Depuis les derniers articles sur le mode mixte, certains d’entre vous se demandent sans doute s’il y a un intérêt d’adhérer à ce mode. Comparons la situation du médecin qui exerce à honoraires fixes et celle du médecin qui a choisi le tarif horaire.
Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. |
La comparaison doit être générale, car le pourcentage applicable au supplément d’honoraires est différent d’un secteur à l’autre, et le volume d’actes pourra aussi varier. Voici un cadre de comparaison.
Si vous pratiquez à tarif horaire et que vous ne recevez pas les primes versées pour les heures en psychiatrie, en gériatrie active, en soins palliatifs, en réadaptation ou en soins de longue durée, l’exercice est simple. Le taux horaire courant est de 95,12 $. Suffit de le multiplier par la durée moyenne de votre journée de travail.
Si vous exercez à honoraires fixes, toujours sans toucher de primes, vous devez tenir compte de votre rémunération actuelle et de la valeur des avantages associés, soit la contribution du gouvernement au RREGOP de même qu’au régime d’assurances et à la rente du conjoint survivant. Si ces avantages s’accumulent pour l’ensemble des heures (c’est-à-dire que vous ne dépassez pas les heures prévues dans votre avis de service), la division de votre taux horaire par 0,718 vous donnera une bonne approximation. Ce ratio est tiré de la « colonne 3 » du tarif horaire, qui se veut une estimation, à 1 % ou 2 % près, de la rémunération horaire à honoraires fixes. Comme la rémunération annuelle à honoraires fixes est de 125 421 $ pour 1820 heures, le taux horaire aux fins de comparaison est donc de 95,98 $. Ce montant doit être multiplié par la durée moyenne de votre journée de travail.
Pour déterminer si le mode mixte est plus avantageux que votre mode actuel, vous devez, dans un premier temps, établir le taux horaire pour vos activités pour l’ensemble de vos heures |
Si vous exercez dans un des secteurs donnant droit à une prime (énumérés ci-dessus), vous devez ajouter la valeur de ces primes sur 95 % des heures. Comme les primes sont de 15,55 $, vous devez ajouter 14,77 $ de l’heure sur l’ensemble des heures faites dans ces secteurs, pour un total de 109,89 $. Dans le cas de la santé publique et de la santé-sécurité au travail, les différentes primes spécifiques à ce secteur portent le taux horaire aux fins de comparaison à 98 $, toujours multiplié par la durée moyenne de votre journée de travail.
Si vous pratiquez à l’acte dans un secteur visé, vous pouvez simplement retenir votre revenu quotidien moyen. La durée de votre journée moyenne doit comprendre toutes les activités professionnelles que vous effectuez dans ce secteur, tant cliniques que clinico-administratives et médico-administratives. Vous n’avez toutefois pas à tenir compte de l’équivalent des primes horaires évoquées dans le paragraphe précédent. Dans les milieux qui bénéficient de la nouvelle nomenclature depuis octobre 2013, ces avantages ont été intégrés dans la tarification des visites et des autres services.
Il reste trois éléments additionnels : les suppléments existants, les majorations de l’annexe XII et les majorations en horaire défavorable. Les suppléments actuels (vulnérabilité, abécédaire, suivi de grossesse, etc.) peuvent être mis de côté. Dans le mode mixte, ils demeurent payables à 100 % de leur tarif. Par conséquent, ils n’auront aucune incidence sur votre choix. L’important est de les exclure de votre calcul à la fois pour votre mode courant et le mode mixte.
Quant aux majorations applicables en territoire désigné, elles seront identiques à celles du mode mixte. Vous pouvez donc très bien ne pas en tenir compte, tant sur le plan de votre rémunération actuelle que sur celle du mode mixte. Si les exclure de votre rémunération actuelle pose problème (si vous êtes à l’acte, par exemple), vous devrez les ajouter à votre simulation de la rémunération selon le mode mixte.
