Des changements en perspective pour les membres
Ingénieure et omnipraticienne, la nouvelle présidente de l’Association des médecins omnipraticiens œuvrant en établissement où sont dispensés des soins psychiatriques (AMOEP), la Dre Marie-Claude Desmarais, pratique à la fois à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal et à l’urgence de l’Hôpital Santa-Cabrini.
M.Q. – Quel est le premier dossier qui retient votre attention en tant que présidente de l’AMOEP ? |
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M.C.D. – C’est celui de la rémunération mixte pour les soins physiques dans les établissements de soins psychiatriques : nous avons encouragé nos membres à répondre au récent sondage de la FMOQ. Les données permettront la création d’un modèle de rémunération mixte adapté à notre pratique. Une fois que ce nouveau mode sera défini et disponible, nous fournirons à nos membres les informations nécessaires sur son fonctionnement et les aiderons à évaluer les revenus qu’il pourrait leur procurer. Nous espérons que ce mode apportera les augmentations attendues depuis 2011, qui avaient été ciblées par la Fédération. |
M.Q. — Est-ce que le passage à la rémunération mixte risque d’être difficile pour vos membres ? |
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M.C.D. – Oui, beaucoup de nos membres sont payés exclusivement à taux horaire ou à honoraires fixes depuis longtemps et n’ont pas le réflexe de noter les actes qu’ils effectuent. Je me doute que pour cette raison, certains de mes collègues refuseront d’adopter le nouveau mode de rémunération, même s’il est avantageux. |
M.Q. — Un certain nombre pourraient quand même être intéressés par la rémunération mixte. |
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M.C.D. – Plusieurs attendent de voir les tarifs des actes et la complexité du nouveau mode. Plus ce sera simple, plus ils y trouveront des avantages. Quelques-uns connaissent bien la rémunération à l’acte, mais ce n’est pas le cas de la majorité des membres de l’AMOEP. Le changement devra donc être facilité. Et c’est précisément le devoir de l’Association d’informer et de soutenir ses membres dans le choix de leur mode de rémunération. |
M.Q. — Vos membres rémunérés à honoraires fixes ont déjà accès à une forme de rétribution mixte, qui est le régime B. |
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M.C.D. – Oui, il s’agit d’une option proposée en 2013. Cependant, nous ne disposons d’aucune information concernant les médecins qui y avaient accès, ceux qui ont effectué le changement, ceux qui ont choisi la continuité et les raisons qui ont motivé le choix de chacun. Nous avons interrogé nos membres à ce sujet lors de notre dernière communication. Nous attendons leurs réponses. Il sera intéressant de comprendre ce qui s’est passé en 2013 afin de mieux accompagner les médecins dans le dossier de la rémunération mixte pour les soins physiques. |
M.Q. — Quelle sera ensuite votre priorité ? |
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M.C.D. – Ce sera de participer à restaurer l’image de la médecine familiale. Il est certain qu’en raison de notre profil de pratique, nous ne sommes pas l’association la mieux placée pour augmenter les taux d’inscription et d’assiduité. Mais je pense que c’est vraiment le dossier le plus important pour tous les médecins de famille du Québec. L’AMOEP désire participer à l’effort collectif, même si la majorité de ses membres ont une pleine charge de travail exclusivement en établissement. |
M.Q. — Que pouvez-vous faire ? |
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M.C.D. – Nos patients sont des cas lourds et constituent un petit pourcentage de la population. Néanmoins, il faut savoir qu’il y a déjà du travail de première ligne qui se fait dans les établissements où nous pratiquons. Si ce travail était reconnu, par l’inscription de la clientèle par exemple, ce serait une façon d’apporter notre contribution. Beaucoup ignorent que les établissements comme l’Institut universitaire en santé mentale de Québec et l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal offrent des soins physiques ambulatoires à une partie de leur clientèle. |
