la reconnaissance du travail des omnipraticiens des établissements psychiatriques
À la tête de l’Association des médecins omnipraticiens œuvrant en établissements où sont dispensés des soins psychiatriques (AMOEP) depuis 2008, le Dr René Pineau a passé le flambeau à la Dre Marie-Claude Desmarais en octobre dernier. Bilan et réflexions du président sortant.
M.Q. – Quel est le principal gain que votre association a fait durant votre mandat ? |
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R.P. – L’élément le plus intéressant et le plus important pour moi est la reconnaissance, par la Fédération et le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), de l’aspect particulier du travail des médecins omnipraticiens en établissements psychiatriques et de la clientèle qu’ils desservent. Les nouvelles ententes conclues comportent, par exemple, des clauses qui en tiennent compte. |
M.Q. – Vos membres ont effectivement eu droit à plusieurs mesures particulières dans les derniers accords. |
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R.P. – Oui. Les omnipraticiens avec privilèges en psychiatrie qui offrent des soins psychiatriques en établissement disposent d’une nouvelle nomenclature, qui est décrite dans une lettre d’entente ainsi que d’un mode de rémunération mixte qui est précisé dans l’Entente. Il devrait y avoir bientôt des mesures pour les soins physiques dans nos établissements. Nous estimons qu’il nous fallait des mesures particulières parce que notre clientèle a des besoins spécifiques. Il lui faut donc une approche en conséquence. Les nouveaux accords le reconnaissent. Ils admettent entre autres l’importance du travail interdisciplinaire et multidisciplinaire parce que l’on ne peut pas travailler seul avec des clientèles comme les nôtres. L’approche que les parties négociantes ont eue face à l’itinérance et à la toxicomanie en externe témoignent de cette ouverture. |
M.Q. – Vous continuez à avoir droit, comme tous les omnipraticiens, à l’intervention clinique. |
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R.P. – Oui, mais malheureusement un plafond a été introduit, notamment dans le cadre des activités psychiatriques. Ce serait le MSSS qui l’aurait exigé. Il faudra qu’on s’assure que cela n’aura pas d’effets négatifs sur les besoins de la clientèle et que les interventions requises seront rémunérées adéquatement. |
M.Q. – Le mode de rémunération mixte, qui comporte une composante de rétribution à l’acte, va apporter beaucoup de changements dans vos milieux. |
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R.P. – Effectivement. Certains médecins travaillent dans des unités qu’on pourrait qualifier de plus lourdes et complexes, notamment en gérontopsychiatrie ou encore dans des unités de patients atteints de démence et de troubles de comportement. Ces personnes-là ont de multiples maladies, prennent de nombreux médicaments et exigent beaucoup de temps. Dans d’autres unités, comme celles qui accueillent des jeunes ayant parfois moins besoin de soins physiques et effectuant un court séjour, l’approche est différente et ne nécessite pas le même temps d’intervention. Actuellement, les médecins se répartissent ces clientèles selon leurs préférences et leurs habiletés, et il n’y a pas de problèmes de couverture des soins. Mais avec une rémunération mixte comprenant une composante de rémunération à l’acte, comment la répartition des tâches va-t-elle se faire ? Les omnipraticiens qui travaillent avec la clientèle lourde peuvent voir environ huit patients par jour et les autres beaucoup plus. Tous ces médecins travailleront le même nombre d’heures, mais certains feront plus d’actes. Est-ce que leur rémunération sera équitable ? L’avenir le dira. |
M.Q. – Comment réagissent vos membres à l’idée d’avoir un mode de rémunération mixte ? |
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M.-A.A. — La remise en question de la rémunération à tarif horaire ou à honoraires fixes ne vient pas des médecins dans nos milieux. Comme je l’ai mentionné aux dirigeants de la Fédération, il est tout à fait justifiable de vouloir s’assurer que la rétribution est méritée et proportionnelle à la tâche clinique, mais je ne suis pas certain que le nouveau mode mixte tiendra pleinement compte de l’aspect qualitatif propre à notre travail. C’est probablement un facteur qui explique pourquoi plusieurs collègues sont réticents à l’adopter d’emblée. La FMOQ fait néanmoins beaucoup d’efforts pour faciliter ce changement. Le suivi du nouveau mode de rémunération sera par ailleurs important. Il faut évaluer l’intérêt de nos membres pour cette formule et savoir si elle a des répercussions néfastes. Les médecins pourront toujours décider de conserver leur mode de rémunération actuel, mais ils ne profiteront alors pas des bonifications qui lui sont liées, ce qui pourrait être injuste pour plusieurs. |
