Vous venez de recevoir une assignation à comparaître (parfois appelée subpœna). C’est la première fois. Vous n’êtes pas disponible, car vous êtes de garde ce jour-là. De plus, vous n’avez aucune envie d’aller à la Cour et ne voyez pas du tout en quoi votre témoignage sera utile. Dans le présent article, vous apprendrez si on peut obliger une personne à comparaître, si une personne peut être exemptée en fournissant une déclaration ou des documents, comment se déroulent les témoignages au cours d’une audience et comment les témoins doivent se comporter.
Un « témoin » est une personne assignée à comparaître devant une cour de justice ayant compétence en matière civile, pénale ou criminelle, devant un tribunal administratif ou devant un organisme administratif pour y rendre témoignage conformément à la loi. Il y a une quinzaine de tribunaux administratifs au Québec, dont la Commission de la santé et de la sécurité du travail, la Commission des lésions professionnelles, la Régie du logement et le Tribunal administratif du Québec. Parmi les organismes administratifs qui ont le pouvoir d’assigner des témoins, on note certains comités issus des ordres professionnels, comme le conseil de discipline du Collège des médecins.
Un témoin est assigné par un officier de justice, soit un juge, un greffier ou un avocat. Généralement, c’est l’avocat qui représente une des parties dans un litige qui assigne une personne pour obtenir son témoignage.
L’avocat peut initialement aviser le témoin par un appel téléphonique ou une lettre explicative que son témoignage sera éventuellement requis dans une cause. Cependant, le plus souvent, il va d’emblée transmettre au témoin un document nommé « assignation à comparaître » qui contraint le témoin à venir témoigner et comprend à cette fin divers renseignements, dont la date, l’heure et l’endroit où se déroulera le témoignage ainsi que le nom et les coordonnées de l’avocat qui a demandé le témoignage. L’assignation peut exiger que le témoin apporte un document, comme le dossier médical d’un patient. Il est donc très important de la lire attentivement pour connaître les documents à apporter.
Un témoignage est un élément de preuve qu’une partie peut utiliser afin d’appuyer sa position. Dans le cadre d’un procès ou d’une audition, les avocats ou les parties interrogent les témoins afin qu’ils racontent ce qu’ils ont vu ou entendu relativement à l’affaire qui fait l’objet de l’audience ou alors pour qu’ils expriment leur opinion.
Les parties peuvent demander à toute personne qui a un lien avec l’affaire ou qui peut aider leur cause de témoigner à leur procès ou à leur audience à titre de témoin ordinaire ou expert.
Le témoin ordinaire témoigne des faits qu’il a vus ou entendus. C’est le cas, par exemple, du médecin de famille qui est assigné à comparaître dans la cause d’un de ses patients en matière de divorce, de garde d’enfant, d’homologation de mandat d’inaptitude, de contestation de testament, de perte de permis de conduire, d’accident de travail, etc. Le témoignage du médecin de famille porte alors sur les observations et sur les traitements relatifs au problème médical de son patient.
Le témoin expert est appelé à comparaître lorsque l’affaire comporte des éléments techniques ou scientifiques difficiles à comprendre. L’expert étudie les documents pertinents soumis par une partie, procède à l’examen d’une personne ou d’une chose au besoin, rédige un rapport écrit faisant état de son opinion sur les questions soumises et témoigne à la Cour dans le but d’éclairer le tribunal de façon impartiale. C’est le cas, par exemple, du médecin dans une cause en responsabilité civile qui fait état de son opinion sur la conduite d’un médecin obstétricien lors d’un accouchement.
Une personne qui reçoit une assignation à comparaître doit se présenter à l’audience, à moins d’avoir d’excellentes raisons de ne pas le faire. Autrement, elle s’expose à des sanctions sérieuses, comme l’émission d’un mandat d’amener ou le dépôt d’une accusation d’outrage au tribunal. Comme l’assignation est une véritable ordonnance, elle ne peut donc être prise à la légère.
Une fois à la barre des témoins, une personne ne peut refuser de répondre à une question si le juge considère la question pertinente. De façon très exceptionnelle, une personne a droit au silence afin de ne pas s’auto-incriminer ou de ne pas incriminer son époux ou son épouse.
Une personne peut être accusée d’outrage au tribunal si elle ne se présente pas après avoir été assignée à comparaître. Un tel comportement est assimilé à une entrave à la justice, c’est-à-dire à un comportement qui nuit au cours normal de la justice et porte atteinte à l’autorité ou à la dignité de la Cour. Une personne accusée d’outrage au tribunal peut être condamnée à payer une amende ou même à accomplir une peine d’emprisonnement dans certains cas.
Il est toujours préférable de communiquer sans tarder avec l’avocat de la partie qui vous a envoyé l’assignation à comparaître. Vous pourrez alors obtenir plus d’information sur le contexte dans lequel votre témoignage est requis afin de vous préparer plus adéquatement.
Rappelez-vous cependant qu’une assignation à comparaître ne vous libère pas de votre secret professionnel, et ce, sans égard à la partie représentée par l’avocat. À moins de recevoir un consentement explicite de votre patient à cette fin, préférablement par écrit, vous devrez donc limiter la conversation aux modalités entourant votre témoignage.
L’avocat a l’obligation d’être courtois dans ses communications avec les témoins et doit tenter de réduire au minimum les inconvénients causés par une assignation. Aussi, lors de votre discussion avec lui, informez-le de votre disponibilité au moment prévu de votre témoignage. Le cas échéant, faites-lui part des répercussions de votre absence sur vos patients ou sur l’organisation des services médicaux. Par exemple, expliquez-lui que vous devrez annuler une journée de cabinet alors qu’une quarantaine de patients attendaient leur rendez-vous avec impatience depuis plusieurs semaines ou encore que vous devrez trouver un médecin pour vous remplacer pour une garde à l’urgence, ce qui sera très difficile du fait que l’hôpital fonctionne en effectifs restreints, etc. L’avocat comprendra mieux votre réalité et fera son possible pour en tenir compte dans la planification du déroulement des témoignages. Il pourrait ainsi vous demander de venir à une autre date ou à une heure précise pour vous éviter toute attente inutile à la Cour.
