un nouveau monde de possibilités
La médecine commence, à son tour, à tirer profit des techniques d’intelligence artificielle, dont l’apprentissage profond. Des chercheurs sont en train d’effectuer des percées dans des domaines comme l’oncologie, la psychiatrie, mais aussi la chirurgie plastique, l’orthopédie et la cardiologie.
L’intelligence artificielle. Des ordinateurs qui conseillent des médecins. Des logiciels qui proposent des traitements optimaux. Des algorithmes qui détectent la dépression ou décèlent des tumeurs. La médecine commence à peine à se glisser dans la nouvelle ère informatique. À pénétrer dans un domaine qui pourrait décupler ses moyens.
« L’intelligence artificielle consiste en des logiciels capables de reproduire les capacités caractéristiques des êtres humains », explique le Pr Christopher Pal, qui enseigne à Polytechnique Montréal. Les programmes les plus perfectionnés peuvent raisonner, comprendre le langage, reconnaître des objets ou des émotions sur un visage.
Ce type de logiciel, doté d’un système d’apprentissage profond, apprend de la même manière que nous (encadré). « C’est un peu comme un enfant à qui l’on présente des animaux et qui finit par les reconnaître, explique le Dr An Tang, radiologue et chercheur au Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). Il apprend un peu par lui-même. On lui dit : ça, c’est une plante, ça, c’est une voiture et ça, c’est un animal. Et après, on lui présente des animaux qu’il n’a jamais vus auparavant. Il peut intuitivement savoir que ce sont des animaux parce qu’il reconnaît quatre pattes, de la fourrure et une queue. »
Le spécialiste participe lui-même à l’entraînement d’un logiciel qui doit apprendre à détecter des lésions du foie. Devant un écran, le Dr Tang et ses collaborateurs ont délimité des anomalies apparaissant sur des images de tomodensitométrie. « On commence par montrer à l’algorithme à repérer les lésions, et plus tard on lui apprendra à déterminer si ce sont des métastases », indique le chercheur qui collabore avec le Pr Pal. Le Dr Tang a déjà fourni une centaine de cas de tomodensitométrie à l’ordinateur, dont certains comportaient des lésions métastatiques ou bénignes.
« On utilise les connaissances et le travail du radiologue pour permettre à la machine d’apprendre », explique le Pr Samuel Kadoury, qui enseigne à Polytechnique Montréal et a dirigé l’étude. À mesure qu’on l’approvisionne en données, le programme se corrige lui-même en changeant ses paramètres. « L’algorithme s’entraîne avec un jeu de données annotées par les radiologues qui lui sert de référence. On lui fournit un grand nombre d’éléments pour lui permettre de trouver les caractéristiques permettant de distinguer les lésions du tissu normal. Ensuite, on teste sa performance sur un nouveau jeu de données qu’il n’a jamais vues », explique l’ingénieur en informatique et chercheur du Centre de recherche du CHUM.
Le nouveau logiciel devra se montrer plus fiable que les techniques actuelles d’aide au diagnostic assisté par ordinateur, appelées CAD (computer-aided diagnosis). Utilisant une technologie plus ancienne d’intelligence artificielle, ces systèmes aident les radiologues à repérer des polypes colorectaux ou à détecter de possibles lésions cancéreuses au sein. « Le radiologue active le CAD après avoir interprété l’image. Le système va alors souligner une région qui pourrait être une tumeur », explique le Dr Tang, également professeur à l’Université de Montréal.
Encore imparfaits, les systèmes de diagnostic assisté par ordinateur peuvent détecter à tort des lésions ou, au contraire, en rater. Les radiologues ont dû en apprivoiser les limites. « Il y a une période de transition après l’arrivée de toute nouvelle technologie », estime le radiologue.
