Nouvelles syndicales et professionnelles

Assemblée générale de Richelieu-Saint-Laurent

le défi de l’inscription des patients

Emmanuèle Garnier  |  2015-11-23

Dans certaines régions, comme celle de Richelieu-Saint-Laurent, augmenter de manière constante le taux d’inscription de la population auprès d’un médecin de famille est un défi. Mais certaines stratégies permettront de le relever plus facilement.

Dr Claude Rivard

En Montérégie, le taux de patients inscrits par les médecins de famille peut sembler décourageant : 61 %. Par comparaison, la moyenne provinciale est de 70 %. Mais cela s’explique. La région, victime de son attrait, a une population en pleine expansion, mais le nombre de médecins de famille ne croît pas au même rythme.

« Le taux de 61 % reflète la capacité d’un patient à trouver un médecin de famille, a expliqué le Dr Claude Rivard, président de l’Association des médecins omnipraticiens de Richelieu-Saint-Laurent (AMORSL), à l’assemblée générale qui avait lieu le 30 octobre dernier à La Prairie. C’est évidemment plus difficile de se trouver un médecin quand le ratio est de 1100 habitants par médecin de famille, comme en Montérégie, que lorsqu’il est de 800 résidants par omnipraticien, comme dans la ville de Québec. »

La situation va cependant s’améliorer. Les jeunes omnipraticiens devraient continuer à arriver en renfort. « Depuis deux ans, le Comité de gestion des effectifs médicaux MSSS-FMOQ en médecine générale (COGEM), qui répartit les nouveaux facturants dans la province, reconnaît qu’il y a une pénurie de médecins en Montérégie. En 2013, on a eu un apport net d’omnipraticiens plus élevé qu’à Montréal, parce qu’il y a des besoins à combler. »

Les jeunes médecins de 2016 ne sont toutefois pas encore arrivés. Ni la vingtaine de médecins des autres régions qui viennent bon an, mal an s’installer en Montérégie. « En attendant, il y a des patients qui doivent être vus et inscrits par des médecins déjà en pratique. Ce sont ces derniers qui peuvent améliorer la situation le plus rapidement. S’ils sont capables d’inscrire 50 patients par année, soit un par semaine, cela nous donnerait un bon coup de main. » Déjà, certains médecins ont demandé que l’on change leurs activités médicales particulières pour quitter la pratique hospitalière et se consacrer uniquement à la prise en charge de patients. D’autres pourraient les imiter.

« Ce serait bien qu’on ait une augmentation du nombre d’inscriptions au printemps, avant que les jeunes médecins arrivent cet été. Il ne faut pas que le mouvement s’essouffle. La contribution des différents groupes de médecins peut faire en sorte que le taux d’inscription monte progressivement. »

Consulter son profil de pratique

Puis-je vraiment prendre plus de patients ? Il existe maintenant un nouvel outil pour aider les médecins à répondre à cette question : le Rapport d’organisation des services de la patientèle inscrite. On le trouve sur le site de la Régie de l’assurance maladie du Québec au www.ramq.gouv.qc.ca/omni-sel.

Le rapport donne au médecin trois profils : celui de sa clientèle inscrite, celui de la consommation de soins de cette dernière et celui de sa propre pratique clinique. Parmi ces données, il faut surtout examiner celles qui concernent la fidélité des patients. « Le plus important, c’est : qui voit les patients inscrits à votre nom et où est-ce que vos patients sont vus ?, explique le président de l’AMORSL. Si le taux de fidélité de votre clientèle est excellent et que vous arrivez à voir tous vos patients, cela veut dire que vous pouvez probablement en prendre d’autres. En plus, si vous avez une pratique de groupe et disposez d’un service de consultations sans rendez-vous adéquat, vous avez un filet de sécurité. »

Les patients qu’il reste à inscrire ne sont souvent pas très lourds. « La majorité des personnes sur la liste du guichet d’accès pour les clientèles orphelines sont surtout des femmes qui veulent une cytologie et des hommes qui désirent que l’on vérifie leur pression et leur taux de cholestérol. Vous ne les verrez pas souvent », explique le Dr Rivard, qui est également le coordonnateur du guichet d’accès de sa région.