L’assignation à comparaître ne vous autorise pas à transmettre une copie du dossier médical ni un résumé de l’état de votre patient. Vous ne pouvez le faire sans un consentement explicite de ce dernier ni y être contraint par un ordre de la Cour. L’assignation vous oblige uniquement à apporter le dossier avec vous pour rendre témoignage.
Dans le cas du médecin appelé à témoigner dans une cause pour un de ses patients, il est essentiel qu’il relise le dossier médical de son patient pour se rafraîchir la mémoire et pointe les notes les plus pertinentes. Il est bon de revoir les éléments essentiels de chaque consultation médicale :
Il est possible que vous ayez d’autres souvenirs qui ne figurent pas dans vos notes. Ces souvenirs sont également pertinents. L’important est de vous en tenir à ce que vous avez vu et entendu plutôt qu’à des suppositions.
Pour votre témoignage, prévoyez une tenue appropriée, soit des vêtements sobres, mais soignés.
Premièrement, assurez-vous d’arriver à l’avance à la Cour. Il est en effet judicieux de prévoir du temps pour vous stationner et pour trouver la bonne salle d’audience. À votre arrivée, un commissaire pourra vous diriger au bon endroit si vous lui mentionnez le nom de l’affaire ou le numéro de la salle d’audience.
Une fois dans la salle, signalez votre présence à l’avocat qui vous a assigné. Ce dernier vous demandera sans doute d’attendre à l’extérieur jusqu’à ce que votre tour arrive. Pendant ce temps, il est préférable de ne pas discuter de la cause avec d’autres personnes que l’avocat qui vous a assigné. Apportez-vous un livre ou un journal pour vous occuper pendant l’attente.
Le témoin doit être poli et respectueux du protocole en salle d’audience. Lorsque le juge entre dans la salle ou en sort, vous devez vous lever. Vous devez aussi vouvoyer les avocats et vous exprimer correctement. Il faut toujours obéir au juge et lui adresser la parole en commençant par « Votre honneur », « Monsieur le juge » ou « Madame la juge ».
Tout d’abord, l’avocat ou le greffier va vous appeler à la barre des témoins, près du juge ou d’autres décideurs. Avant que vous vous assoyiez, le greffier va vous demander de vous nommer et de promettre de dire la vérité. Certains témoins le font en plaçant la main sur un livre religieux alors que d’autres se contentent de faire une affirmation solennelle. Il va de soi que l’honnêteté doit être à la base de tout témoignage.
L’avocat qui vous a assigné à comparaître sera la première personne à vous poser des questions. Le juge pourra également le faire à tout moment s’il a besoin de précisions sur l’une de vos réponses. Une fois que cet avocat a terminé, l’avocat de la partie adverse procédera à votre contre-interrogatoire, c’est-à-dire qu’il vous posera des questions au sujet de ce que vous avez dit pendant votre témoignage. Vous devez vous contenter de répondre aux questions en regardant le juge directement dans les yeux sans argumenter avec l’avocat de la partie adverse, même si vous avez l’impression qu’il tente de réduire votre crédibilité aux yeux du juge.
La chose la plus importante est de dire la vérité. C’est encore la meilleure façon de ne pas commettre d’erreur. Répondez directement et clairement aux questions en vous concentrant uniquement sur les faits. Évitez les suppositions. Si vous n’êtes pas certain d’un fait, dites-le.
Essayez de parler plus lentement que d’habitude pour permettre au juge de vous suivre, car il prendra des notes. Répondez aux questions et arrêtez-vous. Prenez toujours le temps de faire référence au dossier médical de votre patient afin de vous remettre en contexte et d’éviter les erreurs. Un juge appréciera cette rigueur. Si vous ne comprenez pas bien une question, n’y répondez pas. Demandez plutôt qu’on la répète. Si vous êtes trop nerveux, demandez quelques instants pour vous ressaisir et respirez bien.
Si on vous demande votre opinion d’expert alors que vous témoignez comme témoin de faits, vous pouvez dire que vous n’êtes pas à l’aise de répondre à ce titre ou que vous ne voulez pas donner d’opinion. En tout temps, restez poli, courtois et calme. Le juge ou les décideurs sont là pour éviter que vous ne soyez trop intimidé.
Des indemnités pour les témoins ordinaires sont généralement prévues par les tribunaux et les organismes auprès desquels les témoins sont assignés. Ces indemnités visent à indemniser le témoin pour sa perte de temps, ses frais de transport, de repas et d’hébergement, lorsque c’est nécessaire. Elles sont toutefois modiques et ne couvrent habituellement pas la véritable perte de gain subi par un médecin pour sa présence à la Cour. Le médecin assigné comme témoin ordinaire ne peut exiger de compensation financière pour sa journée de travail perdue. Par contre, il pourrait en demander une pour la préparation de son témoignage ou la rédaction d’un rapport médical aux fins de dépôt à la Cour. Il doit alors discuter avec l’avocat qui requiert son témoignage et s’entendre avec lui sur les frais associés à ces services avant de faire le travail. Le médecin pourra se baser sur la grille tarifaire des services non assurés élaborée par la FMOQ.
Dans le cas du médecin témoin expert, les frais d’expertise sont discutés dès le début du mandat et couvrent tant la préparation d’un rapport que la présence à la Cour. //