le projet de loi 20 : NON
Tous connaissent maintenant le projet de loi 20. Avec ce projet de loi, le ministre Gaétan Barrette propose en gros de carrément déshumaniser la pratique de la médecine familiale en la transformant en un simple travail à la chaîne. De plus, il veut pénaliser les médecins de famille qui prennent en charge les patients plus malades, ainsi que ceux qui prennent davantage de temps avec chacun de leurs patients. Il veut aussi imposer à chaque médecin de famille des quotas individuels irréalistes de patients à prendre en charge, tout en prolongeant l’obligation qu’ont les médecins de famille québécois de travailler en milieu hospitalier, un fait unique au Canada. Cela n’a tout simplement aucun sens. Le ministre Barrette sait-il que ce sont des êtres humains que nous soignons, pas des numéros ? Vraisemblablement, et surtout malheureusement, la réponse à cette question semble être non. Voilà pour l’ignorance du ministre.
Et ça ne s’arrête pas là! Il y a le mépris qui vient en plus. Mépris est, en effet, le seul mot qui convient pour qualifier l’attitude d’un ministre de la Santé qui insulte et dénigre les médecins de famille, en particulier les jeunes omnipraticiennes, en insinuant à coup de statistiques manipulées et torturées qu’ils sont paresseux. Notre cher ministre, doté d’une vision de la pratique médicale passéiste datant de trente ans, est incapable de dire la vérité aux Québécois et de citer correctement et simplement les statistiques de la RAMQ selon lesquelles les médecins omnipraticiens, comme leurs collègues spécialistes, travaillent près de 200 jours en moyenne par année. Il ne dit pas non plus que ces données excluent bon nombre de journées de travail non rémunérées, telles que celles que les médecins de famille consacrent à des activités médicoadministratives ou d’analyse des résultats d’épreuves de laboratoire, ni que les journées de seize heures comptent pour une seule dans les données de la RAMQ et qu’une demi-journée travaillée ici et là n’est jamais comptabilisée. La vérité est pourtant toute simple, et le dernier sondage national des médecins est limpide à ce sujet : les médecins de famille québécois travaillent près de 50 heures en moyenne par semaine, 45 semaines par année. Et c’est sans compter que ces chiffres n’incluent pas les gardes. Il faut manifestement vouloir berner les Québécois pour constamment parler de temps partiel dans un tel contexte !
La mauvaise foi, le mépris et l’ignorance du ministre n’étant plus à faire, une seule avenue se dresse devant nous : celle de la mobilisation. Jamais les médecins de famille n’ont été attaqués de la sorte au cours de l’histoire récente du Québec. Déjà, par milliers, vous vous êtes déplacés pour partager avec les gens de votre fédération votre indignation et votre colère. Des regroupements et des initiatives inédites ont vu le jour sur le terrain afin de faire savoir à nos concitoyens les dangers qui nous guettent et qui guettent aussi les patients, avec l’approche préconisée dans le projet de loi 20. Ce n’est, j’en suis convaincu, qu’un début. L’année 2015 en sera une de vérité pour l’avenir de la médecine familiale. Je peux vous assurer qu’avec votre appui, nous investirons tous les efforts possibles pour faire entendre raison à un gouvernement actuellement dangereusement à la dérive, comme nous investirons aussi d’ailleurs tous les efforts nécessaires pour proposer des solutions concrètes aux problèmes d’accès en première ligne. Espérons toutefois que nous aurons, dans l’année qui vient, un interlocuteur qui souhaite discuter de la question avec nous, car depuis avril 2014, ce n’est pas le cas. //
Le 17 décembre 2014
Le président, Dr Louis Godin |