Questions... de bonne entente

Changements proposés au RREGOP et répercussions sur les honoraires fixes – III

Michel Desrosiers  |  2015-10-22

À la suite des deux articles précédents, les médecins rémunérés à honoraires fixes se demandent sans doute s’ils peuvent retirer leur rente, tout en continuant à exercer dans leur milieu actuel sous un autre mode. Nous en traitons justement de même que d’une autre voie possible si vous avez moins de 55 ans.

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Une autre voie

Le médecin qui a acquis au moins deux ans de service et qui quitte le mode des honoraires fixes avant 55 ans peut faire un autre choix, soit celui d’une rente différée. Il ne recevra aucune rente avant la date qu’il indiquera ultérieurement. Sa rente sera alors calculée en fonction de son âge au moment de la retirer et des règles alors en vigueur. Même si le médecin ne contribue pas au régime après son départ, sa rente sera indexée à partir de cette date, bien que la rémunération servant au calcul (soit la moyenne des cinq ou huit dernières années de travail à honoraires fixes) ne le sera pas.

Il n’est donc pas nécessaire de tenir compte de l’inflation entre le moment où le médecin cesse de cotiser au Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP) et celui où il retire sa rente. Le pouvoir d’achat de la rente au moment du retrait sera comparable à ce qu’il aurait été à la date du report.

Si le médecin dans notre scénario 1 (54 ans d’âge et 29 ans de cotisations à la fin 2015) annulait sa nomination au mode à honoraires fixes avant d’atteindre 55 ans et qu’il attendait à 2025 pour retirer sa rente, il se passerait d’une rente annuelle immédiate de 59 589 $. Toutefois, il retirerait, dix ans plus tard, une rente dont le pouvoir d’achat serait de 74 487 $ en dollars de 2015. Il gagnerait ainsi environ 15 000 $ de plus par année (toujours en dollars de 2015) pour le restant de sa vie à partir de 2025. Or, en supposant que le coût des rentes dans dix ans soit comparable à celui d’aujourd’hui, une telle rente, sans indexation future, lui coûterait alors 244 000 $ (304 000 $ si on évalue le coût d’une rente sur deux vies à 65 ans). Si on fait des projections d’inflation en fonction d’un taux de 2 % par année sur les dix ans, ces coûts seraient plutôt de 300 000 $ et de 370 000 $, respectivement. En prenant la rente différée, le médecin aura de plus renoncé à dix ans de rente annuelle immédiate qui aurait totalisé quelque 600 000 $. La rente différée ne semble donc pas une solution intéressante sur une période prolongée.

Le résultat serait probablement encore pire sur une période plus courte, car c’est dans les trois premières années suivant les changements de règles de calcul que l’effet à la baisse est le plus important. Avant d’opter pour cette solution, faites faire une analyse finan­cière sérieuse.

La rente différée ne semble pas une solution intéressante sur une période prolongée.

Le médecin qui serait désavantagé par les modifications peut abandonner le mode des honoraires fixes, tout en continuant à exercer dans le même milieu sous un autre mode (tarif horaire ou, bientôt, mode mixte).

Pour ceux qui songent à changer de mode

De façon générale, l’entente stipule qu’un médecin peut changer de mode lors du renouvellement de son avis de service, événement qui survient tous les deux ou trois ans. Des exceptions sont prévues lorsqu’un nouveau mode est créé (comme le mode mixte) ou qu’il devient accessible dans un milieu où le médecin pratique. De plus, les parties négociantes permettent parfois à un médecin, sur une base individuelle, de quitter le mode des honoraires fixes en dehors de la période du renouvellement, soit pour retirer sa rente du RREGOP (et alors plus souvent pour opter pour le tarif horaire), soit pour passer au mode à l’acte.

Le médecin qui évaluerait, si jamais l’ensemble des modifications annoncées se réalisait, qu’il serait préférable pour lui de retirer sa rente et de changer de mode peut tenir pour acquis que c’est possible. Il peut d’ailleurs continuer à exercer dans le milieu où il était rémunéré à honoraires fixes comme il peut changer de milieu (encadré).

Les règles de certains régimes de retraite gouvernementaux prévoient la suspension de la rente si le bénéficiaire exerce pour le compte du gouvernement ou un organisme parapublic, mais ce n’est pas le cas du RREGOP ni du Régime de retraite de l’administration supérieure (RRAS).

Si vous décidez de quitter le mode des honoraires fixes, songez à établir un plan financier pour que les avantages estimés se réalisent.

Le médecin qui veut procéder ainsi n’a pas à obtenir l’autorisation du conseil d’administration. Le changement de mode de rémunération est une démarche administrative qui ne modifie pas les privilèges et obligations du médecin au sein de l’établissement. Le médecin n’a qu’à demander au DSP (ou à la personne qui gère les avis de service) de modifier son avis de service afin d’y inscrire une date de fin pour le mode des honoraires fixes et de produire un nouvel avis de service indiquant le nouveau mode applicable à compter du lendemain de la fin du mode des honoraires fixes.

Le médecin devra aussi faire ses démarches auprès de la Commission administrative des régimes de retraite et d’assurances (CARRA), gestionnaire du RREGOP. Cette dernière exigera qu’il fasse remplir différents documents par son « employeur ». Les renseignements requis étant de nature financière (taux de rémunération, nombre d’heures payées, etc.), le médecin doit envoyer le formulaire à remplir à la RAMQ qui le transmettra par la suite à la CARRA.

Les solutions de rechange aux honoraires fixes

En retirant une rente tout en continuant à exercer, vous aurez des revenus importants. Vous pourrez en mettre une partie à l’abri de l’impôt (en cotisant à un REÉR, par exemple), mais votre taux marginal d’imposition sera tout de même élevé. La moitié de votre revenu de rente risque ainsi de prendre le chemin des coffres d’Ottawa et de Québec.

Une solution possible, si vous optez pour le tarif horaire ou prochainement pour le mode mixte, est la rente différée que nous avons évoquée un peu plus tôt. Malheureusement, son coût est relativement élevé. Une autre option est de vous constituer en société par actions et d’y laisser la rémunération tirée de vos activités professionnelles, qui sera imposée à un taux réduit. Lorsque vous retirerez des sommes pour répondre à vos besoins, elles seront de nouveau imposées, mais vous aurez le contrôle sur le décaissement. Cette voie est surtout intéressante si votre conjoint a peu de revenus ou que vous avez des enfants majeurs à qui vous voulez donner de l’argent. La distribution par voie de dividendes peut alors être intéressante. Toutefois, si votre conjoint ou vos enfants ont déjà des revenus importants (environ 50 000 $ par année), l’imposition sur les dividendes provenant de votre société fera en sorte qu’il aurait été plus avantageux de recevoir la totalité du revenu dès le départ, sans passer par une société par actions, et d’acquitter l’impôt tout de suite.

Même si vous ne vous constituez pas en société par actions, le fait de recevoir une rente tout en continuant d’exercer fera en sorte que vous devrez placer les revenus excédentaires, question que les avantages estimés se réalisent. Les conseillers de Conseil et investissement Fonds FMOQ, une filiale de la FMOQ, peuvent vous aider, autant pour mettre sur pied une société que pour choisir le genre d’investissements à faire au sein de la société ou hors de la société.

Espérons que ces informations vous ont aidé. Nous vous reviendrons dans deux mois. À la prochaine ! //