En décembre dernier, dans le cadre de ses négociations avec les syndicats de la fonction publique, le gouvernement a demandé des modifications aux règles de calcul de la rente du régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP). De nombreux médecins rémunérés à honoraires fixes se demandent quel sera l’effet de ces modifications sur eux. Bien qu’il s’agisse de propositions, nous avons choisi d’illustrer leur effet possible sur la valeur des contributions existantes au RREGOP à l’aide de trois scénarios.
Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. |
La participation au RREGOP est un des avantages principaux du mode de paiement à honoraires fixes. Pour plusieurs médecins, le nombre d’années de service accumulé sujet aux cotisations est ce qui les retient dans ce mode. Pour d’autres, c’est l’accès à un régime d’assurance invalidité qui constitue le facteur déterminant. Pour ces derniers, des modifications aux règles du RREGOP n’auront probablement aucune répercussion sur leur choix de conserver le mode à honoraires fixes, à moins d’avoir presque 65 ans.
Pour la majorité, toutefois, la modification proposée par le gouvernement remet en cause la valeur des cotisations accumulées. Pour prendre des décisions éclairées, il faut bien comprendre le sujet et juger de l’effet des changements sur sa situation personnelle.
Notez que vous avez le temps de vous informer et de faire vos calculs. La Loi sur le RREGOP doit être modifié pour donner suite aux propositions. Vous saurez donc ce qui se passe bien avant l’éventuelle mise en vigueur. Pour l’instant, la date indiquée est le 1er janvier 2017.
Lorsqu’un médecin exerce 35 heures par semaine pendant une année, une année de service lui est reconnue par le RREGOP. En contrepartie, il doit verser une cotisation équivalant à 10,5 % de son revenu assujetti aux cotisations, et le ministère en met autant.
Dans certains cas, les cotisations sont établies sur la rémunération d'une semaine de 40 heures en moyenne. Toutefois, dans le cas du médecin qui prend une retraite progressive, qu’il se soit prévalu de l’option des 40 heures ou non, les cotisations sont calculées sur un maximum de 35 heures par semaine durant les quelques années de pratique réduite du médecin avant le retrait de sa rente.
Ces cotisations successives serviront de base pour déterminer la rente payable. De façon sommaire, la rente sera fonction du nombre d’années de cotisation et du salaire annuel. Le salaire utilisé présentement est la moyenne du salaire des cinq meilleures années. Cette moyenne est multipliée par 2 % et par le nombre d’années de cotisations pour donner une rente brute. Elle peut être sujette à certains ajustements. À compter de 65 ans, la rente versée est réduite du montant de la rente payable par la Régie des rentes du Québec (RRQ) ou, plus exactement, de la proportion de cette rente qui a été acquise durant les années de cotisation au RREGOP. Question de garder les choses simples, nous n’avons pas tenu compte de cet ajustement dans les scénarios présentés, même si la rente de la RRQ est pleinement indexée, contrairement à celle du RREGOP qui ne l’est que partiellement. Dans les exemples qui suivent, lorsque nous parlons de rente du RREGOP pour un médecin qui a atteint 65 ans, nous faisons référence aux deux rentes publiques.
Mis à part la diminution en fonction de la rente de la RRQ, la rente est réduite lorsque le participant la retire par anticipation, sauf s’il compte 35 ans de cotisations ou qu’il a 60 ans. Avant 60 ans, la réduction de la rente est de 0,33 % par mois d’anticipation, soit l’équivalent de 4 % par année. Les règles de calcul et les ajustements sont résumés dans le tableau I.
Le gouvernement a proposé de modifier le nombre d’années sur lequel est calculé le salaire moyen qui sert à établir la rente, l’âge pour être exempté de la diminution et le taux applicable. Ces modifications s’appliqueraient à tous les départs à la retraite à compter du 1er janvier 2017. Elles toucheraient l’ensemble des cotisations au régime, qu’elles aient été faites avant ou après cette date. Elles auraient donc un effet rétroactif. Toutefois, il serait possible de s’y soustraire en retirant sa rente avant l’entrée en vigueur des modifications. Les nouvelles règles proposées par le gouvernement sont résumées dans le tableau II.
Le gouvernement prévoit également changer l’âge d’exemption de la réduction en fonction de l’évolution future de l’espérance de vie. Cette dernière s’étant grandement allongée au cours des dernières décennies, on peut croire que l’âge d’exemption augmentera aussi graduellement avec le temps. Le gouvernement a, en outre, annoncé son intention de négocier des modifications à la formule d’indexation de la rente de manière à rendre l’indexation tributaire des rendements de la caisse de retraite. On peut supposer que ces modifications toucheraient surtout les années de service accumulées avant juillet 1982, période durant laquelle les rentes étaient pleinement indexées.
Pour vous permettre de mieux évaluer l’effet des changements en fonction de votre situation, comparons la rente de médecins de différents âges immédiatement avant et après les modifications, en supposant qu’elles entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2017.