Les systèmes reposant sur l’apprentissage profond, eux, sont par contre reconnus pour leur performance exceptionnelle. Ils pourraient d’ailleurs ouvrir de nouveaux horizons. « Grâce aux nouvelles approches d’intelligence artificielle, on pourra éventuellement recueillir les données de nombreux radiologues dans le monde et introduire leur expérience dans un logiciel, estime le Pr Pal. Après la cueillette de nombreuses données pendant plusieurs années, on aura la capacité de reproduire, pour certaines tâches, la performance d’un radiologue à partir des connaissances d’un grand nombre de spécialistes. C’est impossible pour une seule personne d’atteindre ce niveau d’expérience. On est au début d’un nouveau genre de recherche. »
Un algorithme peut faire plus qu’apprendre une tâche au résultat prédéfini, comme la reconnaissance des lésions. Il peut aller au-delà de ce genre d’exercice qu’on appelle l’apprentissage supervisé. Il est aussi capable de résoudre des problèmes dont on ignore la réponse. On entre alors dans le domaine de l’apprentissage non supervisé.
Le Pr Kadoury travaille entre autres avec ce type de méthodes. « Nous avons utilisé des techniques d’apprentissage non supervisé pour identifier les différentes classes de scolioses », explique le chercheur, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en interventions assistées et en imagerie médicale. En collaboration avec d’autres experts, il a proposé une nouvelle classification de ces déformations de la colonne vertébrale. Le classement repose non plus sur deux dimensions, mais sur trois. Un exercice d’une grande complexité.
Actuellement, le traitement de nombreux adolescents scoliotiques ne tient compte que de deux dimensions. « La troisième dimension peut avoir un effet sur la manière dont la colonne réagit à un traitement chirurgical, précise le Dr Stefan Parent, chirurgien orthopédiste au CHU Sainte-Justine, qui fait partie de l’équipe de recherche. La plupart du temps, quand on opère la colonne vertébrale, celle-ci se redresse, et on peut prédire la déformation résiduelle. Toutefois, dans un certain pourcentage des cas, le patient ne se redresse pas complètement. » L’explication est dans la troisième dimension. Il fallait donc trouver une façon de mieux classifier les scolioses pour mieux les traiter.
Pour recourir aux techniques d’apprentissage profond, il faut beaucoup de données. L’équipe du Dr Parent a pu fournir au logiciel 915 images en trois dimensions. Son groupe de recherche, en collaboration avec d’autres équipes dans le monde, a créé une banque de radiographies d’adolescents devant être opérés pour une scoliose.
« Nous avons laissé l’algorithme découvrir automatiquement quelles étaient les caractéristiques prédominantes de différents types de scolioses. Cela nous a permis de voir que des groupes se formaient au sein de la base de données », explique le Pr Kadoury. L’ordinateur a proposé deux catégories : l’une caractérisée par d’importantes déviations lombaires et l’autre par de grandes déformations thoraciques. Et au sein de ces deux regroupements, le logiciel a créé onze sous-groupes.
Le Dr Parent a soumis la classification à un groupe d’experts internationaux. Elle ressemblait beaucoup à celle que les chirurgiens orthopédistes utilisaient déjà. Néanmoins, elle a suscité l’intérêt du comité. « Quand on montrait aux experts les distinctions entre les groupes, ils disaient : “C’est vrai, on voit souvent ce type de déformations, et elles sont différentes d’un groupe à l’autre groupe. Actuellement, on les met toutes dans la même catégorie et on les traite de la même façon, mais on ne le devrait pas”. », explique le spécialiste, titulaire de la Chaire académique sur les déformations de la colonne vertébrale du CHU Sainte-Justine.
Ces résultats pourraient être incorporés dans de nouvelles recommandations officielles concernant le traitement de la scoliose. « J’ai l’impression que cela va nous aider à diminuer le nombre de résultats sous-optimaux », affirme le Dr Parent.
Pour l’instant, rien n’est apparent dans les hôpitaux et les cliniques. Presque toutes les utilisations de l’apprentissage automatique – ou apprentissage machine – en médecine sont encore au stade de la recherche. Mais de grandes avancées se préparent en coulisse. Même une spécialité comme la psychiatrie pourrait en bénéficier. Tout le domaine de la reconnaissance des émotions pourrait s’ouvrir à elle.
