Le 10 décembre 2015, la loi fixant les exigences pour assister un patient dans son désir de mettre fin à sa vie entrait en vigueur. Or, il a fallu attendre plusieurs mois avant de pouvoir réclamer une rémunération à la RAMQ pour ces services. Depuis que c’est chose faite, revoyons-en le fonctionnement.
Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. |
Au Québec, l’adoption d’une loi fixant les conditions à respecter par le médecin qui veut assister un patient qui souhaite mettre fin à sa vie s’est fait après un processus de consultation et des débats d’une durée d’au moins deux ans. Sa mise en vigueur, prévue pour le 10 décembre 2015, a connu certaines incertitudes du fait que le droit criminel est de compétence fédérale. Toutefois, la Cour d’appel a statué que la loi québécoise respectait les principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans son jugement. Durant l’été 2016, les débats ont visé l’harmonisation avec le cadre fédéral adopté en juin 2016.
À l’automne 2015, les parties négociantes ont convenu de la formule de rémunération pour les services liés à l’aide médicale à mourir. Bien que les négociations se soient conclues peu de temps après le début décembre, les médecins n’ont été avisés des mesures qu’à la fin juillet.
Du fait que la forme de rémunération retenue adapte l’intervention clinique, la majorité des médecins s’y retrouveront assez facilement. Il y a quand même quelques points qui peuvent exiger des nuances.
La loi prévoit qu’un patient doit faire une demande écrite pour bénéficier de l’aide médicale à mourir. Le médecin qui reçoit une telle demande peut refuser de participer au processus (pour des raisons personnelles ou de conscience) ou accepter de le faire (de l’évaluation jusqu’à l’injection létale). Un médecin ne doit pas accepter de participer au processus s’il ne peut pas ou ne veut pas administrer l’injection au bout du compte.
Un médecin ne doit pas accepter de participer au processus d’aide médicale à mourir s’il ne peut pas ou ne veut pas administrer l’injection létale au bout du compte. |
Celui qui refuse de participer au processus vérifiera si la demande est recevable et, le cas échéant, la transmettra au PDG du CISSS, du CIUSSS, du CHU ou de l’établissement au sein duquel il exerce ou qui offre des services sur le territoire pour que celui-ci trouve un médecin qui acceptera d’y donner suite. Celui qui convient de participer au processus procédera à l’évaluation nécessaire.
L’intervention clinique à la suite d’une demande d’aide médicale à mourir est réservée au médecin qui accepte d’accompagner un patient ou qui donne son avis comme deuxième médecin. Le médecin qui refuse pour des raisons personnelles ne peut s’en prévaloir, pas plus qu’il ne peut être rémunéré pour remplir les différents formulaires.
Plus souvent, de telles demandes seront soumises au médecin traitant. Ce dernier devra alors, aux fins de rémunération, faire la distinction entre les services courants qu’il rend à son patient et les services liés à l’évaluation et à l’exécution de l’aide médicale à mourir.
Avant de faire une demande écrite, un patient pourra discuter avec son médecin de la possibilité de recourir à l’aide médicale à mourir. Le médecin pourrait alors constater que le patient n’est pas adéquatement soulagé, craint de souffrir ou ne comprend pas bien l’évolution de sa maladie. Du fait que le patient n’a pas encore fait sa demande écrite d’aide médicale à mourir (qu’il n’en fera peut-être pas si sa douleur est mieux maîtrisée ou qu’il comprend mieux à quoi il doit s’attendre), le médecin ne peut pas réclamer la rémunération prévue pour l’aide médicale à mourir. Il facturera plutôt les soins au patient, selon la nomenclature applicable dans le lieu de l’évaluation.
Le médecin qui est conscient qu’une demande d’aide médicale à mourir ne sera pas recevable (patient mineur, problème ne répondant pas aux critères, impossibilité de donner un consentement éclairé) devra l’indiquer à son patient. Comme ce dernier ne fera alors pas de demande, les services du médecin ne seront pas rémunérés selon les codes et tarifs applicables à l’aide médicale à mourir.
Une fois la demande formulée, l’évaluation pourra exiger un certain temps. Durant cette période, le médecin qui rendra des services au patient doit décider s’il le fait comme soignant (évaluation de l’évolution du patient, de l’atténuation de la douleur, du traitement des complications ou discussions avec la famille ou d’autres soignants à cet égard) ou s’il le fait dans le cadre de la demande d’aide médicale à mourir (évaluation du patient en fonction des critères d’admissibilité, discussion avec la famille ou le personnel soignant relative à la demande du patient, obtention d’un deuxième avis et prise de connaissance de celui-ci, préparatifs pour administrer l’injection létale, etc.).
Dans certaines situations, les deux fonctions peuvent se chevaucher. Lors de discussions avec la famille pour évaluer la capacité du patient, il peut être question, par exemple, du soulagement courant de sa douleur. Selon l’importance du temps consacré à l’une et à l’autre fonction lors d’une même séance, le médecin doit décider s’il s’agit de soins au patient (rémunérés conformément à la nomenclature applicable pour les soins selon le secteur où est admis le patient) ou de démarches effectuées dans le cadre d’une demande d’aide médicale à mourir (et alors se prévaloir de la tarification spécifique prévue à cette fin). Dans la mesure où les deux types de services sont offerts lors de la même séance, le médecin ne doit pas les traiter distinctement, mais bien comme un bloc soumis à une tarification unique.
Dans la mesure où un médecin effectue, dans une même séance, à la fois des soins et des démarches liées à l’aide médicale à mourir, il ne doit pas les traiter distinctement aux fins de la rémunération, mais bien comme un bloc soumis à une tarification unique. |
Lorsque le médecin accompagnateur est d’avis que la demande est recevable et que le patient respecte les critères énoncés, il doit faire appel à un deuxième médecin. Ce dernier évaluera à son tour si le patient respecte effectivement les critères et produira un rapport le confirmant ou l’infirmant, dans lequel il indiquera son évaluation de chaque critère d’admissibilité.
Ce médecin n’aura donc généralement pas à intervenir auprès du patient avant qu’une demande d’avis n’ait été formulée. Du fait de son rôle plus circonscrit, il ne devrait pas avoir de difficulté à distinguer entre ses fonctions de soignant et de médecin évaluateur. Un seul médecin devrait être appelé à remplir cette fonction dans le cadre d’une demande formulée par un patient. Si jamais le deuxième médecin en arrivait à la conclusion que la demande n’est pas recevable, la loi ne prévoit pas de possibilité de faire appel à un troisième ou à un quatrième médecin. La demande est alors tout simplement refusée.
Comme des médecins peuvent avoir des objections à remplir le rôle de deuxième médecin, le médecin traitant peut s’adresser au DSP ou au groupe interdisciplinaire de soutien de son établissement pour obtenir des noms de médecins volontaires.
Il nous reste à aborder le type de rémunération, tant pour les services offerts dans le cadre d’une demande d’aide médicale à mourir que pour les formulaires à remplir. Ça sera le sujet de la chronique du mois prochain. D’ici là, bonne facturation ! //