Aide pour les futurs GMF

Le paysage médical est appelé à changer en Montérégie. Bientôt, les jeunes médecins risquent d’arriver en grand nombre en première ligne. Mais où exerceront-ils ? « Il faut aider les jeunes médecins et les cliniques qui veulent s’agrandir et devenir des GMF. Actuellement, il y a plein d’entreprises, que ce soit des pharmacies ou des sociétés qui ont de grandes surfaces à louer, qui savent que de nouveaux médecins arrivent. Elles n’ignorent pas que ces derniers veulent pratiquer dans des cliniques informatisées, spacieuses et bien organisées. Et si l’on n’arrive pas à répondre aux besoins de ces jeunes, ces entreprises vont le faire. Et dans cinq ans, ce ne seront pas les médecins qui décideront de la façon de travailler dans ces cliniques, mais les locateurs. »

L’AMORSL et la Fédération peuvent aider les groupes de jeunes médecins et les cliniques à devenir un GMF ou un GMF-R. « Si vous avez besoin de conseils, dites-le-nous. On va regarder ce qu’on peut faire sur le terrain. Si on a besoin de plus d’aide, on peut aller plus haut. Vous n’êtes pas tout seuls. On va vous soutenir. »

Il reste donc encore beaucoup de défis à relever pour augmenter le taux d’inscription en Montérégie. Le Dr Rivard croit néanmoins que le Québec atteindra le taux de 85 % dans deux ans. « C’est la moyenne nationale qui compte. Il y a des régions au Québec qui ont des taux beaucoup plus hauts que les nôtres, souligne-t-il. Cependant, si, en Montérégie, nous faisons des efforts et que nous réussissons à augmenter le nombre de patients inscrits, cela va avoir un effet. Comme notre région représente beaucoup de patients, nous allons contribuer à l’atteinte du taux national visé en 2018. »

Continuer l’inscription de la population

Le dossier de l’heure, pour le Dr Louis Godin, président de la FMOQ, reste celui de l’amélioration de l’accès à un médecin de famille. Les données sont encourageantes. En septembre, 70 % de la population était inscrite alors que l’objectif est de 71 % à la fin de décembre. « Cela fonctionne. Il faut continuer dans cette direction », a affirmé le Dr Godin aux membres de l’AMORSL.

Il faut toutefois éviter tout relâchement dans les efforts d’inscription. « Ce serait intenable que dans 18 ou 24 mois la situation n’ait pas changé. Chacune des associations va recevoir régulièrement des bulletins. Il n’y a aucune raison pour que cela ne fonctionne pas. Le potentiel est là, avec un petit effort de départ et toute la dynamique des effectifs médicaux qui vont arriver. »

La démarche entreprise était inévitable. « De penser que la situation aurait pu rester comme elle était il y a un an, c’est illusoire. La population paie des taxes et veut avoir accès aux services médicaux : à son médecin de famille, au plateau technique, aux spécialistes, aux médicaments, etc. »

La nouvelle nomenclature en cabinet

Dr Godin

Le président de la FMOQ a également abordé plusieurs dossiers syndicaux importants. L’un d’eux concerne la création de la future nomenclature dans les cabinets. Elle fonctionnera sur de nouvelles bases :

h Les examens seront remplacés par des visites. Les divers forfaits, suppléments et actes préventifs seront inclus dans le tarif de la visite.

h Le forfait annuel de vulnérabilité reposant uniquement sur l’âge (à partir de 70 ans) sera éliminé. Cependant, pour la rémunération des visites, il y aura deux tranches d’âge : moins de 75 ans et plus de 75 ans.

h La lourdeur des patients qui ont de multiples maladies sera reconnue par l’addition de forfaits annuels de vulnérabilité. Par exemple, trois problèmes de santé pourront donner droit à deux forfaits.

Un nouvel acte va par ailleurs être créé : la communication avec les autres professionnels de la santé. « On va rétribuer un certain nombre d’appels téléphoniques et de courriels. Le médecin de famille sera payé que ce soit lui ou l’autre professionnel de la santé qui appelle ou envoie le message. Naturellement, il faudra inscrire le nouvel acte dans le dossier du patient », a précisé le Dr Godin.

Les médecins de famille seront donc rémunérés lors des discussions avec les spécialistes au sujet d’un patient. Ils seront également payés pour les échanges avec le pharmacien, mais, dans ce cas, il y aura une règle. « Il faudra que l’échange donne lieu à une modification du plan thérapeutique. Le nouvel acte ne sert donc pas à renouveler une ordonnance. »

Le nombre de communications que pourra facturer un médecin dépendra de l’importance de sa clientèle. Cela commencerait à 13 par trimestre pour 500 patients, puis doublerait à partir de 1000 et triplerait pour plus de 1500.

Seuls les médecins qui suivront au moins 500 patients auront droit aux nouveaux tarifs de la future nomenclature. Une question revient souvent : certains types de patients vaudront-ils plus étant donné la lourdeur de leur cas ? Probablement. Mais le nombre d’exceptions sera limité. Les derniers détails restent encore à régler. La nouvelle nomenclature devrait entrer en vigueur le 1er avril 2016. //