« Dans mon groupe de recherche, nous utilisons des méthodes d’apprentissage profond pour classifier les émotions d’une personne en fonction de ses expressions faciales, explique le Pr Pal. Certains de nos travaux récents permettent de suivre avec une très grande précision des points clés sur le visage (photo). On peut ainsi caractériser les expressions faciales et mesurer automatiquement la position et les mouvements de la tête dans une vidéo. »
Cette technique pourrait entre autres servir dans l’évaluation de la dépression. « Les méthodes actuelles reposent presque totalement sur l’entrevue clinique ou sur des mesures d’auto-évaluation, indique le chercheur. Cependant, des études ont montré que l’analyse automatisée de bandes vidéo et audio d’entrevues cliniques pouvait permettre la détection automatique de la dépression à partir d’indicateurs comportementaux. »
Dans une recherche récente, des chercheurs néerlandais et américains ont ainsi comparé les résultats d’entrevues faites par des intervieweurs à ceux d’une évaluation automatisée chez 48 sujets traités pour une dépression. L’algorithme, qui mesurait les expressions faciales, les mouvements de la tête et l’intonation de la voix, a pu reconnaître les personnes en rémission et les gens encore dépressifs dans 89 % des cas.
Dans le domaine de l’autisme, ce type d’outil pourrait aussi être intéressant. Les enfants atteints de ce trouble portent moins attention aux visages et en particulier à la région des yeux. En Chine, une équipe a demandé à 29 petits autistes et à 58 enfants au développement normal de reconnaître des figures. Les chercheurs ont utilisé un algorithme recourant à l’apprentissage automatique pour analyser leurs mouvements oculaires. Le logiciel a réussi à repérer les enfants autistes avec une précision de 89 %.
L’oncologie est l’un des rares domaines à déjà profiter d’applications poussées issues de l’intelligence artificielle. IBM, par exemple, a créé le système « Watson for Oncology » qui a été entraîné par des oncologues du réputé Memorial Sloan Kettering Cancer Center, aux États-Unis.
Comment le logiciel fonctionne-t-il ? L’oncologue ouvre son ordinateur branché à Watson. Sa prochaine patiente est, par exemple, une femme de 62 ans atteinte d’un cancer de stade II B. Le logiciel commence par repérer toutes les parties pertinentes dans son dossier médical : antécédents familiaux, notes des consultations et résultats de tests. « Watson va non seulement analyser cette information, mais aussi la résumer et surligner les aspects du dossier et des notes qui pourraient être importants », indique la vidéo de démonstration d’IBM. Le système arrive à comprendre le langage, à extraire des informations non structurées dans des textes, à saisir le contexte et à faire des déductions. On est dans l’informatique cognitive.
Dès que l’oncologue interroge Watson sur le cas de sa patiente, le programme traite toutes les informations en quelques secondes et propose une liste de plans de traitements basés entre autres sur l’expertise des oncologues du Memorial Sloan Kettering. L’ordinateur a aussi à sa disposition plus de 300 journaux médicaux, au moins 200 manuels et presque 15 millions de pages de textes. Il est capable d’en extraire toutes les données pertinentes. L’ordinateur indique en outre au spécialiste les contre-indications et les effets indésirables des traitements ainsi que les références nécessaires.
Tout comme les êtres humains, Watson gagne en expertise avec l’expérience. Au fur et à mesure qu’il continue à être entraîné et reçoit une rétroaction de ses utilisateurs, il devient plus performant. En dehors du Memorial Sloan Kettering, plusieurs centres hospitaliers l’ont d’ailleurs adopté. En août dernier, IBM annonçait que vingt-et-un hôpitaux chinois allaient également l’employer.
« Watson peut être un très bon outil d’accompagnement, surtout pour les oncologues qui ont une pratique générale, estime le Dr Jean-Paul Bahary, radio-oncologue au CHUM et chercheur au Centre de recherche du CHUM et à l’Institut du cancer de Montréal. Si je changeais de pratique, que j’allais dans un centre moins spécialisé où je devais traiter toutes sortes de cancers, ce serait probablement un outil intéressant, parce qu’il me permettrait d’avoir des recommandations de façon assez simple sans avoir à suivre toute la littérature dans plusieurs domaines. »
Toutefois, exerçant dans un grand centre hospitalier universitaire, le Dr Bahary, spécialisé dans le traitement des tumeurs cérébrales, a mieux que Watson : il participe à des études et a trois collègues surspécialisés comme lui. Chaque semaine, ils revoient leurs cas ensemble. « On se dit : “Ce que tu as fait est bien” ou “Non, cela pourrait être mieux.” » En plus, le Dr Bahary a des réunions hebdomadaires où il a des discussions de cas avec les autres spécialistes qui traitent des tumeurs cérébrales, comme les neurochirurgiens et les oncologues médicaux.
