jetons un coup d’œil
En 2002, le projet de loi 90 amenait des changements aux champs de pratique de certains professionnels de la santé et aux règlements encadrant le travail en collaboration. Les infirmières praticiennes spécialisées (IPS) ont depuis apporté une diversité à leur pratique pour améliorer l’accès aux soins et permettre une concertation avec les médecins.
Lorsque l’IPS exerce en milieu hospitalier, sa protection professionnelle, comme les autres employés de l’établissement, est assurée par l’entremise de la direction des assurances du réseau de la santé et des services sociaux (DARSSS) affiliée à l’AQESSS. L’IPS en soins de première ligne peut aussi pratiquer hors d’un établissement, notamment dans une clinique médicale privée. Il en est de même de la candidate IPS de première ligne. Cette infirmière a terminé avec succès une formation universitaire complémentaire, mais attend de savoir si elle a réussi son examen et obtenu sa certification.
La Dre Lorraine LeGrand Westfall, chirurgienne, est directrice des Affaires régionales à l’Association canadienne de protection médicale (ACPM). Me Daniel Boivin, avocat, travaille chez Gowling Lafleur Henderson, à Ottawa, et est membre du contentieux de l’ACPM. |
Nous avons abordé en partie la question de la protection du médecin et de la clinique dans un numéro antérieur du Médecin du Québec1. La discussion portait sur l’étendue de la protection de l’ACPM lorsqu’un médecin travaille avec une infirmière employée dans sa clinique, qu’il s’agisse ou non d’un GMF. Qu’en est-il de la protection du médecin et de sa clinique lorsqu’il collabore avec une IPS ou une candidate IPS ?
Un exemple peut aider à saisir l’étendue des situations médicolégales possibles. Une IPS, qui fait des consultations sans rendez-vous, établit qu’un patient diabétique a une douleur à l’épigastre depuis la nuit dernière, qu’il dit avoir déjà eue il y a quelques mois. Dans son anamnèse, elle ne tient pas compte des antécédents familiaux de maladie coronarienne. Elle suggère au patient de changer ses habitudes alimentaires et de faire quelques tests avant la prochaine rencontre. En outre, elle ne trouve pas nécessaire de transmettre cette information au médecin de la clinique. Ce soir-là, le patient meurt chez lui d’un infarctus massif selon le rapport du coroner. La conjointe intente un recours contre la clinique, le médecin et l’IPS.
Oui, l’ACPM offrira vraisemblablement son aide au médecin dans une telle situation. Les probabilités que ce dernier soit tenu responsable, en tout ou en partie, des dommages causés par le traitement prescrit à un patient par une IPS sont toutefois assez limitées. Dans l’exemple précédent, le médecin n’a reçu aucune communication de l’IPS et n’a pas été consulté en ce qui a trait à la réponse présentée au patient. En outre, l’IPS est responsable juridiquement de ses actions.
Le partenariat entre l’IPS et le médecin en cabinet privé est encadré par une entente de partenariat écrite qui prévoit notamment les modalités de suivi et de prise en charge des patients par l’IPS. La responsabilité du médecin pourrait être en cause si la décision clinique de l’IPS est fondée sur l’application de modalités, prévues dans l’entente de partenariat, qu’un tribunal jugerait inadéquates. Il en serait de même si un patient subissait des préjudices à la suite de l’application par l’IPS d’une mauvaise ordonnance collective rédigée par le médecin.
Bien entendu, le médecin qui ne répond pas à la demande d’aide de l’IPS ou qui, lorsqu’il est consulté, donne des conseils que les experts trouvent fautifs, engage aussi sa responsabilité. Le médecin bénéficierait alors vraisemblablement de l’assistance de l’ACPM pour tout litige découlant des soins prodigués en collaboration avec l’IPS.
Alors que le médecin qui collabore avec une IPS n’a qu’une obligation de surveillance de cette dernière, celui qui travaille avec une candidate IPS doit en superviser les activités. Les lignes directrices relativement à la pratique de l’IPS en première ligne, document de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec et du Collège des médecins du Québec, comparent l’obligation de surveillance du médecin envers l’IPS à celle que doit exercer le chef de département clinique en établissement. La supervision médicale de la candidate IPS, quant à elle, « implique une obligation pour le médecin d’être présent en tout temps afin d’être en mesure d’intervenir au besoin2 ». Le document précise que « bien que le médecin qui supervise la candidate IPS puisse s’absenter occasionnellement, une IPS en soins de première ligne doit alors être présente sur les lieux où exerce la candidate »2.
L’obligation de supervision de la candidate IPS augmente donc potentiellement, pour le médecin, les risques de poursuite et de responsabilité totale ou partielle pour des gestes posés par celle-ci. Comme dans le cas de difficultés médicolégales découlant des soins prodigués par une IPS, toutefois, le médecin bénéficierait vraisemblablement de l’assistance de l’ACPM dans le cadre d’une poursuite mettant en cause les soins prodigués par une candidate IPS.
L’IPS qui prodigue des soins le fait en tant que professionnelle de la santé indépendante. Elle est responsable des fautes qu’elle pourrait commettre dans sa pratique, comme tout autre professionnel de la santé.
Bien que l’assistance de l’ACPM soit discrétionnaire, l’absence d’un lien de partenariat ou de collaboration entre l’IPS et le médecin ne serait généralement pas un facteur dans la décision d’aider le médecin. Ce dernier bénéficierait donc vraisemblablement de la protection de l’ACPM dans un litige découlant des soins donnés par une IPS avec laquelle il n’est pas partenaire.
Les principes d’assistance aux cliniques de l’ACPM ont été discutés dans un article précédent du Médecin du Québec1.
Dans l’état actuel des choses, l’IPS exerçant en clinique privée en collaboration avec un médecin reste une employée du CSSS. La clinique, qui par ailleurs répond aux critères d’admissibilité à l’assistance de l’ACPM, pourrait recevoir l’aide de l’ACPM puisque l’IPS est couverte par la police d’assurance de l’établissement qui l’emploie.
Comme l’IPS certifiée, la candidate IPS en soins de première ligne conserve son statut d’employée de CSSS malgré son affectation dans une clinique privée. Elle bénéficie donc de la protection conférée par la police d’assurance de son établissement d’attache. La clinique, qui par ailleurs répond aux critères d’admissibilité à l’assistance de l’ACPM, pourrait donc vraisemblablement bénéficier de cette assistance dans le cadre d’une poursuite découlant des soins donnés par la candidate IPS.
L’ACPM ne fournirait pas d’assistance à une IPS en soins de première ligne aux prises avec une poursuite. En tant qu’employée d’un CSSS, l’IPS bénéficierait de l’assistance de l’assureur des établissements de santé.
Tout comme pour l’IPS, l’ACPM ne fournirait pas d’assistance à une candidate IPS en soins de première ligne aux prises avec une poursuite. Tout comme l’IPS, la candidate est l’employée d’un CSSS et bénéficierait donc de l’assistance de l’assureur des établissements de santé. //