Tous les Québécois suivant l’actualité ont pu constater au fil des dernières années que Gaétan Barrette était prêt à dire et à faire n’importe quoi pour arriver à ses fins. Insultes, dénigrement, chantage, menaces, intimidation et manipulation de statistiques font partie de son arsenal lorsque vient le temps de défendre une cause, peu importe la justesse de la cause en question. Tant que M. Barrette était président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), nous pouvions nous permettre collectivement de trouver regrettables ses écarts de conduite, sans plus. Et les médias eux en avaient pour leur argent avec ce personnage hors norme fort divertissant.
Malheureusement, la comédie de mauvais goût n’est pas terminée, et l’heure est maintenant grave puisque le personnage est aujourd’hui ministre de la Santé, avec tous les pouvoirs associés à cette fonction. Et il tente d’utiliser le même arsenal que jadis pour arriver à ses fins ! Il continue, entre autres, à dire n’importe quoi, n’importe quand. Il est clair par exemple qu’il tente depuis des mois d’induire en erreur les Québécois sur le nombre de jours travaillés chaque année par les médecins de famille. Nullement démonté lorsqu’il est confronté aux faits qui révèlent sa tromperie, le ministre opte alors pour la stratégie de la candeur en affirmant, comme si de rien n’était, qu’il a dans le passé tenté de trafiquer les résultats du Sondage national des médecins en incitant des médecins spécialistes « à être très enthousiastes dans leurs réponses » ! Juste cette anecdote illustre parfaitement à qui nous avons affaire : un politicien professionnel pour qui l’honnêteté est une option parmi d’autres, dépendamment des circonstances, et pour qui la désinformation est un outil précieux dans l’atteinte de ses objectifs. Il nous reste à espérer que les médias et les Québécois ont également bien cerné cette facette du personnage.
Si nous n’avons plus aucun espoir de corriger le recours à la désinformation par M. Barrette, on en garde un mince de corriger sa méconnaissance de certaines données fondamentales, ce qui lui éviterait de dénigrer injustement les médecins de famille d’une part et de faire des comparaisons avec l’Ontario qui ne tiennent pas la route, d’autre part. D’abord, il est important de préciser que les médecins québécois ont un profil de pratique sur le plan des journées travaillées semblable à celui de leurs collègues ontariens. C’est aussi le cas si on se compare à l’ensemble des médecins du reste du Canada. De plus, si on circonscrit le débat au Québec, en se fiant uniquement aux données de facturation comme le fait Gaétan Barrette, on constate que les médecins spécialistes et omnipraticiens ont un profil de pratique similaire en ce qui a trait aux jours travaillés ! En effet, selon les données de la RAMQ, plus de 2700 médecins spécialistes au Québec ont touché moins de 250 000 $ en rémunération en 2013, alors que le revenu moyen des spécialistes était pourtant de 372 000 $. Sont-ils paresseux ces médecins spécialistes ? Nous, nous croyons que non. Mais il serait intéressant d’entendre l’ancien président de la FMSQ à ce sujet...
Enfin, selon les données du Sondage national des médecins de 2014, 59 % des médecins de famille pratiquent principalement en première ligne au Québec, et ces médecins ont à leur charge comme patients inscrits 65 % de la population. En comparaison, en Ontario, selon les données de l’Ontario Medical Association (OMA), 74 % des médecins exercent principalement en première ligne, et ces médecins ont à leur charge 78 % de la population. Les médecins de famille québécois sont donc aussi productifs que leurs collègues ontariens quand ils travaillent en clinique. La différence est simplement qu’ils doivent travailler deux fois plus en établissement au Québec qu’ailleurs au pays. C’est simple comme ça ! Mais est-ce assez simple pour que Gaétan Barrette puisse l’enregistrer ? Voilà la question... //
Le président, Dr Louis Godin |