Dans les différents scénarios ci-contre, nous regardons la situation de médecins d’âges différents un an avant les changements proposés, un mois avant et le 1er janvier de l’année où les changements sont demandés par le gouvernement. Les comparaisons sont valables autant pour un médecin ayant une charge de travail de 35 heures par semaine que pour celui travaillant 40 heures. Les salaires annuels reflètent l’évolution réelle de la rémunération jusqu’en avril 2015, de même que l’évolution attendue jusqu’à la fin de 2016 (tableau III).
Dans ces exemples, nous n’avons pas tenu compte des majorations applicables en horaire défavorable. Il est donc possible que vos cotisations soient plus élevées. Par ailleurs, comme les majorations en horaire défavorable ont fait leur apparition en 2010, ces exemples demeurent valables, toutes proportions gardées, si la proportion de ces activités a été constante depuis.
Le gouvernement a proposé aux syndicats de la fonction publique de modifier les règles de calcul de la rente du RREGOP pour ceux qui retireraient leur rente à compter du 1er janvier 2017. |
La modification de la formule de réduction de la retraite anticipée a un effet important sur la rente, encore plus lorsqu’on prend sa retraite plusieurs années avant 60 ans. On note aussi que l’effet de la modification du nombre d’années de la moyenne dans le calcul du revenu est considérable.
L’évaluation que doivent faire les médecins rétribués à honoraires fixes est plus complexe que celle que doivent faire les salariés de l’État. Le médecin, lui, peut continuer d’exercer en changeant de mode de rémunération, contrairement au salarié de l’État qui cesse de travailler lorsqu’il retire sa rente. De plus, en raison de l’étalement des hausses de salaire convenues l’automne dernier, le taux de rémunération annuel à honoraires fixes est gelé sur plusieurs années entre 2013 et 2017, « pénalité » dont les répercussions seront encore plus importantes si la moyenne aux fins de calcul est prolongée à 8 ans. Même si les employés de l’État ont obtenu des augmentations de salaire modestes, la progression des échelons salariaux a fait en sorte que la rémunération de 40 % d’entre eux s’est accrue plus rapidement que l’inflation.
Le gouvernement a proposé aux syndicats de la fonction publique de modifier les règles de calcul de la rente du RREGOP pour ceux qui retireraient leur rente à compter du 1er janvier 2017. |
Ceux qui approchent l’âge normal de la retraite se demandent sans doute s’ils ne devraient pas changer de mode avant le 1er janvier 2017. D’autres dans la même situation ont déjà dit qu’ils songeaient à prendre une retraite progressive après le 1er janvier 2017, en espérant que les règles applicables demeureraient celles qui prévalaient au moment de l’établissement de leur contrat, et non celles en vigueur au moment de leur départ. Il n’y a toutefois aucune indication que cette dernière voie protégerait ces médecins des modifications aux règles.
Le gouvernement a proposé aux syndicats de la fonction publique de modifier les règles de calcul de la rente du RREGOP pour ceux qui retireraient leur rente à compter du 1er janvier 2017. |
Les plus jeunes se demanderont sans doute s’ils finiront par « rattraper » la réduction en demeurant au RREGOP encore dix ou quinze ans. Pour répondre à cette question, il faut avancer des hypothèses sur l’évolution de la rémunération des médecins après janvier 2017 du fait que le renouvellement de l’entente générale n’a toujours pas été convenu. Certaines majorations sont connues, car l’étalement des augmentations qui devaient avoir lieu en 2013, 2014, 2015 et 2016 est établi. Cependant, on est en droit de s’attendre à des hausses additionnelles à la suite du renouvellement.
Si on prend des hypothèses relativement conservatrices (indexation des honoraires de 2 % par année après la période visée par l’étalement*), on constate que le médecin qui a 54 ans à la fin 2015, qui a cotisé au régime pendant 29 ans et qui cotisera encore six ans aura droit à une rente non réduite de 91 600 $ au 1er janvier 2022, car il aura acquis 35 ans de cotisations (en supposant qu’il ait continué d’exercer 35 heures par semaine). S’il se rend au 1er janvier 2025 (moment où il atteint le maximum de 38 ans de service), il retirera une rente sans réduction de 105 094 $ par année.
Selon les mêmes hypothèses, le médecin qui continue d’exercer 40 heures par semaine pourrait compter sur une rente annuelle de 104 686 $ au 1er janvier 2022 et de 120 107 $ au 1er janvier 2025.
Mais pour tirer des conclusions de ces constats, il faut pouvoir comparer cette situation aux résultats d’autres choix que pourrait faire le médecin. Ce sera le sujet de la deuxième portion de cet article qui paraîtra au mois de septembre. À la prochaine ! //
* Si vous songez à passer à la variante du mode mixte destinée aux médecins à honoraires fixes, vous vous dites peut-être que ces majorations hypothétiques sont trop basses. Notez que les sommes payables pour les actes, en plus des honoraires fixes dans le mode mixte, ne feront pas l’objet de cotisations au RREGOP, mais seront plutôt traitées comme une rémunération tirée du mode à l’acte.