Éditorial

La chasse aux sorcières

Dr Louis Godin  |  2015-12-18

Un récent rapport de la vérificatrice générale du Qué­bec sur la rémunération des médecins a créé beaucoup de confusion dans la population, en raison notamment d’interprétations erronées véhiculées par certains. Il s’en est suivi une chasse aux sorcières, injustifiée, où chaque virgule des ententes générales régissant les conditions de travail des médecins québécois a été passée sous la loupe.

Dans ce contexte, certains faits devaient être rappelés à la population, et c’est ce que la Fédération a fait par une publicité dans les principaux quotidiens de la province le 7 décembre dernier. Et ces faits méritent plus que jamais d’être rappelés dans le contexte de la chasse aux sorcières actuelle dont sont victimes les médecins québécois.

D’abord, chaque dollar versé aux médecins l’a été en échange de services médicaux rendus. Par conséquent, contrairement à ce qui a été véhiculé à tort dans les médias depuis plusieurs semaines à la suite du rapport de la vérificatrice générale, aucune somme ne leur a été versée en trop. De plus, dans le cas plus précis des médecins de famille, une analyse approfondie dudit rapport par l’équipe des Affaires économiques de la FMOQ démontre que l’État a économisé 1,5 million de dollars entre 2010 et 2014 par rapport aux sommes initialement prévues dans l’enveloppe budgétaire des médecins omnipraticiens. Il est donc tout à fait faux, selon nos calculs, de prétendre qu’il y aurait eu un excédent des coûts prévus de 32,7 millions de dollars dans notre enveloppe budgétaire durant cette période, comme l’a prétendu la vérificatrice générale. En résumé, une erreur d’interprétation comptable a donné lieu à une surenchère médiatique visant à montrer que les mé­decins au Québec sont des superprivilégiés, indifférents à la précarité vécue par certains et échappant à tout contrôle de l’État ! Ce portrait, à des années-lumière de la réalité, a profondément choqué, avec raison, les médecins. Surtout que plusieurs continuent de prétendre n’importe quoi au sujet de notre rémunération bien que la rémunération des médecins de famille du Québec ait été gelée au cours du dernier exercice financier, c’est-à-dire celui de 2014-2015, et qu’une augmentation inférieure à 2 % soit prévue pour l’année en cours. On est donc loin des augmentations indécentes décrites erronément par certains.

Mais pourquoi alors les titres accrocheurs sur le fait que l’enveloppe consacrée à la rémunération des mé­de­cins augmente sans cesse ? Parce que des sommes importantes doivent être investies afin de tenir compte de l’arrivée en pratique chaque année de nouveaux médecins. On ne parle pas ici d’augmentation de la rémunération, mais essentiellement de montants prévus pour rétribuer les futurs médecins. À titre d’exemple, depuis 2011, environ 550 nouveaux médecins de famille et 850 nouveaux médecins spécialistes ont commencé à pratiquer au Québec. Et dans les années à venir, ce sont les diplômés des plus grosses cohortes de l’histoire qui commenceront leur pratique médicale. Alors oui, ces médecins supplémentaires devront être rétribués pour les services qu’ils offriront, augmentant ainsi les coûts associés à la rémunération globale des médecins. Qu’il y ait davantage de médecins qui offrent davantage de soins, n’est-ce pas là une bonne nouvelle ! Cela dit, nous comprenons que cela fait des manchettes pas mal moins accrocheuses que celles sur les mythiques augmentations de rémunération.

Depuis le début de 2012, les médecins de famille ont pris en charge 1 602 783 nouveaux patients, en plus de continuer à consacrer près de 40 % de leur temps à des activités en milieu hospitalier. Ces données, à elles seules, témoignent de l’ampleur des pas franchis. Aucune chasse aux sorcières ne pourra reléguer aux oubliettes cet accomplissement incroyable. A lors, poursuivons dans cette voie en 2016 en faisant fi des critiques injustifiées et en continuant d’avoir comme priorité la chose qui doit primer sur tout le reste : le bien-être des patients.

Le 16 décembre 2015

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Le président, Dr Louis Godin