comment s’y retrouver ? – I
Au Québec, la notion de conjoint peut varier en fonction des lois applicables. Le sujet étant vaste, nous l’avons divisé en trois parties : la première traitera de la définition de conjoint en vertu du Code civil du Québec et des lois de l’impôt sur le revenu ; la deuxième partie paraîtra dans le numéro d’octobre et abordera cette question selon la Loi sur le régime de rentes du Québec et, enfin, dans le numéro de novembre, vous découvrirez comment la Loi sur le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, la Loi sur les régimes complémentaires de retraite et le Règlement sur l’exercice de la profession médicale en société interprètent ce sujet.
Dans le Code civil du Québec, les termes « époux » et « conjoint » font tout d’abord référence aux personnes qui se sont mariées (à l’église, devant un greffier ou autrement). La notion de conjoint s’applique également aux personnes qui ont contracté une union civile devant un célébrant compétent, qui constitue l’engagement de deux personnes qui expriment leur consentement à faire vie commune, sans toutefois célébrer le mariage. Les personnes de même sexe peuvent se marier ou s’unir civilement. Le Code civil interdit d’avoir deux conjoints en même temps, que ce soit par le mariage ou l’union civile.
L’union civile produit essentiellement les mêmes effets civils que le mariage : droits et obligations entre les conjoints, règles civiles portant sur l’obligation alimentaire entre conjoints, conclusion d’un contrat de mariage (contrat d’union civile), possibilité de faire des donations à cause de mort dans le contrat de mariage (contrat d’union civile), application d’un régime matrimonial ou d’union civile (soit la société d’acquêts qui est le régime légal obligatoire par défaut, soit la séparation de biens), assujettissement au patrimoine familial, protection de la résidence familiale et mandat présumé entre conjoints à l’égard de certains actes relatifs à la direction de la famille.
Le mariage et l’union civile permettent également au conjoint survivant de devenir automatiquement un héritier légal à l’égard de la succession du conjoint décédé sans testament, de bénéficier des règles sur l’insaisissabilité des droits conférés par une police d’assurance vie (et par un contrat de rente) lorsque la désignation (irrévocable ou non) est stipulée en faveur du conjoint du détenteur.
Le mariage se dissout par le divorce ou suite au décès d’un époux. L’union civile se dissout par une déclaration notariée commune, par un jugement du tribunal ou par le décès d’un conjoint. Il est à noter que les règles de la séparation de corps ne peuvent s’appliquer qu’aux conjoints mariés. La dissolution du mariage et celle de l’union civile produisent les mêmes effets civils (par exemple, dissolution du régime matrimonial, partage du patrimoine familial, droit à une pension alimentaire – sous réserve de la loi fédérale sur le divorce dans le cas du mariage – et droit à une prestation compensatoire).
Par ailleurs, le divorce et la dissolution de l’union civile (autrement que par décès) rendent automatiquement caducs les legs testamentaires faits au conjoint, les désignations stipulées en faveur du conjoint par le détenteur d’une police d’assurance vie ou d’un contrat de rente (que cette désignation soit irrévocable ou non), la nomination du conjoint à titre de liquidateur testamentaire et la plupart des donations à cause de mort consenties entre les conjoints.
Précisons que la reconnaissance de l’union civile est cependant incertaine lorsque les conjoints décident de s’établir à l’extérieur du Québec, ce type d’union n’étant pas reconnu dans la plupart des juridictions étrangères (où seul le mariage est reconnu). Cet aspect juridique constitue probablement la plus importante distinction à faire avec le mariage.
Notons que les conjoints de fait ne sont aucunement reconnus aux fins de l’ensemble des règles civiles mentionnées précédemment (quelle que soit la durée de la relation conjugale, qu’ils aient ensemble des enfants ou non) ; ces dernières sont applicables uniquement aux conjoints mariés ou unis civilement. Pour se protéger, les conjoints de fait peuvent toutefois établir une entente de vie commune et faire leur testament.
