Le risque de mortalité varie-t-il selon les différentes sulfonylurées ? D’après une nouvelle méta-analyse publiée dans The Lancet Diabetes & Endocrinology, le gliclazide (Diamicron) serait lié à un risque de décès de 35 % inférieur à celui du glyburide (Diabeta). Le glimépiride (Amaryl), lui, est associé à un risque de 17 % plus bas que celui du glyburide1.
« Les cliniciens devraient considérer les différences possibles de risque de mortalité quand ils choisissent une sulfonylurée », concluent les auteurs de la méta-analyse, le Pr Scot Simpson et ses collaborateurs de l’Université de l’Alberta.
Le Dr Kevin Pantalone, de la Clinique Cleveland, abonde dans le même sens dans son éditorial : « Comme d’autres sulfonylurées sont facilement accessibles à un coût similaire pour le patient, continuer à prescrire du glibenclamide [glyburide] semble inapproprié2. »
On connaît depuis longtemps les dangers des sulfonylurées. « Elles sont responsables d’un nombre élevé d’hypoglycémies qui, parfois, peuvent être mortelles », indique le Dr Jean-Marie Ekoé, endocrinologue au Centre hospitalier de l’Université de Montréal et professeur à l’Université de Montréal.
On savait que toutes les sulfonylurées n’étaient pas égales. Déjà, le gliclazide était réputé pour être le plus sûr. « Il provoquerait moins d’hypoglycémies et entraînerait une prise de poids moins exagérée. Il offre, en outre, une intéressante flexibilité posologique à courte ou longue durée d’action », précise le spécialiste.
Sur le plan de l’innocuité, vient ensuite le glimépiride, mais il est peu prescrit. La sulfonylurée la plus employée reste le glyburide. Une molécule qui provoque toutefois davantage de chutes de glycémie. « C’est la pire de la catégorie », estime le Dr Ekoé. Les règles de la Régie de l’assurance maladie du Québec favorisent cependant son utilisation.
Malgré leurs effets indésirables, dont la prise de poids, les sulfonylurées peuvent avoir leur utilité. « Leur efficacité à court terme est extraordinaire. La normalisation des glycémies élevées peut s’obtenir rapidement. »
Depuis plusieurs décennies, des experts s’inquiètent d’un lien possible entre sulfonylurées et mortalité cardiovasculaire. La méta-analyse albertaine semble confirmer leurs doutes, mais elle a de grandes faiblesses. Reposant surtout sur des études rétrospectives ou observationnelles, elle peut avoir d’importants biais de sélection. « Les chercheurs de la méta-analyse ne contrôlaient ni la période de prise des médicaments, ni la dose absorbée, ni le type de patients recrutés. S’agissait-il de sujets nouvellement diagnostiqués ? De gens de plus de 50 ans ? Avaient-ils des complications cardiovasculaires ? Suivaient-ils des traitements concomitants ? », demande le Dr Ekoé.
Dans la littérature médicale, le risque des sulfonylurées sur le plan cardiovasculaire n’a jamais été prouvé. « Deux grandes études prospectives, UKPDS et ACCORD, n’ont pas permis de trouver une relation de cause à effet entre les molécules utilisées dans le traitement du diabète de type 2 (dont les sulfonyurées) et les complications cardiovasculaires, la mortalité cardiovasculaire ou la mortalité globale. »
Pour obtenir une réponse définitive, il faudrait une étude prospective à répartition aléatoire. Mais cela ne se fera probablement pas. « Les sulfonylurées peuvent facilement être obtenues sous forme de génériques et sont très bon marché ou les deux », explique le Dr Pantalone dans son éditorial. À ses yeux, cependant, les résultats des chercheurs albertains restent, malgré leurs faiblesses, très importants.
Le DrEkoé, pour sa part, estime que la prescription de glyburide exige la prudence, surtout chez les diabétiques atteints d’une maladie coronarienne grave. « Il faut tenir compte de la possibilité théorique que le glyburide fasse perdre le préconditionnement ischémique, qui est un mécanisme cardioprotecteur. »
Le débat appartient-il au passé ? Les sulfonylurées sont maintenant au mieux un deuxième choix et, souvent, un troisième. L’heure est dorénavant aux nouvelles molécules. Depuis juin, les inhibiteurs du SGLT2 sont sur le marché. « Ils agissent au niveau du rein pour provoquer une glucosurie et diminuer indirectement la glycémie », mentionne le Dr Ékoé. Ils ne causent ainsi aucune hypoglycémie en monothérapie. Il y a aussi les incrétines et les inhibiteurs de la DPP-4. De toutes nouvelles classes de molécules peuvent ainsi remplacer les sulfonylurées. //