Au moment d’écrire ces lignes, les élus débattent toujours, à l’Assemblée nationale, du contenu du projet de loi no 20. Il m’apparaît donc pertinent de rappeler à tous qu’il ne faut pas perdre de vue un élément fondamental : ces élus font de la politique partisane et ont pour objectif premier de prendre le pouvoir aux prochaines élections.
C’est le cas des représentants de tous les partis politiques, sans exception ! Leurs intentions sont strictement politiques. Et deux choses les intéressent plus que tout : la manchette potentielle instantanée dans les médias et les élections générales à venir en 2018. C’est donc en tenant compte de cette réalité qu’il faut analyser leurs prises de position et, surtout, leurs déclarations qui, bien souvent, peuvent varier considérablement d’une journée ou d’une semaine à l’autre. Un exemple probant ? Jusqu’au mois de mai dernier, tous les partis d’opposition (à commencer par l’opposition officielle) décriaient le contenu du projet de loi no 20 concernant la médecine familiale et le trouvaient beaucoup trop coercitif. Que s’est-il passé ? Une entente est survenue entre la FMOQ et le gouvernement pour améliorer l’accès et éventuellement soustraire les omnipraticiens à cet infâme projet de loi. L’opposition vire alors son capot de bord et est aussitôt prête à exiger plus de coercition contre les médecins ! Pourquoi ce virage à 180 degrés ? D’une part, parce qu’en politique québécoise l’autre parti doit toujours avoir tort et, d’autre part, parce que certains politiciens jugent tout simplement rentable politiquement de taper sur les médecins. Malheureusement, le bien commun et la cohérence arrivent souvent bien après quand vient le temps de prendre position sur des enjeux pourtant très importants pour la société québécoise.
Ce petit rappel étant maintenant fait, vous comprendrez que je vous incite, oui, à suivre avec attention les débats législatifs au sujet du projet de loi no 20. Je vous invite tout de même à relativiser les propos et les déclarations qui y sont associés, ainsi que la portée d’une éventuelle adoption du projet de loi. Une telle adoption ne changerait absolument rien dans l’immédiat puisque l’entente convenue le printemps dernier avec le gouvernement prévoit précisément que les dispositions touchant les omnipraticiens n’entreront jamais en vigueur si certains objectifs provinciaux de prise en charge et d’assiduité sont atteints d’ici janvier 2018. Que le méprisant, injustifié et contre-productif projet de loi no 20 soit adopté ou non, qu’il le soit sous bâillon ou non, cela ne changera strictement rien demain matin pour les médecins de famille québécois. Ne nous laissons donc pas distraire par la joute politique et efforçons-nous plutôt collectivement, dans la mesure du possible, d’être encore plus présents pour nos concitoyens afin que le triste projet de loi no 20 puisse, en ce qui concerne la médecine familiale du moins, être définitivement relégué aux oubliettes en 2018. Et si c’est le cas, les premiers gagnants seront les patients et leurs médecins de famille, et non un quelconque politicien. //
Le 19 octobre 2015
Le président, Dr Louis Godin |