Quelle est la véritable nature d’un GMF ? S’agit-il d’une organisation de soins de première ligne relevant de l’autorité d’une agence de santé ou de celle d’un CSSS ? Plusieurs croient à tort que les GMF sont des lieux d’offre de services médicaux qui font partie du réseau public d’établissements du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).
Pourtant, un GMF n’est ni une installation ni une entité gouvernementale relevant d’un établissement public. Il n’est pas non plus régi par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSSS). Si un GMF n’est rien de tout cela, qu’est-il donc ?
Mme Marianne Casavant est conseillère en politique de santé à la direction de la Planification et de la Régionalisation de la FMOQ. |
Pour l’essentiel, un établissement du réseau est d’origine législative. Une fois créé, il remplit une ou différentes missions : CHSGS, CHSLD, CLSC, CR et CPEJ. Un CSSS, par exemple, en est un constitué en vertu de la LSSSS. Il est multivocationnel et assure notamment la mission d’un CLSC, d’un CHSLD et, le cas échéant, d’un centre hospitalier de soins généraux et spécialisés.
La même loi encadre également les autres types d’établissements, qu’ils soient privés ou privés conventionnés. Il en va de même de certains lieux de services qui ne sont pas des établissements, mais dont les règles de conditionnement sont dictées par la LSSSS, tels que les cliniques médicales associées et les centres médicaux spécialisés. Contrairement à toutes ces organisations, les GMF ne sont pas issus de la loi et leurs règles de fonctionnement ne sont pas non plus régies par la LSSSS.
Il y a dix ans, lors de la création des GMF, le MSSS exigea de tout groupe de médecins souhaitant adhérer au modèle GMF de se constituer en entité juridique autonome. Le MSSS désirait, en effet, que les agences de santé, qui assureraient le financement des GMF, le fassent par l’entremise de contrats signés avec des organisations ayant une personnalité juridique. C’est l’association qui s’est révélée la forme de regroupement la plus simple et la plus commode à mettre sur pied pour la majorité des groupes de médecins.
Le GMF est donc avant tout un regroupement de médecins accrédité par le MSSS et officialisé par la signature d’un contrat d’association par tous les médecins aux fins d’exercice de la médecine en GMF. Ce contrat, dont la rédaction et la teneur ne concernent que les médecins signataires, contient notamment les règles de régie interne et de fonctionnement du GMF. Il donne ainsi vie au GMF et ne regarde d’aucune façon, à la base, ni l’agence ni le CSSS. Il précise entre autres le nom des médecins membres, la nomination d’un médecin responsable, le partage des tâches, les responsabilités de chacun, les règles d’arrivée et de départ, la durée de l’entente et toute autre particularité du groupe.
Que le GMF soit en cabinet, en CLSC ou en UMF, ce sont ses membres qui décident de l’offre de services qui sera proposée à l’agence de santé. Les obligations du GMF envers le réseau local de services sont donc, pour ainsi dire, d’origine contractuelle.
La convention GMF–Agence de santé expose les engagements spécifiques des parties et indique le panier de services offerts par le GMF et les détails concernant le soutien technique et financier donné en contrepartie par l’agence. Accessoirement, une entente avec le CSSS est établie pour préciser les modalités relatives aux prêts de services, entre autres pour les infirmières et les arrangements mutuels pour la bonne conduite de l’entente.
Pour les médecins en première ligne, la création d’un GMF est l’avenue privilégiée pour négocier un soutien technique et financier avec les dirigeants d’une agence de la santé par entente mutuelle. Obtenir le statut de GMF n’enlève rien à l’autonomie professionnelle des médecins dans la gestion de leurs cliniques. Par exemple, en échange des services du GMF, les médecins accueillent, dans leurs locaux, une infirmière employée du CSSS. Cette dernière, bien qu’elle soit rémunérée par le réseau de la santé et régie par sa convention collective, pratique sous l’autorité fonctionnelle du GMF. Ce sont donc les médecins, et non la direction des services infirmiers du CSSS, qui exercent sur elle, l’autorité nécessaire au bon accomplissement de son travail au sein de l’équipe de soins du GMF. Selon leur champ d’exercice, les médecins du GMF déterminent les catégories de clientèles ayant besoin d’un suivi, les tâches à accomplir (ordonnance collective, enseignement, évaluation, etc.) et l’horaire. Cet élément fondamental est d’ailleurs bien précisé dans la convention GMF-Agence.
Enfin, peu importe le lieu où les services sont offerts (CLSC, UMF, mais de façon plus frappante cabinet), le GMF n’est pas une branche du réseau, même si des ressources publiques lui sont consenties. Il en est plutôt un partenaire contractuel. Le GMF n’est pas soumis à l’ingérence du réseau dans l’organisation de ses services. Son autonomie reste entière et les autorités d’une agence de santé ne disposent d’aucun droit de regard sur son avenir, sauf en ce qui concerne le respect des obligations prévues dans la convention que cette agence a signée de gré à gré avec le GMF. Il en va de même des liens avec le CSSS. Le cabinet, qu’il soit un GMF ou non, est une entreprise privée et sa gestion n’appartient qu’aux docteurs, et non aux professionnels du CSSS qui viennent y travailler. //