La question de la déductibilité des intérêts payés sur un emprunt d’argent est un sujet fort complexe qui fait l’objet de nombreuses interprétations de la part des tribunaux et des autorités fiscales. La règle générale veut que, pour être déductibles, ces intérêts doivent être rattachés à un emprunt utilisé pour gagner un revenu ou pour acquérir un bien en vue d’en tirer un revenu.
C’est le cas, par exemple, de l’emprunt visant l’acquisition de placements, d’un immeuble à revenus et de l’équipement servant à l’exploitation d’une entreprise. Il peut aussi s’agir d’une marge de crédit ayant pour but de financer les dépenses courantes d’une entreprise.
De façon générale, les intérêts annuels payables sur un emprunt servant à l’achat d’actions sont pleinement déductibles, même si aucun dividende n’est versé sur ces actions et si leur rendement ne provient que de l’accroissement de leur valeur. Il en va de même habituellement de l’acquisition d’unités de fonds communs de placement, d’obligations, de dépôts à terme, de certificats de placement garanti (CPG) et de l’emprunt utilisé pour en rembourser un autre admissible. L’emprunt pour souscrire à un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) ou à un compte d’épargne libre d’impôt (CELI) n’est toutefois pas admissible puisque les revenus ne sont pas imposables.
Lorsque le placement est vendu et que le prix obtenu n’est pas employé pour payer le solde de l’emprunt ni pour obtenir un autre placement, les intérêts dus à compter de ce moment ne sont plus déductibles étant donné que l’emprunt ne sert plus à gagner un revenu. Il faut donc continuellement se demander si la somme empruntée est toujours rattachée à un bien qui produit des revenus.
Les intérêts continuent d’être pleinement déductibles, même si la valeur du placement est devenue inférieure au solde de l’emprunt. Si ce placement est plutôt vendu et que le prix ne permet pas de régler tout le solde de l’emprunt, une règle fiscale prévoit même que les intérêts resteront déductibles après la vente (pourvu que la totalité du prix de vente soit utilisée pour payer une portion de l’emprunt ou pour acquérir un autre placement). Cette règle s’applique si la société émettrice des actions fait faillite, avec la possibilité de réclamer une perte en capital à l’égard du coût desdites actions.
Si un emprunt est employé en partie pour acquérir un placement et en partie pour acquérir un bien à usage personnel, seule la portion des intérêts raisonnablement rattachés au placement est déductible. Tout remboursement partiel sera réparti dans la même proportion que pour la déduction des intérêts. Par conséquent, il est toujours mieux de contracter deux emprunts distincts et de rembourser en priorité celui dont le taux d’intérêt n’est pas déductible du revenu (en supposant dans notre exemple que le taux d’intérêt est le même pour les deux emprunts).
Dans la mesure du possible, il est généralement préférable d’emprunter pour acheter des placements et de régler au comptant les biens et les dépenses personnels (en supposant que les taux d’intérêt sont sensiblement les mêmes). Par ailleurs, afin d’obtenir un meilleur taux d’intérêt sur les emprunts admissibles, il est recommandé de consentir au prêteur une hypothèque sur certains biens à usage personnel, comme un bien immobilier. Ce type de garantie n’a aucune incidence sur la déductibilité des intérêts, l’emprunt ayant servi à acquérir un placement.
Si vous avez déjà fait un emprunt pour acheter un bien à usage personnel et que vos placements ont été acquis au comptant, vous pouvez songer à vendre des placements afin de rembourser votre emprunt et ensuite emprunter à nouveau afin d’acquérir de nouveaux placements. Vous devez cependant considérer les incidences fiscales rattachées à la vente de vos placements, notamment le refus de la perte en capital réalisée à l’égard d’un placement qui est acquis de nouveau dans un délai de trente jours.
Dans le cas des travailleurs autonomes (comme le médecin qui ne pratique pas dans une société par actions), il existe une technique pour convertir des intérêts non déductibles en intérêts déductibles. Il s’agit de la technique de la « mise à part de l’argent ». À ce sujet, nous vous référons à notre article publié en novembre 2010 dans Le Médecin du Québec (volume 45, numéro 11), qui est accessible sur le site Internet des Fonds FMOQ au www.fondsfmoq.com et sur le site du Médecin du Québec au www.lemedecinduquebec.org. La mise en place de cette technique est aussi possible si vous détenez personnellement un immeuble à revenus.
Les intérêts payés sur un emprunt ayant servi à l’acquisition d’un bien à usage personnel (comme une résidence personnelle) ne sont jamais déductibles, même si cet emprunt est garanti par une hypothèque grevant un immeuble à revenus. La qualification du bien offert en garantie n’a aucune importance. Il faut plutôt qualifier le bien acquis avec le produit de l’emprunt. À l’inverse, les intérêts sur un emprunt ayant pour but d’acquérir un immeuble à revenus sont toujours déductibles, même si cet emprunt est garanti par une hypothèque grevant une résidence personnelle.
Les intérêts sur un emprunt ayant servi à acheter un immeuble à revenus partiellement habité par l’acquéreur sont déductibles dans une proportion raisonnable. Comme il n’est pas possible juridiquement de contracter un emprunt distinct pour la partie de l’immeuble habitée par l’acquéreur, le prêt ne peut donc être scindé en deux pour permettre le remboursement en priorité de la portion inadmissible. Par conséquent, tout remboursement de capital sera alors réparti raisonnablement entre les portions admissible et inadmissible de l’emprunt. Lorsqu’un immeuble à revenus cesse d’être loué et que son propriétaire commence à l’habiter, les intérêts payés sur l’emprunt ne sont plus déductibles. L’inverse est aussi vrai.
Il est à noter qu’une portion raisonnable des intérêts payés sur un emprunt visant l’acquisition d’une résidence personnelle peut, sous certaines conditions, être déductible dans le cas d’un travailleur autonome qui utilise une partie de ladite résidence dans l’exploitation de son entreprise. Cette déduction n’est cependant jamais possible pour un salarié, même pour un vendeur à commission.
Les intérêts payés sur un emprunt ayant servi à l’achat d’un terrain vacant ne peuvent généralement pas être déduits du revenu ni être ajoutés au coût d’acquisition. Cette règle est valable qu’il s’agisse d’un terrain acquis aux fins d’investissement immobilier ou de la construction éventuelle d’un immeuble à revenus ou destiné à un usage personnel. Par ailleurs, il existe certaines restrictions à l’égard de la déductibilité des intérêts payés sur un emprunt pour la construction ou la rénovation d’un immeuble à revenus ; la portion non déductible peut toutefois être capitalisée dans le prix du bâtiment.
Il convient de préciser qu’aux fins de l’impôt sur le revenu du Québec, la déduction des dépenses de placement annuelles (y compris les intérêts sur emprunt) est limitée aux revenus de placement annuels. La portion non déductible peut toutefois faire l’objet d’un report sur une autre année d’imposition. Cette règle de limitation ne s’applique pas à un immeuble à revenus.
Tant au Canada qu’au Québec, retenons que l’excédent des dépenses de placement (dont les intérêts sur emprunt) sur les revenus de placement d’une année peut avoir une incidence sur la déduction pour gains en capital pouvant être réclamée à l’égard de la disposition d’actions admissibles de petite entreprise. Ce concept fiscal est désigné comme étant la « perte nette cumulative sur placements » ou « PNCP ». //
Note de la rédaction. Ce texte a été écrit, révisé et mis en pages par Conseil et Investissement Fonds FMOQ inc. et ses mandataires. Il n’engage que ses auteurs.