les lourdes répercussions du projet de loi no 20
Les délégués du conseil de la FMOQ ont mandaté leur bureau « afin qu’il signifie au ministre de la Santé le rejet de la partie I du projet de loi no 20 ».
Le conseil général
Le conseil général de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), réuni le 13 décembre dernier, a rejeté unanimement le projet de loi no 20 concernant l’accès à la médecine familiale et à la médecine spécialisée.
« Le ministre fera ce qu’il voudra du projet de loi no 20, mais on ne discutera pas de cette mesure législative avec lui, a tranché le Dr Louis Godin, président de la FMOQ. On n’acceptera pas la coercition. À un moment donné, assez, c’est assez ! »
Ce projet de loi comporte, comme bien d’autres avant, son lot de sanctions. « Il y a plusieurs années, le gouvernement pénalisait les médecins de famille parce qu’ils travaillaient trop. Après, il les a pénalisés parce qu’ils ne pratiquaient pas assez à l’hôpital et, là, il va les pénaliser parce qu’ils ne travaillent pas assez dans les cabinets. Cela n’a aucun bon sens. »
L’un des objectifs du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) serait d’obliger les médecins de famille à pratiquer davantage. Le ministre affirme d’ailleurs que 59 % des omnipraticiens ne travaillent en moyenne que 117 jours par an. On peut toutefois faire dire aux chiffres ce que l’on veut, a soutenu le Dr Godin. « Avec la même base de données, je peux affirmer que 80 % des médecins travaillent 216 jours en moyenne. Quand on regarde l’activité de nos confrères spécialistes ou celle des omnipraticiens canadiens, on constate que les médecins de famille québécois travaillent autant que ces deux groupes. »
Le gouvernement laisse par ailleurs entendre que les médecins de famille ne lui en donnent pas pour son argent. Un autre faux raisonnement, selon le Dr Godin. « Quelqu’un qui, par choix – on a encore le choix au Québec –, décide de travailler deux jours par semaine n’est payé que deux jours et non cinq jours. L’État en a donc pour son argent. »
Dr Godin
Le nouveau projet de loi comprend des mesures radicales (encadré 1). Dans un an, tous les médecins de famille seront obligés de suivre un nombre minimal de patients inscrits qui pourrait aller jusqu’à 1500, selon des informations préliminaires. Ils devront également pratiquer un certain nombre d’heures dans un établissement de soins qui, selon leur choix effectué, pourrait atteindre 36 heures, d’après certaines sources. Les modalités exactes de ces obligations seront déterminées par un règlement rédigé plus tard. Celui-ci prévoirait entre autres des critères à respecter, comme le taux d’assiduité minimal, c’est-à-dire le taux de patients qui ne consulteront un autre médecin.
Le 31 décembre 2015, les activités médicales particulières (AMP) seront par ailleurs éliminées. Ou plutôt, elles seront remplacées par une nouvelle liste d’activités médicales autorisées par l’agence de la santé et des services sociaux. On y retrouvera la pratique à l’urgence, en obstétrique, dans les unités de soins des hôpitaux, etc. Ces activités ne seront pas l’équivalent exact des AMP et ne seront pas encadrées par les mêmes règles.
« Ce ne seront pas nécessairement toutes les activités en établissement qui seront reconnues », prévient le Dr Godin. Ainsi, un médecin qui augmente sa pratique à l’urgence pour atteindre le seuil de 36 heures pourrait voir ses heures additionnelles refusées. « Certaines activités pourraient aussi ne pas être admises. »
Pour le clinicien qui ne remplira pas toutes ses obligations, le projet de loi prévoit un mécanisme de réduction de la rémunération. Il pourra donc être pénalisé pour un nombre insuffisant de patients inscrits, un taux d’assiduité de la clientèle trop faible ou nombre trop réduit d’heures de pratique en établissement. Les sanctions s’accumuleront jusqu’à une réduction de 30 % de la rémunération.
« Ce projet de loi risque de causer beaucoup de dommages », a averti le Dr Godin. La qualité des soins, par exemple, pourrait en pâtir. « Compte tenu du nombre de patients à suivre et du taux d’assiduité exigé, les médecins ne pourront pas prendre tout leur temps en cabinet. » Il sera également plus difficile pour les omnipraticiens de bien prendre en charge les patients plus vulnérables, dont les consultations peuvent être plus longues.
L’avenir de la médecine familiale est en jeu, estime le président. Les effets du projet de loi risquent de se répercuter sur les prochaines cohortes de résidents. « C’est évident que tous les efforts que l’on a faits pour valoriser la médecine familiale viennent d’être anéantis d’un trait. On peut oublier l’objectif d’attirer en omnipratique 50 % des étudiants en médecine. La médecine de famille va devenir invivable comme pratique professionnelle. »
Au conseil, bien des délégués étaient catastrophés. « Le projet de loi no 20 est une déclaration de guerre, et la guerre cause des dommages collatéraux », a indiqué un médecin. Certains se montraient combatifs : « Les médecins sont prêts à aller très loin pour défendre leurs droits, pas leurs revenus, leurs droits. » D’autres craignaient l’avenir : « Le véritable enjeu, c’est le tort qui est fait à la médecine familiale. En une action, le gouvernement nous a fait reculer de dix ans. »
Les objectifs du projet de loi no 20 peuvent paraître louables : optimiser l’utilisation des ressources médicales et financières du système de santé afin d’améliorer l’accès aux services médicaux. La Fédération partage ces buts.
Le conseil général a d’ailleurs mandaté le bureau de la FMOQ « pour qu’il mette en œuvre tous les moyens qu’il estimera appropriés afin de réaliser autrement l’objectif d’améliorer l’accès aux services de médecine de famille. »
Il y a un peu plus d’un an, la Fédération avait conçu son propre plan pour faciliter l’accès à la première ligne. Elle avait proposé des unités d’accès populationnel et encouragé ses membres à se garder du temps pour répondre rapidement aux urgences de leurs propres patients. « On se préoccupe de l’accès de la population aux soins médicaux de première ligne, a indiqué le président. On va mettre de l’avant des propositions qui reposent sur l’incitation, la qualité des soins et la valorisation de la médecine familiale. »
Le mot d’ordre pour l’instant ? « Continuez à faire de la bonne médecine. Occupez-vous bien de vos patients », a dit le Dr Godin aux 142 délégués.
Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée
Source : Me Pierre Belzile, directeur du Service juridique de la FMOQ.
La cotisation syndicale de 2014-2015 sera de 1841 $ à laquelle s’ajoutera une contribution spéciale de 1000 $ pour le fonds de contestation. La cotisation totale s’élèvera donc à 2841 $.
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