L’ACPM reconnaît depuis longtemps la collaboration qui existe entre le médecin et le personnel infirmier, que ce soit au sein d’un organisme public, comme un centre hospitalier ou un CLSC, ou d’un cabinet privé. Un professionnel en soins infirmiers doit détenir une protection à l’égard de sa responsabilité relativement aux fautes commises dans l’exercice de sa profession. Chaque professionnel de la santé est responsable de sa propre pratique professionnelle à titre individuel et en tant que membre d’une équipe collaborative. Par conséquent, si une infirmière commet une négligence ou une faute professionnelle, le tribunal peut la condamner, ainsi que son employeur, à verser des dommages-intérêts au demandeur.
Me Daniel Boivin, avocat, travaille chez Gowlings, à Ottawa, et est membre du contentieux de l’Association canadienne de protection médicale (ACPM). |
L’infirmière employée d’un établissement public bénéficie d’une protection fournie par son employeur. C’est donc normalement l’assureur de l’établissement qui se chargera de sa défense. Dans une action visant à la fois l’infirmière et le médecin, l’ACPM s’occupera de la défense du médecin et l’assureur de l’établissement, de celle de l’infirmière.
La division des responsabilités n’est pas aussi claire pour ce qui est du personnel infirmier qui exerce dans une clinique privée, que les médecins soient regroupés dans un GMF ou non. Dans le présent article, nous examinerons les différents scénarios dans lesquels les actions du personnel infirmier pourraient engager la responsabilité d’une clinique.
Le personnel infirmier ne prodigue généralement pas de soins indépendants aux patients d’une clinique. Il travaille plutôt en étroite collaboration avec les médecins en fonction de l’étendue de son champ d’exercice, soit celui d’infirmière clinicienne ou d’infirmière auxiliaire. Le médecin encadre le travail de l’infirmière, par des ordonnances ou des directives cliniques. Il évalue aussi le patient, au besoin, et prend part au processus décisionnel relatif aux soins du patient. Il est disponible pour revoir avec l’infirmière, le cas échéant, les soins qu’elle doit prodiguer ou pour répondre à toute question qu’elle pourrait avoir relativement à la santé du patient.
Prenons comme exemple la situation d’une petite clinique de consultation sans rendez-vous où se présente une patiente ayant une plaie à la jambe à la suite d’une chute en vélo. Après son arrivée, la patiente attend deux heures avant d’être vue par l’infirmière chargée de faire l’évaluation initiale. Après avoir examiné la patiente, le médecin demande à l’infirmière de nettoyer et de panser la plaie. L’infirmière est seule en poste ce jour-là et est très occupée. Par conséquent, la patiente doit patienter un bon moment avant de revoir l’infirmière. Le lendemain, sa jambe est enflée ; la plaie est rougeâtre, chaude et douloureuse. La patiente se rend alors à l’urgence de l’hôpital de son quartier où le médecin conclut à une infection. La patiente, travailleuse autonome, subit des dommages, car cette infection lui fait manquer des journées de travail. Elle intente donc une poursuite contre la clinique et le médecin. Elle allègue, preuve d’expert à l’appui, que l’infirmière aurait dû nettoyer sa plaie avec une solution stérile dans l’heure ayant suivi son arrivée.
Dans de telles circonstances, puisque le manquement est lié aux gestes d’une infirmière employée de la clinique et ne travaillant pas de façon indépendante, l’ACPM offrira généralement son assistance au médecin et à la clinique pour les gestes de l’infirmière, pourvu que la clinique remplisse les conditions d’assistance (voir l’article des mêmes auteurs intitulé : « Ai-je une protection adéquate ? Revue de principes généraux », publié dans Le Médecin du Québec du mois de novembre 2013).
Dans cette même clinique, une infirmière panse l’index d’un jeune enfant. Le médecin ayant inspecté la plaie indique à la mère les soins de base, les complications possibles et la manière de les reconnaître, puis prescrit une antibiothérapie par voie orale et une visite de suivi quarante-huit heures plus tard. L’infirmière applique ensuite le pansement après avoir désinfecté la plaie. Cependant, elle le pose trop serré, ce qui cause un préjudice menant à une ischémie digitale irréversible qui ne sera constatée que le lendemain.
Une action est intentée contre le médecin, la clinique et l’infirmière. Une analyse par l’expert devrait montrer que le médecin a agi avec diligence et que c’est l’application du pansement par l’infirmière qui a posé problème. Dans ce scénario, comme dans le précédent, si la clinique répond aux exigences de l’ACPM en ce qui a trait à l’assistance aux cliniques, l’infirmière et la clinique seront généralement assistées par l’ACPM dans le cadre d’un recours en justice.
La situation serait toutefois différente si cette infirmière, en vertu d’une entente avec la clinique, était autorisée à pratiquer de façon indépendante, c’est-à-dire hors d’un cadre de collaboration formelle avec des ordonnances et des protocoles, par exemple au service de consultation sans rendez-vous. Si le même préjudice survenait et que l’infirmière, conformément à ses champs de compétences, avait évalué seule les blessures de l’enfant et effectué des gestes de traitement sans avoir consulté un médecin, une action pourrait être intentée contre la clinique, l’infirmière et éventuellement le médecin, même si ce dernier n’a pas participé au traitement et n’était pas au courant de la situation. L’ACPM aiderait vraisemblablement le médecin visé par le litige, mais pas la clinique ni l’infirmière, cette dernière exerçant de façon autonome sans la protection professionnelle d’une assurance complémentaire. La clinique qui retient les services d’une infirmière détenant une assurance responsabilité professionnelle pour ses activités indépendantes et qui, par ailleurs, répond aux autres critères d’admissibilité à l’assistance de l’ACPM pourrait bénéficier du soutien médicolégal de l’ACPM advenant un litige. L’infirmière, quant à elle, recevrait l’aide de sa compagnie d’assurances pour les conséquences financières sérieuses qui peuvent découler de décisions cliniques prises par un professionnel de la santé travaillant de façon indépendante.
Un CSSS peut conclure des ententes de partenariat avec des cabinets privés de médecins afin d’accroître l’accessibilité à certains services. Il peut alors y affecter une infirmière, mais conserve son statut d’employeur.
La participation d’une infirmière du CSSS aux soins donnés dans une clinique privée n’a pas d’effet sur l’admissibilité de cette clinique à l’assistance de l’ACPM. Si la clinique satisfait aux autres critères d’admissibilité, l’ACPM fournira généralement une représentation au médecin et à la clinique advenant une action en justice en lien avec les soins de l’infirmière.
L’infirmière affectée à une clinique privée par un CSSS est une employée du CSSS. C’est donc l’assureur du CSSS qui assurera sa protection. //