Quant aux majorations applicables aux heures défavorables, vous pouvez soit en faire abstraction (le résultat devrait être le même dans les deux modes que vous comparez) ou en tenir compte dans les deux modes comparés. L’important est d’appliquer le même traitement aux deux modes.
Comme le mode mixte comporte deux éléments de rémunération, vous devrez ici faire au moins deux calculs. D’abord, notez la contribution du forfait horaire payable dans le secteur visé. Ce taux est le même dans l’ensemble des secteurs, soit 57,12 $ de l’heure. La contribution se calcule simplement en multipliant ce taux par le nombre d’heures de toutes les activités admissibles au cours d’une journée moyenne.
L’autre composante exige un travail qui peut varier selon le secteur en cause. Dans certains, comme la santé publique ou la santé-sécurité au travail, les actes étant essentiellement basés sur le temps, le calcul sera simple. Dans les autres secteurs, du fait des suppléments d’honoraires pour les examens, les visites, les interventions et les autres services, vous devez vous faire une idée du volume quotidien moyen de ces services. Le montant des suppléments associés doit alors être multiplié par le pourcentage applicable dans le secteur en cause et ensuite ramené sur votre période de référence (une semaine ou un mois ; aucun ajustement si c’est une journée).
Cet exercice doit se faire en deux temps, car le pourcentage applicable aux services cliniques diffère de celui qui s’applique aux services médico-administratifs. De plus, comme certaines activités entraînent des revenus de suppléments dans le mode mixte (activités cliniques et médico-administratives) et d’autres pas (activités clinico-administratives), une heure de travail constitue une période trop courte pour faire l’évaluation. Vous devrez ainsi faire votre comparaison sur au moins une journée ou une semaine. Vous serez alors en mesure d’estimer le poids relatif de chaque type d’activité (encadré).
Cet exercice indique différentes composantes qui reflètent la nature de votre pratique et des services que vous rendez. Reste à en tirer un chiffre qui intègre ces divers éléments selon leur poids. Vous devriez avoir les chiffres suivants :
h le nombre d’heures d’activités professionnelles de votre journée moyenne ;
h le taux du forfait horaire selon le mode mixte ;
h les suppléments d’honoraires pour des activités cliniques durant la journée moyenne ;
h les suppléments d’honoraires pour des activités médico-administratives durant la journée moyenne.
Pour déterminer le taux horaire comparable dans le mode mixte, vous devez additionner le forfait horaire à la valeur horaire moyenne des suppléments d’honoraires et tenir compte des coûts qu’impose la facturation selon le mode mixte |
Il suffit donc de multiplier ensemble le nombre d’heures d’activités par le taux horaire et d’additionner ce chiffre aux deux autres pour livrer la rémunération moyenne quotidienne. Vous devez comparer ce chiffre à la rémunération générée pour la même durée de temps selon votre mode actuel, que vous avez déterminé à la première étape. La différence est en principe une augmentation brute de la rémunération à laquelle vous pouvez vous attendre.
Il vous reste à tenir compte des dépenses associées au mode mixte : le temps passé à noter vos volumes d’activité et à vérifier si vous avez le numéro d’assurance maladie des patients que vous voyez de même que les dépenses inhérentes à la facturation du mode mixte.
Comme la facturation du mode mixte se fait par les modalités du mode à l’acte (demande de paiement 1200), tant pour le forfait horaire que pour les suppléments d’honoraires, vous devrez changer votre façon de transmettre votre facturation à la RAMQ. Pour l’instant, il n’est pas possible de transmettre votre facturation du mode mixte à la RAMQ par une application en ligne de la RAMQ, contrairement à ce qui prévaut présentement à tarif horaire et à honoraires fixes. La RAMQ entend produire une telle application au cours de 2016. Entre temps, la RAMQ exigera des frais de traitement de 0,50 $ pour chaque demande papier transmise. L’incidence de cette dépense sur le taux horaire que vous aurez calculé sera fonction du nombre différent de patients par heure pour lesquels vous réclamerez des suppléments d’honoraires.
