points de réflexion
Le système de prise de rendez-vous électronique est l’une des applications de santé grand public qui gagnent en popularité. Suivant un sondage réalisé en 2013, plus de 90 % des Canadiens interrogés aimeraient avoir la possibilité de prendre leur rendez-vous en ligne1. Or, seulement 7 % des médecins canadiens utilisaient un tel système en 20121.
Pour favoriser l’adoption de cette technologie par les médecins et les infirmières praticiennes qui travaillent en première ligne, Inforoute Santé du Canada a entamé en octobre dernier la deuxième phase de son programme intitulé : « Initiative de prise de rendez-vous électronique » qui vise à stimuler l’adoption de ces applications. Ce programme permettra aux personnes qui se sont inscrites avant le 15 décembre 2014 de recevoir un soutien financier pour compenser les coûts liés à l’adoption d’une telle solution2.
Me Christiane Larouche, avocate, travaille au Service juridique de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. |
Parallèlement, à la demande du ministère de la Santé et des Services sociaux, la Régie de l’assurance maladie du Québec a lancé un avis d’appel d’intérêt afin d’explorer la possibilité de proposer une solution d’aide à la prise d’un rendez-vous avec un médecin de famille3. La solution devrait permettre la prise de rendez-vous par l’entremise d’un service Internet ou d’un système de réponse vocale interactive. Impossible de prédire l’issue de cet appel d’intérêt. Toutefois, le Ministère est de toute évidence favorable à l’utilisation d’un tel système par les médecins. L’idée d’une plateforme nationale pourrait traduire une volonté de diriger plus facilement les patients vers des lieux ayant des disponibilités pour des consultations sans rendez-vous.
On connaît cependant les lenteurs associées à la mise en place des programmes en technologie de l’information par le gouvernement. Vous pourriez ainsi aller de l’avant sans attendre et offrir un tel service à vos patients. Plusieurs fournisseurs vendent déjà de telles applications au Québec. Il faut donc prendre le temps de comparer les solutions et choisir judicieusement celle qui convient à ses besoins. Connaître ses obligations déontologiques et légales relativement à l’utilisation d’une telle technologie est également important.
Une solution de rendez-vous électronique est un logiciel qui permet aux patients de prendre ou de modifier un rendez-vous sans devoir interagir avec un membre du personnel administratif. La plupart des systèmes envoient la confirmation des rendez-vous et des rappels par voie électronique.
Ils peuvent aussi gérer des périodes de rendez-vous ou des périodes de consultations sans rendez-vous dans une clinique. Ils peuvent également être configurés pour que le médecin de famille puisse réserver des plages pour la consultation sans rendez-vous à ses propres patients. Un système de préinscription téléphonique automatisé peut notamment être employé par les patients pour les consultations sans rendez-vous.
Deux options technologiques peuvent servir à mettre en place un système de prise de rendez-vous électronique sur le marché canadien. La première intègre la prise de rendez-vous électronique directement dans le système de DME du médecin pour qu’elle en devienne une fonction à part entière. La seconde adopte une solution indépendante qui pourra synchroniser les renseignements concernant la prise de rendez-vous électronique avec le système de DME du médecin.
Les solutions ne possèdent pas toutes les mêmes fonctionnalités. Toutefois, elles partagent fréquemment certaines caractéristiques communes, notamment1 :
Certaines solutions offrent également des fonctionnalités supplémentaires, par exemple1 :
Les risques potentiels associés à l’utilisation d’une solution de rendez-vous électronique sont intimement liés à la nature et à l’étendue des fonctionnalités de la solution en cause.
Selon les médecins qui se servent d’un système de rendez-vous électronique, les avantages sont principalement les suivants1,4 :
Il faut quand même demeurer réaliste : la prise de rendez-vous électronique n’est pas une panacée. Le médecin peu accessible ne le sera pas davantage du seul fait qu’il adopte un système de rendez-vous électronique, à moins bien entendu qu’il offre une meilleure disponibilité du même coup. L’utilité d’un tel système est aussi moins évidente pour le médecin qui fonctionne en accès adapté. Le personnel administratif joue alors un rôle névralgique dans l’attribution des rendez-vous, qui sont généralement répartis sur une courte période. Le personnel s’assure que l’horaire du médecin est équilibré et que des plages restent vacantes pour des rendez-vous urgents. L’expérience d’un système automatisé pourrait également s’avérer frustrante pour les patients si, par exemple :
Un système de prise de rendez-vous électronique est avant toute chose un outil. Il appartient au médecin de déterminer comment le système doit être configuré pour améliorer la gestion des rendez-vous au sein de la clinique et accroître la satisfaction de ses patients.