Mais devant l’augmentation exponentielle des données et des résultats d’étude, un outil comme Watson n’est-il pas indispensable ? Chaque année, 1,8 million de nouveaux articles scientifiques sont publiés. Le problème n’est en fait pas si monstrueux. « Je vous mets au défi de trouver dix papiers cette année qui ont révolutionné les traitements en oncologie et augmenté la survie », répond le Dr Bahary.
Par ailleurs, pour être au courant des dernières recherches et des nouvelles recommandations, il existe déjà des sites comme celui du National Comprehensive Cancer network (NCCN), un organisme constitué de vingt-sept centres d’oncologie aux États-Unis. « Nous nous fions beaucoup au NCCN quand nous prenons nos décisions cliniques. Il fait des recommandations concernant non seulement les traitements, mais aussi l’évaluation et le suivi des patients. Ces lignes directrices, élaborées par des experts ultraspécialisés, tiennent compte des dernières recherches et sont continuellement mises à jour », affirme le radio-oncologue, également professeur à l’Université de Montréal.
Les logiciels d’apprentissage machine pourraient également s’inviter dans les salles d’opération. Coiffé d’un visiocasque, le chirurgien pourrait éventuellement voir à l’avance le résultat de son intervention. Pendant une reconstruction mammaire, par exemple, le système lui montrerait en trois dimensions l’apparence qu’aura le sein selon l’endroit où il place l’implant.
Un logiciel pourrait également conseiller le plasticien au cours d’une rhinoplastie. « Il pourra nous indiquer qu’en poussant le nez de 3 mm, le résultat esthétique sera meilleur », explique le Dr Mirko Gilardino, directeur de l’unité de chirurgie cervicofaciale et des fentes faciales de l’Hôpital de Montréal pour enfants.
Certains pourraient s’offusquer de l’intrusion d’un ordinateur dans un domaine proche de l’art. « Il faut voir grand et se demander : comment est-ce que cette technologie pourrait me rendre meilleur ? », réplique le chirurgien plasticien.
Avec plusieurs de ses collaborateurs, le Dr Gilardino vient de publier un article dans Plastic and Reconstructive Surgery pour informer ses confrères des possibilités impressionnantes des algorithmes d’apprentissage automatique. « Même si ces outils potentiels ne remplaceraient probablement pas un œil entraîné, ils aideraient le chirurgien plasticien en lui donnant un plus grand degré d’objectivité à la chirurgie esthétique », écrivent-ils.
Déjà, le Dr Gilardino utilise un logiciel pour certaines opérations de reconstruction chez des enfants présentant une déformation crânienne. « L’ordinateur est capable de chercher dans sa banque de données un nombre énorme de patients similaires ayant été opérés et de proposer la forme idéale à laquelle parvenir dans la salle d’opération. »
L’objectivité peut être une précieuse alliée dans bien d’autres aspects de la chirurgie plastique. Il est difficile, par exemple, de juger avec exactitude de la surface et de la profondeur d’une grande brûlure. « Trois médecins qui examinent la plaie à trois moments différents peuvent avoir une opinion différente, explique le Dr Gilardino. Moi, j’ai vu plus d’une centaine de brûlures, mais un ordinateur peut traiter instantanément les données de centaines de milliers de cas. Théoriquement, il serait donc capable de fournir des réponses plus objectives et plus constantes à des questions auxquelles nous avons de la difficulté à répondre. »
Un logiciel, par exemple, pourrait indiquer dans combien de temps la plaie guérira. Des chercheurs ont déjà créé un algorithme qui pouvait déterminer si le temps de guérison d’une brûlure serait inférieur à 14 jours ou non. Le système, qui reposait sur l’apprentissage machine, avait une précision de 86 %.
Il existe déjà, par ailleurs, des systèmes pour évaluer si la circulation sanguine s’est bien rétablie après une transplantation de tissus. « Maintenant, nous avons des algorithmes de plus en plus complexes, capables de prendre en considération cinquante variables à la fois en tenant compte des résultats d’un million de cas pour déterminer s’il est nécessaire de retourner à la salle d’opération », indique le plasticien.