Lorsque le Code civil et toutes les autres lois du Québec sont muets quant à la définition du terme « conjoint », il faut se référer à la Loi d’interprétation du Québec, selon laquelle la notion de conjoint inclut les conjoints de fait (deux personnes qui font vie commune et qui se présentent publiquement comme un couple, peu importe la durée de leur vie commune). Cette définition est notamment applicable à l’égard de la notion d’intérêt dans la vie d’un conjoint en matière d’assurance vie et à l’égard du consentement aux soins donné par un conjoint.
La loi fédérale reconnaît trois types de conjoints, qui peuvent être de même sexe. Le terme « époux » s’applique évidemment aux conjoints mariés. On parle de « conjoints de fait » quand les personnes concernées vivent dans une relation conjugale pendant une période minimale de douze mois consécutifs. Leur statut fiscal n’est alors reconnu qu’à compter de la fin de cette période, et non rétroactivement. Finalement, les « conjoints de fait » qui vivent dans une relation conjugale et sont les parents d’un enfant (ce qui peut inclure, sous certaines conditions, un conjoint qui a uniquement la garde de l’enfant) n’ont aucune exigence minimale quant à la durée de leur relation conjugale. La loi fédérale ne reconnaît pas expressément les conjoints unis civilement en vertu du Code civil. Ces derniers pourront toutefois être reconnus à titre de conjoints de fait selon l’une ou l’autre des deux définitions (mais pas à titre de conjoints mariés).
Dans le cas des deux définitions de conjoints de fait (et uniquement dans ces deux cas), les personnes concernées ne sont plus considérées comme des conjoints de fait si elles vivaient séparées, pour cause d’échec de leur relation, pendant une période d’au moins quatre-vingt-dix jours consécutifs. La perte du statut fiscal de ces conjoints est alors reconnue rétroactivement à compter du premier jour de cette période minimale de quatre-vingt-dix jours. Il est à noter que cette loi permet étrangement à une personne, dans le cas de l’application de certaines règles fiscales, d’avoir deux conjoints en même temps. Ce serait le cas, par exemple, de la personne mariée (et donc non divorcée, mais qui vit séparément de son conjoint) ayant depuis au moins douze mois une relation conjugale avec une autre personne.
En plus de contenir les trois types de conjoints comme au fédéral, la loi du Québec prévoit expressément les conjoints unis civilement (au même titre que les conjoints mariés). Par conséquent, les conjoints unis civilement qui n’ont pas d’enfants et qui vivent depuis moins de douze mois dans une relation conjugale n’ont pas le même statut fiscal dans la loi du Canada et celle du Québec.
Le statut de conjoint a plusieurs incidences aux fins des lois fiscales canadienne et québécoise, notamment les règles d’attribution du revenu, le roulement au conjoint afin d’éviter tout gain en capital, l’exemption du gain en capital sur une résidence principale, le transfert libre d’impôt du REER, du FERR et du régime de pension après un divorce, une séparation ou un décès, le nouveau rentier du REER ou du FERR après le décès du détenteur, le calcul du montant minimal à retirer aux fins du FERR, le roulement du CELI au conjoint après le décès du titulaire, les cotisations versées dans le REER du conjoint et le fractionnement fiscal des revenus de pension admissibles (dans ce dernier cas, les conjoints, mariés ou non, ne doivent pas vivre séparés pendant une période d’au moins quatre-vingt-dix jours consécutifs pour cause d’échec de leur relation).
Le statut de conjoint a également diverses incidences sur la détermination de plusieurs prestations et déductions fiscales et crédits d’impôt, tant au fédéral qu’au provincial. Par ailleurs, nombre de ces avantages fiscaux sont établis selon le revenu combiné des deux conjoints.
La suite le mois prochain. //
Note de la rédaction. Ce texte a été écrit, révisé et mis en pages par Conseil et Investissement Fonds FMOQ inc. et ses mandataires. Il n’engage que ses auteurs.