opération « Vidons le guichet »
Le 17 septembre dernier, le président de la FMOQ, qui commençait sa tournée des associations affiliées, a rencontré les membres de l’Association des médecins omnipraticiens du nord-ouest du Québec à Amos, au cours de leur assemblée générale.
Le nouveau mot d’ordre : « Vidons le guichet d’accès à un médecin de famille (GAMF) ». C’est ce que propose le Dr Louis Godin, président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), qui a commencé à Amos, en Abitibi, sa tournée des associations affiliées.
Dans leur lutte contre la loi 20*, les omnipraticiens doivent maintenant se concentrer sur l’essentiel : les personnes qui cherchent un médecin de famille. « C’est le véritable enjeu. On peut discuter longtemps à savoir si c’est vraiment 85 % de la population qui veut un médecin de famille. Est-ce que c’est en fait 80 % ou 83 % ? Il y a toutefois une chose qui est sûre : les personnes qui se sont inscrites au GAMF veulent avoir un suivi médical. Il faut donc se concentrer sur elles », a expliqué le président aux membres de l’Association des médecins omnipraticiens du nord-ouest du Québec (AMONOQ).
Actuellement, environ 73 % de la population québécoise est inscrite. La cible à atteindre, qui était de 74 % en juin dernier, sera de 77 % en décembre. « Si vous regardez le nombre de Québécois qu’il reste à inscrire, il y en a un million, mais il y en a moins de 475 000 dans le guichet d’accès. » Le Dr Godin a bon espoir que tous puissent être pris en charge par un omnipraticien. Mathématiquement, l’opération est faisable. Il y a un peu plus de 6500 omnipraticiens en première ligne, auxquels plus de 200 nouveaux diplômés (ajout net) vont se joindre en 2017. « On n’a pas besoin de tous prendre 200 ou 300 patients pour y arriver. On en inscrit un ou deux par semaine et on vide le guichet. »
* Le nom exact de la loi est : Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée.
Qui sont les patients du GAMF ? Quelque 12 000 de ces personnes ont rapidement besoin d’un médecin de famille à cause de leur état de santé. Mais il y en a aussi plus de 300 000 en bonne santé qui exigeront peu de temps d’un omnipraticien. « Si chaque médecin de famille fait un petit effort pour inscrire des patients qui ne sont pas malades, on n’a plus de problème », affirme le Dr Godin. Dans le contexte actuel, il n’y a pas de petit gain. « Tous les patients inscrits comptent. »
Le nouveau guichet d’accès aux médecins de famille connaît toutefois des ratés, a souligné le Dr Jean-Yves Boutet, président de l’AMONOQ. Quelques jours auparavant, une secrétaire de son groupe de médecine de famille (GMF) a appelé le GAMF pour obtenir des patients pour un jeune omnipraticien qui commence à pratiquer. Elle a reçu une liste de 54 personnes. Une dizaine n’a pu être jointe. D’autres avaient déjà une entente avec un médecin. « Finalement, sur les 54 patients, 27 ont pu être inscrits. Il y a eu une moyenne de deux appels par patient, ce qui fait 108 appels pour obtenir 27 patients. C’est lourd », a indiqué le Dr Boutet.
Une nouvelle version du GAMF va bientôt être mise en œuvre. « Bien des problèmes actuels seront réglés, a assuré le président de la Fédération. Selon la nouvelle mécanique, les patients ne pourront pas rester à vie dans le guichet. Si après un certain nombre d’appels ils ne répondent pas ou ne vont pas au rendez-vous, ils seront retirés du guichet. » La FMOQ est en train de préparer un texte sous la forme de questions et de réponses pour aider les médecins à gérer les situations difficiles. En attendant, ils peuvent consulter le site de la Régie de l’assurance maladie du Québec.
En ce qui concerne le taux d’assiduité, le défi est presque relevé. La cible à atteindre le 31 décembre 2017 est de 80 %. Mais déjà, le 30 juin dernier, le taux était de 78,4 %. « Au final, on va tenir compte de certains facteurs particuliers. On s’assurera, par exemple, qu’un médecin n’est pas pénalisé par le comportement de son patient », a indiqué le président de la FMOQ.
Mais tous les efforts déployés par les omnipraticiens ne risquent-ils pas d’être vains si 85 % de la population n’est pas inscrite le 31 décembre 2017 ? Ne subiront-ils pas tous une baisse de 30 % de leur rémunération ? « On ignore ce que le ministre de la Santé fera. La loi 20 ne mentionne pas une telle réduction. Le ministre a dit qu’il pouvait imposer des obligations, intervenir sur la rémunération et les ententes. Il a, par ailleurs, été clair sur un point : un médecin qui a changé de manière importante sa pratique dans le sens de l’entente sur l’accessibilité ne sera pas touché par la loi. » Le seul moyen sûr de faire disparaître la loi 20 au printemps 2018, a rappelé le Dr Godin, est d’atteindre collectivement les cibles d’inscription et d’assiduité.
