l’avenir est à l’interdisciplinarité
Le système de santé canadien est, dans certains domaines, plus performant que celui de bien des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). C’est le cas dans le traitement du cancer et dans les soins dans la collectivité. Toutefois, notre système est sous la moyenne, notamment en ce qui concerne l’expérience des patients. Ainsi, le temps passé avec le médecin est moins long, le clinicien est moins facile à comprendre, le temps pour poser des questions est plus court et la participation aux décisions est moins grande.
« On est dans un système qui produit, mais qui est sous pression et cela se reflète entre autres dans l’expérience patient », affirme M. Jean-Louis Denis, professeur à l’École d’administration publique de Montréal.
Le Canada investit pourtant plus que d’autres pays dans son réseau de soins. « Il y a place à l’amélioration. On a trop tendance à remettre ce problème entre les mains d’une seule profession. La profession médicale aura un rôle à jouer, mais au sein d’un ensemble de facteurs du système », estime M. Denis, également titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la gouvernance et la transformation des organisations et systèmes de santé.
Et notre province ? « Au Québec, l’accessibilité y est plus faible que dans les autres provinces, mais pas dramatiquement, explique le professeur. Dans l’ensemble, on a une excellente qualité technique et une productivité légèrement supérieure à la moyenne. » Par contre, la continuité et la coordination des soins sont bien plus faibles que dans le reste du Canada. « Pour votre profession, cet enjeu est extrêmement important, parce que vous êtes un des piliers de cette coordination et de cette transition de soins à l’extérieur de l’hôpital », a dit M. Denis aux médecins.
Que faut-il aux médecins pour être plus efficaces ? Une structure qui les appuie. « Un groupe isolé, si bon soit-il, est voué à être moins performant s’il n’est pas bien appuyé sur le plan de la gestion et de l’organisation. Que ce soit pour “l’accès rapide”, le suivi de la pratique, le contrôle de l’utilisation des médicaments, vous ne pouvez faire cela tout seuls. » Même pour appliquer des concepts comme celui du patient partenaire, les médecins ont besoin d’aide.
Observant la situation de l’extérieur, le professeur et chercheur remarque que la profession médicale subit beaucoup de pression et est peu entourée. « Quand on s’intéresse à l’organisation des systèmes de santé, on constate que l’ouverture des champs de compétence, c’est-à-dire le fait d’avoir des médecins, dans une équipe interprofessionnelle, qui ne portent pas toute la pression, mais qui sont appuyés par des gens compétents travaillant ensemble, apparaît inéluctable. »
Le modèle du médecin seul face au patient est insoutenable, selon M. Denis. « La conséquence c’est que vous ne pouvez pas juste être des médecins ensemble. Il faut être avec d’autres. Mais ce n’est pas seulement aux médecins de résoudre ce problème. C’est au système de faire qu’un partenariat s’établisse à une échelle suffisante pour vous permettre de faire face à la demande, à la complexification des cas, à la multimorbidité chronique, à une plus grande fragilité des patients ainsi qu’à une hausse des suivis dans la collectivité et à domicile. » Il faut donc une réorganisation des soins pour faciliter le travail des médecins.
Plusieurs éléments sont nécessaires en plus de l’interdisciplinarité. « On aura une pratique performante si on a un contexte de pratique riche, c’est-à-dire qui réunit des ressources informationnelles et économiques, et si on a aussi un alignement sur les meilleures pratiques avec des équipes interprofessionnelles performantes et un leadership clinique approprié pour les faire fonctionner. »
Aux États-Unis, les « Accountable Care Organizations » constituent une approche intéressante. « Ce sont des modèles collectifs d’organisation de la pratique qui ont des éléments d’organisation et de gestion permettant de mieux performer. » Ce système, même s’il a ses limites, permet de tirer le meilleur parti d’un système de santé. Le réseau québécois possède d’ailleurs plusieurs caractéristiques qui permettraient la mise sur pied de telles structures. //