des répercussions beaucoup plus importantes que prévu
L’abolition des frais accessoires risque d’entraîner des problèmes imprévus. Les cliniques, entre autres, pourraient ne plus être en mesure d’offrir certains services.
Le nouveau règlement sur les frais accessoires, qui devrait entrer en vigueur en janvier 2017, aura des conséquences plus graves que prévu. Il pourrait menacer certains services offerts à la population.
Selon les nouvelles règles, tous les frais accessoires seront abolis à l’exception des frais de transport des échantillons biologiques. Ainsi, aucun paiement ne pourrait être réclamé à un patient pour des frais liés à un service médicalement requis.
« Ce dont on se rend compte, c’est que cette abolition complète soulève de nombreuses questions sur lesquelles personne ne s’est penché quand on a fait le débat sur les frais accessoires », affirme le Dr Louis Godin, président de la FMOQ.
Selon la nouvelle définition, les frais accessoires comprennent non seulement ceux qui sont liés au fonctionnement d’un cabinet privé, mais aussi ceux qui sont associés notamment aux services, aux fournitures, aux médicaments, à l’équipement et aux tests diagnostiques nécessaires pour offrir un service assuré.
« Cela amène beaucoup de questions, note le Dr Godin. Par exemple, est-ce que les prises de sang faites par un laboratoire privé constitueront des frais accessoires ou non ? Un vaccin donné par une infirmière sera-t-il inclus dans les frais accessoires lorsque le patient est vu uniquement par cette dernière ou sera considéré comme un acte infirmier, qui est alors un service non assuré (encadré) ? »
Sur le plan pratique, le nouveau règlement va amener de nombreuses difficultés. Actuellement, les médecins peuvent facturer aux patients des attelles ou certains médicaments injectables comme la cortisone, mais en janvier, ils ne pourront plus le faire.
« Que se passera-t-il ? Le médecin va-t-il donner une prescription au patient qui devra aller à la pharmacie chercher les médicaments, revenir, se les faire injecter ? Il y a de multiples exemples comme ça. »
Le patient ne tirera aucun avantage même financier de la situation. « À partir du moment où les assureurs privés remboursent la plupart des médicaments et des agents anesthésiques que doivent actuellement payer les patients dans une clinique médicale, le principal effet de la réglementation gouvernementale ne sera-t-il pas tout simplement de faire économiser ces assureurs ? Pourquoi les médecins devraient-ils absorber ces coûts alors que les assureurs les assument déjà ? », demande le président de la FMOQ dans une lettre qu’il vient d’envoyer au ministre de la Santé et des Services sociaux. Comme toute personne intéressée par ce sujet, il avait quarante-cinq jours pour faire parvenir ses commentaires.
Les prises de sang constituent un autre exemple. Le prix facturé au patient est souvent inférieur à celui du stationnement de l’hôpital. Néanmoins, les gens devront peut-être se rendre dans cet établissement pour leurs prélèvements sanguins si les cliniques ne peuvent plus les faire.
« L’enjeu est toujours le même : va-t-on pouvoir continuer à offrir les mêmes services aux patients ? Il y a des services qui sont clairement menacés parce que les cliniques ne pourront pas les offrir si on coupe le financement », soutient le Dr Godin.
Ce qui fait partie des frais accessoires n’est par ailleurs pas clair. Normalement, selon le nouveau règlement, les stérilets ne pourront plus être facturés aux patientes. Cependant, il semble qu’ils pourront quand même l’être. « On a appris que, selon l’interprétation du gouvernement, un stérilet serait une fourniture non assurée. Fait-il partie des fournitures non assurées ou est-il inclus dans les frais accessoires ? » Comment savoir quelles fournitures pourront être facturées et lesquelles ne pourront l’être, demande d’ailleurs la FMOQ dans sa lettre.
Seule exception dans le nouveau règlement sur les frais accessoires : le transport des échantillons biologiques. Les médecins pourront facturer 15 $ si le lot comporte un prélèvement sanguin et 5 $ sinon.
La Fédération a analysé l’étude qu’a faite le ministère pour établir ces tarifs. « Le prix unitaire ne tient pas compte du nombre de prélèvements envoyés dans une journée, indique le Dr Godin. Si les cliniques n’ont qu’un seul échantillon, elles vont perdre de l’argent. » La FMOQ demande donc une révision des tarifs du transport afin de prendre en considération ce facteur.
D’autres questions se posent. Par exemple, qui va fournir le matériel pour les prélèvements ? « Est-ce que c’est le médecin qui devra le payer ou est-ce que le centre intégré de services de santé et de services sociaux va le lui fournir ? Si les médecins doivent payer le matériel pour un service qui peut être donné par l’hôpital, ils vont demander aux patients de s’y rendre. Cela va faire beaucoup de monde à l’hôpital. »
Il n’est pas clair si les autres professionnels de la santé sont soumis aux mêmes règles que les médecins concernant les frais accessoires. « Selon les réponses que le ministère va nous donner, on peut se retrouver dans une situation où il y a deux poids deux mesures. » Le pharmacien, par exemple, pourra-t-il facturer les prélèvements sanguins s’il offre ce service ? Les cabinets privés d’infirmières seront-ils soumis aux mêmes contraintes ?
« Le règlement sur l’abolition des frais accessoires soulève de nombreuses questions parce que son application peut s’interpréter de différentes façons », dit le Dr Godin. La FMOQ demande donc au gouvernement de collaborer avec elle pour éclaircir les différents points. Elle voudrait s’entendre rapidement avec lui afin d’éviter les problèmes qui risquent de survenir. Elle désire entre autres négocier la composante technique de services comme les infiltrations, les vasectomies et certaines petites chirurgies pour que les patients puissent continuer à recevoir ces services.
« Les médecins vont tenter de maintenir l’accès aux services du mieux qu’ils le peuvent, indique le président de la Fédération. Mais il y aura des situations intenables. Le médecin ne peut pas offrir tous les services à perte. Les cliniques n’ont pas la marge de manœuvre pour cela. Le système public risque donc de devoir offrir certains services qui étaient donnés jusqu’à maintenant dans les cliniques. » //