Avez-vous été appelé à effectuer l’évaluation d’un patient à la demande de sa famille ou de l’établissement et à remplir un rapport pour l’ouverture d’un régime de protection ou l’obtention d’une ordonnance de traitement ou d’hébergement ? Ce qui peut être facturé et qui doit en acquitter les coûts varient énormément selon le contexte. C’est notre sujet !
Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. |
La loi prévoit qu’une personne majeure a pleine autonomie pour exercer ses droits légaux et pour prendre des décisions la concernant en ce qui a trait aux soins qui lui sont fournis. Parfois, une personne n’est toutefois pas en mesure d’exercer ses droits, en raison d’une maladie psychiatrique ou encore d’un problème cognitif ou physique. La loi prévoit alors un mécanisme pour veiller aux intérêts d’une telle personne, soit le régime de protection. Une autre personne assistera la personne inapte ou prendra les décisions à sa place. Cette responsabilité pourra être confiée à un organisme (le Curateur public) ou à une personne physique, telle qu’un membre de la famille ou une autre personne intéressée.
Bien que le curateur ou le tuteur puisse prendre des décisions pour la personne inapte, cette dernière peut parfois s’opposer aux traitements auquel son « protecteur » aura consenti. Le curateur peut aussi refuser un traitement qui semble pourtant nécessaire. Il faudra alors faire intervenir un juge pour obtenir une ordonnance du traitement recherché ou pour faire héberger la personne en question. Un omnipraticien peut être appelé à se prononcer sur l’ensemble de ces situations.
Cette obligation d’obtenir l’autorisation du tribunal n’est pas requise lorsqu’il s’agit de soins d’hygiène ou d’un cas d’urgence. Cependant, une fois l’urgence passée, l’obligation de respecter le refus d’une personne, à moins d’une ordonnance du tribunal, reprend le dessus. Ces règles sont énoncées à l’article 16 du Code civil du Québec.
Le Code civil énonce, aux articles 269 et 270, les personnes qui peuvent demander l’ouverture d’un régime de protection : le majeur lui-même, son conjoint, ses proches parents et alliés, toute personne qui démontre pour le majeur un intérêt particulier (un conjoint de fait, par exemple) ou toute autre personne intéressée (qui comprend le mandataire désigné ou le Curateur public). De plus, le directeur général d’un établissement de santé doit signaler au Curateur public tout patient qui a besoin d’être assisté ou représenté dans l’exercice de ses droits civils, du fait de son isolement, de la durée prévisible de l’inaptitude, de la nature et de l’état de ses affaires ou parce qu’aucun mandataire désigné (dans un mandat en cas d’inaptitude ou autre) n’assure déjà une assistance ou une représentation adéquate. La transmission du rapport au Curateur public n’est pas nécessaire si un membre de la famille entreprend les démarches pour faire ouvrir un régime privé de protection. Cependant, la famille aura besoin d’un rapport du médecin pour demander l’ouverture du régime.
Selon que la demande provient des proches du patient, de l’établissement ou du Curateur public et qu’elle vise l’ouverture d’un régime de protection ou une ordonnance de traitement, la rémunération sera différente. |
Un médecin peut donc se voir demander une analyse par trois parties : l’entourage d’un patient, l’établissement où le patient séjourne et le Curateur public ou un tribunal. De plus, cette évaluation pourra servir à faire la demande d’ouverture d’un régime de protection ou à obtenir une ordonnance de traitement ou d’hébergement. Lorsqu’elle est demandée par le tribunal, l’évaluation pourra aussi servir à établir si un régime de protection est toujours nécessaire. La loi et l’Entente générale dictent des résultats différents de rémunération selon le but de la demande et de sa source.
Comme les demandes peuvent provenir de différentes sources, le médecin peut être dans des situations différentes lorsqu’il les reçoit. Lorsqu’un médecin exerce au sein d’une unité d’évaluation gériatrique ou d’une unité de gérontopsychiatrie, c’est plus souvent l’établissement qui lui demandera de produire un rapport d’évaluation. La démarche découlera du fait que le médecin a signalé à l’établissement qu’un patient inapte sous ses soins ne bénéficie pas d’un régime de protection.
En cabinet, la demande proviendra du Curateur public ou de la famille. Cette dernière adressera souvent la demande au médecin de famille du patient, en indiquant qu’elle a besoin d’un rapport médical pour ouvrir un régime de protection. La famille pourra aussi s’adresser à un médecin qui exerce en gériatrie.
Avant d’aborder la question de la rémunération de ces évaluations, traitons d’abord de quelques questions fréquentes.
Plusieurs médecins recevant de telles demandes se demandent s’ils peuvent refuser de faire l’évaluation ou d’émettre une opinion. Ils ont souvent l’impression de ne pas connaître suffisamment les enjeux légaux pour se prononcer sur l’inaptitude d’une personne. Parfois, la situation est ambiguë. Il va de soi qu’un médecin peut refuser d’effectuer ce genre d’évaluation pour toutes ces raisons. Il devrait toutefois rediriger la personne vers une ressource plus spécialisée. Dans certains cas, l’inaptitude est évidente. Néanmoins, plus la demande est formulée précocement (possible début de maladie d’Alzheimer, par exemple), plus le médecin pourra avoir de la difficulté à se prononcer.
Le Code civil prévoit que l’évaluation doit indiquer la nature et le degré d’inaptitude du majeur, l’étendue de ses besoins et les autres circonstances entourant son état, ainsi que la possibilité d’ouvrir un régime de protection. L’évaluation devrait aussi contenir les noms des personnes qui ont la qualité requise pour demander l’ouverture d’un régime de protection.
Lorsque l’évaluation accompagne une demande d’ordonnance de traitement ou d’hébergement, des informations additionnelles sont requises : la nature du traitement proposé, les bienfaits escomptés, les risques ou inconvénients pour la personne ou son entourage et les complications possibles. Lorsque le traitement vise une maladie psychiatrique, le médecin doit habituellement indiquer comment la maladie affecte la capacité du patient de juger des bienfaits du traitement ou de reconnaître l’existence de la maladie.
Le médecin qui estime ne pas avoir les compétences requises pour remplir le rapport d’évaluation en vue d’une demande de régime de protection devrait rediriger la demande à une ressource plus spécialisée. |
Lorsque le rapport doit servir à l’ouverture d’un régime de protection, le médecin remplira le formulaire « Rapport du directeur général – Évaluation médicale », provenant du Curateur public du Québec. Il peut être téléchargé du site du Curateur public à partir de la section des formulaires. Lorsque l’évaluation du médecin doit servir à obtenir une ordonnance de traitement, plusieurs informations demandées sur le formulaire du Curateur public sont pertinentes. Le rapport prend cependant plutôt une forme libre, et le contenu est adapté à la situation.
Les informations personnelles d’un patient sont confidentielles. Toutefois, la loi prévoit expressément que le médecin peut les transmettre à la personne qui s’engage à faire une demande d’ouverture de régime de protection. Le médecin devrait exiger que cet engagement se fasse par écrit et soit assermenté. Il est aussi prévu que le médecin en remette une copie à la personne qui a fait l’objet de l’évaluation. Le rapport d’évaluation ne doit toutefois pas être transmis à d’autres personnes.
Le mois prochain, nous traiterons de la rémunération de ces évaluations, de même que de la production du rapport. D’ici là, bonne facturation ! //