entre la théorie et la pratique
La satisfaction du patient est une mesure intéressante de la qualité des soins puisqu’elle est au cœur d’une approche de soins centrée sur le patient. Par définition, « la satisfaction est l’acte par lequel on accorde à quelqu’un ce qu’il demande, ou encore, le sentiment de bien-être qui résulte de cette action »1. La satisfaction est subjective puisqu’elle est façonnée par les attentes d’un patient par rapport à sa visite médicale, à sa personnalité et à ses perceptions. C’est pourquoi un même service donné par le même médecin peut être jugé satisfaisant par une personne et décevant par une autre. Tous ces paramètres font de la satisfaction un concept délicat à mesurer2.
Mme Isabelle Paré est conseillère en politique de santé et chercheuse à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. Elle est titulaire d’un doctorat (Ph. D.) en science politique. |
Plusieurs pays ont mis au point des outils de mesure standardisés, tels que le Hospital Consumer Assessment of Healthcare Providers and Systems aux États-Unis, le National Health Service en Angleterre, le Consumer Quality Index aux Pays-Bas et le Patient Experiences Questionnaire en Norvège. Au Québec, outre l’Enquête québécoise sur la qualité des services de lutte contre le cancer, il n’y a pas d’outil provincial3.
La littérature sur la satisfaction des patients est florissante. Règle générale, les patients satisfaits sont des patients fidèles à leur médecin. Nous vous proposons donc un bref survol de la littérature afin de faire de vous un médecin qui pourra profiter des différentes mesures liées à la fidélisation des patients, tout en s’assurant de la satisfaction de ces derniers.
L’un des critères influant le plus sur la satisfaction des patients est l’écoute du médecin. Les patients qui se sentent écoutés sont plus satisfaits. Selon Thiedke4, si le médecin prend le temps de bien comprendre les attentes de ses patients, ces derniers seront plus satisfaits. À l’inverse, une consultation trop rapide nuit à la satisfaction du patient4. La relation médecin-patient est une relation interpersonnelle, souvent non choisie, où les attentes de l’un et les objectifs de l’autre doivent trouver un lieu de rencontre. Conséquemment, la qualité de cette relation a une influence tant sur la satisfaction du patient que sur son insatisfaction5,6.
Une approche médecin-patient moins directive est aussi une tactique pour améliorer la satisfaction du patient. Le patient qui a l’impression d’avoir un certain contrôle dans sa relation avec le médecin sera plus satisfait. Lorsque le médecin laisse les patients exprimer leurs idées, leurs préoccupations et leurs attentes, ceux-ci adhèrent davantage aux conseils qui leur sont prodigués4. Cette façon de faire s’inscrit dans la tendance très actuelle « de responsabilisation » du patient, soit le rendre responsable de sa santé et de ses choix.
Il y a aussi des facteurs qui influent sur la satisfaction du patient et sur lesquels le médecin n’a pas d’emprise, soit l’âge et les besoins en matière de soins de santé. Les patients âgés sont plus satisfaits que les plus jeunes, mais ceux ayant de plus grands besoins médicaux sont moins satisfaits que les autres7. Côté démographique, les hommes sont davantage satisfaits de leurs soins médicaux que les femmes8, et les patients plus scolarisés sont plus critiques des soins prodigués par le médecin.
Au Québec, au cours des dernières années, on a vu que les patients avaient de la difficulté à avoir accès à leur médecin de famille. Pourtant, l’accessibilité est à la base de la satisfaction. Les médecins ayant fait le saut à l’accès adapté mesurent concrètement leur gain d’accessibilité, tout comme leurs patients. En effet, ces médecins, autrefois débordés et inaccessibles, sont désormais disponibles pour voir leurs patients quand ils en ont besoin. Et qui dit accès adapté sous-entend aussi valorisation du travail de l’équipe médicale où le suivi des patients devient une tâche partagée.
La FMOQ a mis au point des mesures visant à inciter les médecins de famille à prendre en charge un plus grand nombre de patients et à fidéliser ces derniers à leur médecin et à leur lieu de prestation de services de première ligne. Parallèlement, la polyvalence des médecins québécois est reconnue lorsqu’ils font de la prise en charge. Voyons en détail chacune des mesures.
Cette mesure découlant de l’Entente particulière relative aux services de médecine de famille, de prise en charge et de suivi de la clientèle vise à encourager la prise en charge de nouvelles clientèles en accordant des sommes supplémentaires au médecin en fonction du nombre d’inscriptions actives de patients au 31 décembre de l’année de référence. Pour y avoir droit, le médecin doit atteindre les cibles d’inscriptions suivantes :
Au forfait d’inscription générale s’ajoute :
h un supplément annuel de 5 $ pour chacun des patients inscrits au-delà du 500e jusqu’à la limite de 750 ;
h un supplément annuel de 10 $ pour chacun des patients inscrits au-delà du 750e jusqu’à la limite de 1000 ;
h un supplément annuel de 15 $ pour chacun des patients inscrits au-delà du 1000e jusqu’à la limite de 1500 ;
h un supplément annuel de 20 $ pour chacun des patients inscrits au-delà de 1500.
Au forfait annuel de prise en charge d’un patient vulnérable s’ajoute :
h un supplément annuel de 5 $ pour chacun des patients vulnérables inscrits au-delà du 200e jusqu’à
la limite de 300 ;
h un supplément annuel de 10 $ pour chacun des patients vulnérables inscrits au-delà du 300e jusqu’à
la limite de 500 ;
h un supplément annuel de 15 $ pour chacun des patients vulnérables inscrits au-delà de 500.
