recommandations en cardiologie, en gériatrie, en médecine interne, en chirurgie et en orthopédie. Seize autres spécialités devraient aussi emboîter le pas.

Cette campagne est organisée par plusieurs par­te­naires, dont l’AMC, l’Université de Toronto, le gou­ver­nement de l’Ontario ainsi que diverses asso­cia­tions médicales.

Choosing Wisely est né aux États-Unis en 2012. Au­jour­d’hui, soixante regroupements américains de spécialistes participent au mouvement. Il n’existe cependant pas encore de données sur les effets de cette campagne. Au Canada, les responsables du programme comptent évaluer les répercussions de leur initiative sur la pratique clinique en commençant par l’Ontario. //

1. Levinson W, Huynh T. Engaging physicians and patients in conversations about unnecessary tests and procedures: Choosing Wisely Canada. CMAJ 2014 ; 186 (5) : 325-6.