L’utilisation d’une solution de rendez-vous électronique, comme toute autre technologie de l’information et des communications, comporte généralement des enjeux juridiques liés à la protection de la confidentialité, à la sécurité et à l’intégrité des renseignements communiqués. En tout temps, sauf les rares exceptions prévues au Code de déontologie des médecins, le médecin est tenu de respecter le secret professionnel et de protéger les renseignements personnels de son patient. Il a de plus l’obligation déontologique d’assurer la protection de l’intégrité des renseignements de ses patients.
Le médecin doit donc prendre les moyens lui permettant de respecter ses obligations déontologiques et légales lorsqu’il utilise un système de rendez-vous électronique.
Avant toute chose, le médecin doit comprendre le fonctionnement de la solution de rendez-vous électronique. Lire l’information disponible sur la solution, poser des questions sur les aspects technologiques et faire l’essai de la solution avant de la mettre en œuvre dans sa clinique sont des incontournables.
Le médecin doit notamment se poser les questions suivantes :
À l’issue de cette analyse, vous devrez avoir repéré les limites technologiques de la solution. Dans un monde idéal, les communications avec vos patients devraient avoir lieu dans un tel environnement électronique sécurisé où les renseignements sont cryptés et sauvegardés tous les jours. Ceci est possible lorsque le logiciel de rendez-vous est utilisé sur un site Web sécurisé. Cependant, dès que les communications ont lieu hors de cet environnement sécurisé, les risques ne peuvent être tous éliminés. Il en est ainsi de l’envoi de courriels non sécurisés ou de SMS de confirmation de rendez-vous ou de rappels aux patients. Il peut alors y avoir des risques :
Une fois le système bien compris, le médecin doit connaître les types de données sur le patient et les professionnels de la santé qui seront recueillies par la solution de prise de rendez-vous électronique. Pour réduire les risques au minimum, le système devrait préférablement recueillir et communiquer le moins de renseignements personnels au moment de la prise de rendez-vous.
Comme des fournisseurs participeront à la mise en œuvre d’une structure de prise de rendez-vous électronique, il est possible qu’ils aient accès à des renseignements personnels concernant les patients. Il est donc essentiel de les obliger contractuellement à respecter la confidentialité des informations dont ils pourraient prendre connaissance selon les dispositions contractuelles. Rappelons qu’à titre de gardien des données de ses patients, le médecin n’est pas déchargé de ses responsabilités simplement parce qu’il fait affaire avec un fournisseur spécialisé.
Le médecin doit accorder une attention particulière au consentement des patients relativement à l’utilisation d’une solution de prise de rendez-vous électronique. Suivant le contexte, le patient pourrait consentir implicitement s’il se sert de l’application électronique pour prendre un rendez-vous. Cela dit, selon les fonctionnalités de la solution retenue, un consentement explicite du patient pourrait être requis, notamment pour lui transmettre des avis et des communications par courriel, ou par message texte ou encore des appels téléphoniques informatisés. Certaines solutions ou fonctionnalités pourraient en effet comporter davantage de risques d’atteinte à la confidentialité des renseignements personnels. Ce serait le cas d’une solution obligeant le patient à fournir la raison de la consultation ou des renseignements médicaux préalablement à la prise de rendez-vous. Par conséquent, le médecin devra vérifier l’étendue des renseignements demandés et s’assurer que la solution collige le minimum de renseignements requis. Il devra expliquer les limites des technologies utilisées et obtenir le consentement de son patient pour échanger et communiquer avec lui dans ce contexte. Certains patients pourraient ne pas vouloir employer un système de rendez-vous électronique, et ce choix devra être respecté. Rappelons qu’un consentement n’est libre et éclairé que si l’on fournit au patient des informations claires et précises qu’il est en mesure de comprendre.
Quelle que soit l’application technologique choisie pour faciliter sa pratique et en améliorer la qualité, le médecin devra faire preuve de jugement : il devra toujours garder un esprit critique pour assumer adéquatement ses obligations déontologiques. //