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Assemblées générales

La FMOQ en mode solution

Emmanuèle Garnier  |  2015-03-30

Au cours du mois de mars, le président de la FMOQ s’est rendu dans différentes régions du Québec pour présenter à ses membres des solutions qui permettront à la population d’avoir plus facilement accès à la première ligne. Il pourrait contrer ainsi le projet de loi no 20.

Assemblée générales - mars 2015 à Montréal

Ils ont été plus de 2000 à venir écouter le Dr Louis Godin, président de la FMOQ. Dans huit régions différentes, de l’Estrie au Saguenay, de l’ouest du Québec à la Mauricie, des médecins de famille se sont déplacés pour connaître les solutions de la FMOQ. Le grand enjeu : l’amélioration de l’accès de la population à un médecin de famille avec, en toile de fond, le projet de loi no 20.

« Le statu quo n’est pas une solution, a prévenu dès le départ le Dr Godin, à l’assemblée de Québec, le 4 mars dernier. Le message que l’on reçoit de la population est toujours le même : il y a un problème d’accessibilité. On peut difficilement le nier. »

Les nouvelles propositions pourraient permettre le retrait du projet de loi no 20. Dans une entrevue, le ministre de la Santé a ainsi affirmé : « Proposez-moi des solutions qui vont garantir (...) l’accès à la population et il n’y aura pas de projet de loi no 20. » Plus tard, le premier ministre lui-même a dit : « Est-ce que c’est nécessaire de légiférer ? On verra. On va voir à la commission parlementaire. »

Le plan de la Fédération comporte plusieurs volets. Il faut d’abord ramener les omnipraticiens vers la première ligne de soins. « Nous allons demander dans un premier temps que les activités médicales particulières (AMP) soient reconnues en cabinet et dans les milieux de première ligne au même titre que toutes les autres AMP. On ne peut pas demander aux médecins d’aller en première ligne tant qu’on les oblige à travailler à l’hôpital », a affirmé le Dr Godin. La FMOQ voit cependant encore plus loin. Elle veut l’abolition des AMP. « Dès que l’on aura démontré que le fait de donner des AMP en cabinet ne déstabilise pas les établissements, l’objectif sera d’obtenir leur retrait pur et simple. »

Dr Godin

La FMOQ demande parallèlement à ses membres un effort : que ceux qui pratiquent en première ligne inscrivent un peu plus de patients. « C’est sur une base purement volontaire. Ce sera votre choix de le faire ou non. On va appeler cela l’opération «1 1 ». Un patient de plus par semaine ou par mois à inscrire. Si l’on fait cela tous ensemble, je vous garantis que dans trois ans, il n’en restera plus beaucoup de patients sans médecin de famille. »

Les omnipraticiens qui suivront plus de 500 patients auront un avantage. « Le 1er avril 2016, en principe, il y aura une nouvelle nomenclature en cabinet à laquelle seront attachées les augmentations à venir. Pour y avoir droit, il faudra avoir un nombre minimal de patients », a indiqué le Dr Godin.

La FMOQ vise l’inscription de 80 % de la population d’ici à décembre 2017. « C’est le taux que l’on a ailleurs dans les régions les plus performantes. » Il pourrait être difficile d’en inscrire plus. Parce que souvent, les 20 % restant ne désirent pas vraiment avoir un médecin de famille. Il demeure donc quelque 1,2 million de personnes à prendre en charge. « C’est très réalisable. Cela demande une chose : votre engagement. Cela nécessite l’engagement de ceux qui font de la prise en charge à en faire un peu plus. »

Accès adapté et supercliniques

La Fédération désire également inciter les médecins à devenir plus efficaces. « On ne vous demandera pas de travailler plus, mais différemment. Choisissez la méthode que vous voulez, mais soyez capables de voir vos patients lorsqu’ils ont besoin de vous rencontrer rapidement. Il y a une recette toute faite qui marche très bien. Cela s’appelle l’Accès adapté. » Cette formule est satisfaisante non seulement pour le patient, mais aussi pour le médecin. « Si vous avez autour de vous des collègues qui l’emploient, demandez-leur si ce système fonctionne bien. Ils vont vous affirmer que la personne la plus heureuse du changement, c’est eux. Ils vous diront : “Ma vie s’est transformée. Les gens qui viennent me voir sont contents. Ils ne prennent pas plus de temps, et j’ai retrouvé beaucoup de liberté professionnelle” », a expliqué le président.

La FMOQ apportera son soutien aux médecins qui désirent tenter le changement. Elle leur fournira des outils. « On va vous aider à modifier votre pratique. » Est-ce que ce sera long de convaincre la plupart des omnipraticiens ? « Dans un horizon de six mois à un an, nous sommes capables d’entreprendre un mouvement très important pour instaurer cette nouvelle façon de faire. »

Certains volets du plan de la FMOQ nécessitent cependant la collaboration du gouvernement. « On va devoir mettre en place un filet de sécurité dans les zones les plus populeuses. Dans une région de 10 000 habitants avec une petite salle d’urgence, il n’y a pas de problème pour avoir accès à un médecin de famille quand c’est nécessaire. Il y a toujours quelqu’un. Mais dans les grands centres, c’est plus compliqué. Il doit y avoir un filet de sécurité. »