En attendant que la RAMQ rende disponible son application, vous devrez avoir recours à un logiciel de facturation ou faire affaire avec une agence. Notez que les Fonds d’investissement FMOQ, filiale de la Fédération, offrent un tel service à un coût qui avoisine celui de la RAMQ.
N’oubliez pas qu’il s’agit d’une comparaison statique, qui présuppose que votre volume d’activité ne changera pas. Si vous deviez accroître le nombre de patients que vous voyez ou que vous deviez réduire le temps que vous consacrez aux activités clinico-administratives ou médico-administratives, votre taux horaire selon le mode mixte augmenterait d’autant.
En CLSC et en UMF (tant en CLSC qu’en centre hospitalier) pour les soins courants, le service de consultation sans rendez-vous et les IVG, le pourcentage des suppléments d’honoraires a été fixé à un taux inférieur (62,15 %) à celui qui est exigé pour produire la majoration voulue, du fait que les suppléments d’honoraires sont fonction de la nomenclature des examens en cabinet (les tarifs sont de 0,75 fois le tarif actuel, sauf pour l’intervention clinique et la psychothérapie, pour lesquelles le tarif est celui de l’établissement). Comme la nomenclature en cabinet doit être modifiée au printemps prochain avec l’ajout de certains actes, les moyens de financer cette modification à même le mode mixte ont été retenus d’ici là. La majoration que vous évaluerez selon la méthode ci-dessus sous-estimera la bonification liée au mode mixte, du moins d’ici l’entrée en vigueur de la nouvelle nomenclature en cabinet. Une compensation rétroactive est prévue pour les services donnés durant cette période. L’utilisation d’un taux de supplément d’honoraires de 68 % devrait entraîner un résultat assez proche du résultat attendu.
Pour avoir accès à des tarifs majorés dans la nouvelle nomenclature, tant en cabinet que dans le cadre du mode mixte en CLSC et en UMF, chaque médecin devra compter au moins 500 patients inscrits à son nom (certaines exceptions seront permises, mais elles ne seront pas connues avant le printemps). Les inscriptions n’ont pas à être actives, et il n’y a pas de distinction entre les patients vulnérables et non vulnérables. Celui qui répondra à ces conditions aura alors droit à une tarification majorée (comme si le taux du supplément d’honoraires était rehaussé de 5,85 %). Par conséquent, le taux horaire que vous calculez pour les activités cliniques devra être ajusté. Ceux qui ne répondront pas à cette condition seront rémunérés à un taux inférieur (environ le tarif actuel) et ne recevront donc pas de bonification additionnelle. Lorsqu’ils atteindront ultérieurement le seuil donnant accès à la nomenclature en cabinet, ils pourront toujours, à partir de ce moment, bénéficier de la majoration « manquante ».
Enfin, ceux qui exercent en santé mentale et en maintien à domicile en CLSC, notamment en soins palliatifs à domicile, ne peuvent se prévaloir du mode de rémunération mixte pour leurs activités dans ces secteurs. Une mesure temporaire a été mise en place pour permettre aux parties négociantes d’évaluer le volume d’activité des médecins dans ces programmes et ainsi adapter le mode mixte qui y entrera en vigueur dans un an environ. Ces médecins ne peuvent donc pas évaluer l’effet du mode mixte sur leur rémunération pour l’instant. Par ailleurs, ils n’auront pas à faire de choix en ce qui a trait au mode mixte dans ces secteurs d’ici là. Ils devront simplement facturer les suppléments prévus à la modalité temporaire.
Vous devriez maintenant être en mesure de faire une comparaison valable de votre rémunération selon votre mode actuel et selon celui du mode mixte. N’hésitez pas à nous transmettre vos commentaires. Le mois prochain nous traiterons de la rémunération des évaluations de l’aptitude. D’ici là, bonne facturation ! //