M.Q. – Quels sont les autres gains que vous avez obtenus pendant votre présidence ? |
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M.-A.A. — Le nombre d’heures de travail maximal pour lesquelles les omnipraticiens peuvent cotiser au Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics est maintenant de 40 heures par semaine. C’est intéressant pour ceux qui sont payés à honoraires fixes et travaillaient hebdomadairement plus de 35 heures. Ils n’avaient auparavant pas d’avantages liés au régime de retraite pour leurs heures excédentaires. |
M.Q. – Cela a été une longue bataille. |
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M.-A.A. — Il s’agit en effet d’une longue lutte, car certains disaient qu’il fallait changer la loi, que c’était impossible, impensable. Même si nous, nous faisions valoir que certains cadres de l’État bénéficiaient de cet avantage, le dossier est longtemps resté bloqué. Parallèlement, cependant, la rémunération à honoraires fixes n’a plus été offerte aux nouveaux médecins. Maintenant, ceux qui arrivent en établissement doivent opter pour un autre mode. |
Quel sera l’effet de la création des nouveaux centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS) dans votre milieu ? |
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M.-A.A. — Cela va probablement amener des bouleversements assez importants. Pour que tout se déroule bien dans les hôpitaux psychiatriques, il faudra y conserver un nombre suffisant d’omnipraticiens pour couvrir les besoins de la clientèle. Il faut à nos collègues psychiatres beaucoup de soutien concernant le volet physique des patients. Si, par hasard, la transition se faisait mal, certains services d’urgence ou d’autres ressources devraient être mis à contribution. Quels en seraient cependant les effets sur la clientèle ? |
M.Q. – Quels problèmes reste-t-il à régler pour l’AMOEP sur le plan de la rémunération ? |
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M.-A.A. — On peut mentionner la garde sur place pour les médecins rémunérés à l’acte. Certains de nos membres font presque du bénévolat actuellement. C’est comme si l’on ne payait les pompiers, qui doivent rester à la caserne, que lorsqu’il y a un feu. Il y a aussi la question des heures défavorables. Il existe actuellement une grande variation selon les milieux de pratique. Une harmonisation serait grandement appréciée. Dans la perspective de la perte de la prime de responsabilité liée aux nouveaux modes de rémunération en établissement, il serait intéressant de revoir le volet de l’inscription des patients. Nous n’y avons pas droit, tout comme les médecins des CHSLD. Il y a des patients qui sont hospitalisés dans nos établissements pendant de longues périodes, et nous ne pouvons pas les inscrire temporairement, comme cela se fait en obstétrique. Le même problème s’applique à la clientèle suivie en externe. Ce dossier a déjà été abordé avec les instances de la Fédération. Nous sommes en attente. |
M.Q. – Souhaitez-vous d’autres mesures pour les membres de votre association ? |
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M.-A.A. — Oui, nous devons nous assurer que tous les omnipraticiens reçoivent les sommes liées à l’entente 2010-2015 qui leur sont dues. On a parlé de l’étalement ; maintenant qu’il est signé il faudrait s’assurer que l’argent prévu soit versé. Et ce, particulièrement pour les médecins en établissements psychiatriques qui seront parmi les derniers à avoir accès aux bonifications. Nous n’aurons d’ailleurs droit aux majorations pour les soins physiques qu’en 2016. |
M.Q. – Comment voyez-vous l’avenir ? |
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M.-A.A. — Nous sommes dans une période de transformation du réseau et donc de grande remise en question. Il faudrait conserver l’expertise des médecins omnipraticiens en établissements psychiatriques malgré les modifications que l’on va vivre. Il faut leur permettre de continuer à pratiquer la médecine comme ils le font, avec les ajustements nécessaires, et éviter les changements de cap complet pour des raisons administratives. Je demeure confiant et je sais que l’on peut compter sur la créativité et la collaboration de nos membres. |