Il existe, en Abitibi-Témiscamingue, un réseau local de services de santé et de services sociaux particulièrement performant : celui d’Amos. Là, plus de 85 % de la population est déjà inscrite.
Le secret de ce réseau ? Un ensemble d’éléments qui s’imbriquent : la polyvalence des omnipraticiens, un penchant pour la prise en charge et la présence d’internistes à l’hôpital. « Rouyn-Noranda et Amos ont choisi, il y a dix ans, d’avoir des internistes. Donc, petit à petit, on a bâti une équipe. Je pense que c’était un choix très heureux puisque les omnipraticiens ont pu tranquillement éliminer une équipe qui faisait des tournées à l’hôpital. De plus, depuis longtemps, on dit aux médecins qu’on privilégie la polyvalence. On ne veut pas de pratique exclusive ou ce qu’on appelle des “niches de travail intra-établissement” », indique le Dr Boutet.
Les résultats sont impressionnants. Le guichet d’accès d’Amos contient maintenant moins de 300 patients. Et avec les trois nouveaux omnipraticiens qui viennent tout juste d’arriver, il sera bientôt vide.
Le réseau de l’Abitibi-Ouest, lui, atteignait un taux d’inscription de 73 % en mai, tout comme celui de Rouyn-Noranda qui a, en plus, un excellent taux d’assiduité. Des résultats au-dessus de la moyenne québécoise.
Par contre, les réseaux de Ville-Marie et de Val-d’Or peinent, leur taux d’inscription n’étant que de 65 %. « À Val-d’Or, les omnipraticiens doivent faire beaucoup d’hospitalisation au détriment de la prise en charge. À Ville-Marie, la situation est difficile, parce qu’il y a une pénurie d’omnipraticiens », précise le président de l’AMONOQ.
Dans presque tout le nord-ouest du Québec, les guichets d’accès sont encore remplis : quelque 10 800 patients y attendent un médecin de famille. Les membres de l’AMONOQ travaillent néanmoins très fort, indique le Dr Boutet. « Nous sommes 174 et nous fournissons un travail équivalant à celui de 192 omnipraticiens. Il faut donc penser à une réorganisation des services médicaux dans certaines régions. »
L’avenir pourrait être difficile. « Il faut se pencher sur le problème du vieillissement du corps médical, car des catastrophes sont à prévoir », a indiqué le Dr Boutet à ses membres au cours de l’Assemblée générale. Dans toute l’Abitibi-Témiscamingue, 26 médecins ont plus de 35 ans de pratique. Amos et Rouyn-Noranda, à elles seules, en comptent chacune neuf. « Trente-cinq ans de pratique, c’est impressionnant. On appréhende toutefois la retraite de ces médecins. Ils ont souvent d’importantes clientèles. Avec le départ de trois d’entre eux, c’est 6000 patients qui reviennent dans le guichet d’accès. J’ai l’impression qu’il va peut-être falloir trois jeunes médecins pour remplacer chaque omnipraticien âgé. » Le président craint une crise d’ici deux ou trois ans. Cependant, le nombre de nouveaux facturants, qui va encore croître, devrait théoriquement apporter une certaine aide.
Jusqu’à présent, le nombre de médecins a toujours stagné en Abitibi-Témiscamingue. Il ne parvient pas à dépasser 180. L’an dernier, le recrutement a été particulièrement difficile. Le nord-ouest du Québec n’a attiré que huit omnipraticiens, alors que quatorze postes étaient offerts. Un taux de recrutement de 57 %. Certains jeunes médecins se sont pourtant intéressés à Val-d’Or, mais ils ne voulaient pratiquer qu’à l’hôpital. « Nous leur avons répondu : non. Nous avons conservé la ligne dure en ce qui concerne la polyvalence. Nous leur avons dit : “Si vous voulez venir en Abitibi-Témiscamingue, nous serons heureux de vous accueillir, mais à deux conditions : vous devez prendre des patients en charge et vous devez pratiquer à l’urgence et dans les unités de soins, comme les autres omnipraticiens”. Nous avons perdu des candidats pour cette raison. Ils ont eu des offres en Ontario et dans l’Outaouais qui leur permettait de n’exercer qu’à l’urgence. »
Cette année, l’Abitibi-Témiscamingue a droit à seize postes. « Notre politique reste la même. On tient à ce que les jeunes médecins soient polyvalents. La situation devrait cependant s’améliorer pour différentes raisons, et le prochain recrutement devrait être plus fructueux », affirme le Dr Boutet. //