Pour contrer le projet de loi no 20, la FMOQ devait proposer des mesures visant à augmenter, notamment, l’accessibilité du médecin. L’une des mesures de l’Entente de principe intervenue entre la FMOQ et le MSSS afin d’améliorer l’accessibilité aux services médicaux de première ligne est le taux national d’assiduité, qui vise à mesurer l’assiduité générale des patients auprès de leur médecin. L’application en est relativement simple. Si une région ou un groupe de médecins présente un taux d’assiduité inférieur au taux national, les causes de la non-atteinte du taux d’assiduité national devront être trouvées, et des mesures devront être mises en œuvre afin d’atteindre le taux national. Le taux d’assiduité national est un taux collectif, et non individuel.
L’échéancier des cibles est décrit dans le tableau9.
Dans le guide de gestion des GMF actuellement en pourparlers, un taux d’assiduité est également proposé. Cette mesure vise à fidéliser les patients à leur médecin de famille et au groupe de ce dernier. Cette mesure a pour but de créer, chez le patient, le réflexe de consulter son médecin et son GMF plutôt que d’aller dans une autre clinique. Simultanément, elle encourage les médecins et les GMF à être plus accessibles.
Le taux d’assiduité en GMF est défini par la proportion de visites de la clientèle inscrite au GMF effectuées dans les points de service du GMF sur le nombre total de visites de la clientèle inscrite au GMF effectuées dans l’ensemble des lieux de prestation de services de première ligne (GMF, GMF-R, CR, autres GMF ou cabinets, CLSC, UMF, urgences). Différentes exclusions s’appliquent au calcul du taux d’assiduité en GMF, telles que les patients P1 à P3 vus à l’urgence.
À terme, la cible à atteindre est un taux d’assiduité minimal de 80 % par GMF (taux collectif des médecins du GMF). Afin d’assurer la transition vers cette nouvelle mesure, les taux d’assiduité progressif suivants sont proposés :
h 70 % pour l’an 1 d’application ;
h 75 % pour l’an 2 d’application ;
h 80 % pour l’an 3 d’application.
La non-atteinte de l’assiduité mène au retrait partiel ou total de la subvention administrative du GMF, voire au retrait de l’accréditation comme GMF.
Au Québec, les médecins de famille ont un profil de pratique particulier puisqu’ils effectuent plus de 40 % de leurs tâches professionnelles en établissement. Cette polyvalence est reconnue depuis la dernière entente. En effet, les omnipraticiens qui ont au moins 700 patients inscrits et qui travaillent en établissement reçoivent désormais une prime à la polyvalence, soit une augmentation automatique de leur revenu pour le travail en établissement nécessitant une garde sur place ou en disponibilité. En voici le détail :
h 700 patients inscrits et plus : 1 2,5 % du revenu obtenu en établissement ;
h 1000 patients inscrits et plus : 1 5 % du revenu obtenu en établissement ;
h 1500 patients inscrits et plus : 110 % du revenu obtenu en établissement.
En se rendant accessibles, les médecins de GMF atteindront leurs cibles d’assiduité, verront leurs patients et bénéficieront des différentes mesures. Cette fidélisation est un enjeu de taille pour un suivi optimal par un médecin de première ligne et une équipe au cœur des soins qui font la différence en choisissant les traitements qui conviennent le mieux au patient. La valorisation de la pratique en première ligne permet aussi de reconnaître aux médecins qui travaillent en établissement et qui font de la prise en charge une plus-value de leur pratique.
Ne reste ensuite qu’un pas pour concrétiser ces mesures : l’accès adapté. Non seulement la fidélisation sera assurée et conséquemment les cibles d’assiduité atteintes, mais les patients seront vus lorsqu’ils en ont besoin, en temps réel et sans pratique de rattrapage. Chose certaine, avec ces mesures que sont l’assiduité, la modulation à l’inscription et la reconnaissance de la polyvalence, tout est en place pour une bonification de la première ligne. Les patients seront les premiers à en bénéficier, à leur plus grande satisfaction. //
1. Institut national de la santé et de la recherche médicale. Mesure de l’expérience du patient: analyse des initiatives internationales. Paris : Haute Autorité de santé de France ; 2011.
2. Fitzpatrick R, Hopkins R. Problems in the conceptual framework of patient satisfaction research: an empirical exploration. Social Health Illn 1983 ; 5 (3) : 297-311.
3. Institut de la statistique du Québec. Enquête québécoise sur la qualité des services de lutte contre le cancer. Québec : l’Institut ; 2014. 119 p.
4. Thiedke CC. What do we really know about patient satisfaction? Fam Pract Manag 2007 ; 14 (1) : 33-6.
5. Kalda R, Polluste K, Lember M. Patient satisfaction with care is associated with personal choice of physician. Health Policy 2003 ; 64 (1) : 55-62.
6. Marcinowicz L, Chlabicz S, Grebowski R. Patient satisfaction with healthcare provided by family doctors: primary dimensions and an attempt at typology. BMC Health Serv Res 2009 ; (9) 63.
7. Al-Windi A. Predictors of satisfaction with health care: a primary healthcare-based study. Qual Prim Care 2005 ; 13 (2) : 67-74.
8. Nguyen TP, Briançon S, Empereur F et coll. Factors determining inpatient satisfaction with care. Soc Sci Med 2002 ; 54 (4) 493-504.
9. FMOQ-MSSS. Entente de principe intervenue entre la FMOQ et le MSSS afin d’accroître et d’améliorer l’accessibilité aux services médicaux de première ligne. Montréal et Québec : FMOQ et MSSS ; 2015.