Ce filet reposera sur des « supercliniques ». Il existe déjà une cinquantaine de cliniques-réseau capables de jouer ce rôle. Il en faudrait le double. Elles seront surtout situées dans les zones urbaines. Dans une ville comme Québec, il pourrait y en avoir de huit à dix. C’est par ailleurs là que les médecins qui pratiquent dans les hôpitaux auront l’occasion d’apporter leur contribution. « Ils pourront aller donner un coup de main, parce qu’il y aura des plages à couvrir. »

Les objectifs à atteindre

Avant de proposer une solution de remplacement au projet de loi no 20, la FMOQ a analysé les objectifs que le gouvernement tentait d’atteindre par cette mesure. Les trois principaux étaient :

h d’orienter plus de médecins vers la prise en charge de patients ;
h de permettre aux gens d’avoir plus facilement accès à leur médecin de famille ;
h de permettre à la population de voir un omnipraticien dans des plages horaires étendues.

Concrètement, il fallait donner aux patients classés P4 et P5 la possibilité de consulter ailleurs qu’à l’urgence. Il était également nécessaire d’éviter que les personnes ayant un problème aigu aient à faire la file dès 6 h le matin devant une clinique. On devait aussi s’assurer que tous les Québécois qui voulaient un médecin de famille puissent en avoir un et le voir rapidement.

Dans l’élaboration de son plan, la Fédération a tenu compte des commentaires de nombreux médecins. Le Dr Godin avait sollicité l’avis de ses membres au cours des assemblées de décembre dernier. « J’ai dû recevoir 500 courriels me proposant toutes sortes de solutions. J’ai pris connaissance de chacun d’eux. Soyez assurés qu’on a pris en considération les suggestions de tous ceux qui nous ont écrit. »

De manière générale, les médecins demandaient une approche incitative. Ils voulaient également que l’on respecte leurs champs d’activité. « Il n’était pas question pour eux que l’on prenne les médecins des hôpitaux et qu’on les envoie dans les cabinets ou l’inverse. » Ils désiraient aussi une cible d’inscriptions réaliste. De manière globale, les omnipraticiens étaient prêts à participer, mais voulaient que tous fassent leur effort.

Des facteurs facilitants

Certains facteurs facilitants pourraient par ailleurs per­mettre aux médecins de famille d’accroître encore da­van­tage leur disponibilité. Par exemple, le recours à un dos­sier médical électronique, un accès plus facile aux consultations spécialisées et au plateau technique, la diminution des diverses demandes administratives. « Vous avez une pile de formulaires à remplir : la prescription de Tempra pour la garderie, l’ordonnance pour permettre au patient de ne pas payer les taxes sur certains produits, etc. Nous allons réclamer que l’on réduise ces demandes. »

Drs Claude Guimond, Michel Vachon, Louis Godin, Marc-André Amyot

Certaines données probantes pourraient en outre rendre la pratique plus efficace. « Ce n’est pas sûr que quand vous inscrivez un jeune homme de 32 ans vous avez besoin de lui donner un rendez-vous tous les ans pour lui passer un examen annuel », a indiqué le président. Dans les hôpitaux, par ailleurs, les spécialistes ont également un rôle à jouer. « Ils vont aussi devoir épauler un peu plus les équipes de médecins de famille qui travaillent dans les établissements », a indiqué le président.

La Fédération va par ailleurs continuer à faire des pressions pour abolir la « notion du lui-même », selon laquelle les médecins ne peuvent être rémunérés que pour les actes qu’ils font eux-mêmes. Elle veut également favoriser le travail interprofessionnel. « C’est sûr qu’on va continuer à faire en sorte que vous puissiez avoir des infirmières pour vous aider. »

Réussir le pari

Le plan de la FMOQ répond aux différents besoins. « C’est une solution de rechange au projet de loi no 20. Je n’ai, en plus, demandé à aucun médecin de sortir de son milieu de pratique et d’aller exercer ailleurs, a affirmé le président. Les omnipraticiens qui sont à l’hôpital vont pouvoir y rester. Ceux qui exercent actuellement dans leur cabinet ne seront pas obligés de retourner travailler à l’hôpital. Tout le monde est capable de continuer à faire ce qu’il fait actuellement. On fait juste les choses différemment. »

Si les médecins de famille réussissent leur pari, ils revien­dront au cœur de la médecine familiale. Les autres professionnels de la santé n’auront plus à empiéter dans leurs champs de compétence. Les patients cesseront de leur chercher des remplaçants dans d’autres professions. « Ça, c’est un élément très important », a souligné le Dr Godin.

Mais qu’arrivera-t-il si le gouvernement rejette le plan de la FMOQ ? S’il adopte le projet de loi no 20 ? Il y aura un plan B, a averti le président. Mais tant que l’État n’a pas fait preuve de mauvaise foi, il estime inutile de proposer d’autres actions.

Que considérera-t-on comme de la mauvaise foi ? « Le gouvernement montrerait sa mauvaise foi s’il mettait de côté la proposition que l’on fait ; elle règle le problème, et les médecins de famille ont clairement décidé de l’adopter, ce qui devient une garantie de résultat. L’État montrerait alors que l’objectif qu’il avait n’était pas d’améliorer l’accessibilité, mais probablement de s’attaquer à un groupe particulier de professionnels. À ce moment-là, la donne serait complètement changée, et les actions pourraient être fort différentes. Mais à ce stade-ci, nous n’avons aucun autre choix que de proposer une solution de rechange au projet de loi. » //