Actuellement, pour connaître le risque d’un patient d’avoir une complication cardiovasculaire, le médecin calcule son score de Framingham à partir de plusieurs paramètres, comme l’âge, le sexe, le taux de cholestérol, etc. Un ordinateur pourrait-il faire mieux en utilisant beaucoup plus de données ?
C’est ce que des chercheurs des quatre coins du monde, dont le Dr Filippo Cademartiri, radiologue cardiovasculaire à l’Institut de Cardiologie de Montréal (ICM), ont tenté de savoir en recourant à l’apprentissage automatique. Ils ont fourni à l’ordinateur vingt-cinq paramètres cliniques de 10 030 patients susceptibles d’avoir une maladie coronarienne : âge, sexe, taux de cholestérol, etc. Ils ont également ajouté quarante-quatre variables issues de l’examen des coronaires par tomodensitométrie : présence de plaques, de calcifications, etc. Les sujets avaient été suivis pendant une période de cinq ans pendant laquelle 745 étaient morts.
« Nous avons donné à l’ordinateur toutes ces données pour qu’il puisse créer un modèle et apprendre la meilleure façon de les utiliser pour pouvoir prédire les complications », explique le Dr Cademartiri, également professeur à l’Université de Montréal.
Résultat ? L’algorithme a réussi à battre le score de Framingham et d’autres mesures pour évaluer le risque de décès des patients. Mais il y a plus. « Quand l’ordinateur a créé le modèle, nous avons pu regarder ce qu’il faisait. Nous avons eu des informations sur la manière dont les paramètres interagissent entre eux. Cela peut ouvrir la porte à une nouvelle manière de comprendre la maladie coronarienne. »
Au premier rang des facteurs influençant le risque de décès des sujets venait l’âge, a indiqué l’algorithme qui a classé les 69 variables par ordre d’importance. Tout de suite après arrivaient différents indicateurs de l’état des artères coronaires.
Une multitude d’autres facteurs entrent toutefois en jeu. « Certains sont génétiques et d’autres environnementaux comme l’endroit où nous vivons, ce que nous mangeons, l’air que nous respirons, etc. On ne connaît pas encore les interactions entre tous ces éléments. On est incapable pour l’instant de dire que tel patient aura un infarctus du myocarde autour de 60 ans. On a donc besoin de créer des modèles complexes qui tiennent compte de beaucoup de paramètres. Et les techniques d’apprentissage automatique peuvent nous aider », mentionne le directeur du Laboratoire central de tomodensitométrie de l’ICM.
L’apprentissage automatique va ainsi ouvrir la porte à une médecine de plus en plus personnalisée. Une médecine qui permettra d’évaluer le risque particulier de chaque patient et de lui offrir des mesures préventives individualisées.
La médecine doit-elle absolument être pratiquée par un être humain ? Des médecins eux-mêmes commencent à se poser la question. « À long terme, l’intelligence artificielle devrait systématiquement surpasser les médecins dans la plupart des tâches cognitives », écrivent deux jeunes médecins, les Drs William Diprose et Nicolas Buist, dans le New Zealand Medical Journal.
Ces praticiens de 25 ans entrevoient un avenir dans lequel un clinicien humain servirait surtout à combler les lacunes de l’ordinateur. Il accomplirait les tâches dont la machine est incapable : discussion avec les patients ou réalisation de certaines interventions. Et ce « clinicien n’a pas nécessairement besoin d’être un médecin », précisent les deux Néo-Zélandais.
À leurs yeux, les spécialités les plus menacées sont celles qui sont liées à l’imagerie. Cependant, tous ne partagent pas leurs craintes. Le Dr Tang, par exemple, s’inquiète peu pour sa carrière de radiologue. « Je ne suis pas présomptueux au point de penser que je suis irremplaçable. La question, toutefois, est de savoir dans quel horizon ce changement va survenir et quel va être le degré de fiabilité du logiciel. »
Il est néanmoins possible que le rôle du médecin ait éventuellement à se transformer. « Le travail du radiologue sera peut-être un jour de se concentrer sur la communication avec les patients, de revenir au rôle de médecin clinicien plutôt que d’interprète d’images et de faire des gestes comme les ponctions diagnostiques ou des traitements locaux de tumeurs », indique le Dr Tang. //