M.Q. — Vous aimeriez que les patients qui bénéficient de ces services puissent être inscrits ? |
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M.C.D. – Oui, tout à fait. De plus, la clientèle hospitalisée à long terme pourrait également être inscrite. Par exemple, il y a des patients ayant une déficience intellectuelle pour lesquels la vie en collectivité s’est avérée un échec. Ils sont institutionnalisés, parce qu’il n’y a pas d’autre cadre de vie qui leur convient. Ils sont pris en charge par les médecins de nos établissements : ce ne sont donc pas des patients orphelins. |
M.Q. — Vos membres pourraient alors bénéficier des forfaits liés à l’inscription ? |
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M.C.D. – Je ne crois pas que les sommes liées à ces inscriptions potentielles soient un enjeu important. Le but est de donner au ministre de la Santé un portrait juste des clientèles qui sont prises en charge, parce que toute la médecine familiale au Québec est évaluée sur cet aspect actuellement. |
M.Q. — Y a-t-il des problèmes particuliers qui vous préoccupent concernant vos membres ? |
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M.C.D. – Oui, nous souhaiterions un petit ajustement en ce qui concerne la garde sur place pour les médecins rémunérés à l’acte. Lors de ces gardes, ces derniers ne sont souvent pas payés entre la fin des activités cliniques de l’après-midi, rétribuées à l’acte jusqu’à 16 h, et le début de la garde, payée au taux horaire à partir de 18 h. Pendant ces deux heures, il y a souvent peu de patients à voir. Ils font donc ainsi fréquemment du bénévolat. Néanmoins, ils doivent être présents : dans les établissements psychiatriques, il faut qu’un omnipraticien soit sur place 24 heures sur 24 et sept jours sur sept pour répondre aux urgences médicales. |
M.Q. — Et que souhaitez-vous ? |
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M.C.D. – Une des solutions proposées serait que la garde sur place soit rémunérée à taux horaire pendant 24 heures, soit du début de la garde, à 8 heures le matin, jusqu’à la fin, à 8 heures le lendemain. Le problème de la période de bénévolat qui se pose avec la rémunération à l’acte va par ailleurs également se poser partiellement avec la rémunération mixte : le médecin sera rémunéré à un demi-taux horaire pour cette même période plus calme. Cette solution éviterait toute forme d’iniquité entre nos membres liée au mode de rémunération choisi et simplifierait la facturation. |
M.Q. — Quelles ont été les répercussions de l’adoption du projet de loi no 10 sur vos membres et sur leur pratique ? |
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M.C.D. – La pratique en établissement n’a pas changé pour l’instant, malgré la création des nouveaux centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS). La restructuration n’a touché jusqu’à présent que la haute direction, les gestionnaires et les organigrammes. Je ne peux pas prédire les répercussions qu’aura la fusion prochaine des départements cliniques de médecine générale des hôpitaux et des centres de santé et de services sociaux. |
M.Q. — Craignez-vous que les omnipraticiens qui pratiquent dans des établissements psychiatriques soient dilués dans l’ensemble des généralistes du CIUSSS ? |
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M.C.D. – Cette inquiétude est perceptible sur le terrain. Par exemple, dans le département où je pratique, nous sommes dix omnipraticiens. Après la fusion, nous serons dix au sein des 300 médecins de famille de notre nouveau CIUSSS. Notre influence sera diluée. Cela nous préoccupe, parce que nous désirons pouvoir continuer de défendre les besoins de notre clientèle particulièrement vulnérable. |
M.Q. — Appréhendez-vous la réduction du nombre d’omnipraticiens en établissement qu’a annoncée le ministre Gaétan Barrette ? |
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M.C.D. – Ce sera à surveiller. Nous sommes un petit nombre de médecins, et la tâche s’alourdit. De plus, nous sommes déjà tout près du nombre minimal d’effectifs pour effectuer la garde sur place : plusieurs établissements font appel à des médecins dépanneurs sur une base récurrente pour couvrir l’année entière. |
M.Q. — Y a-t-il un autre sujet que vous vouliez aborder ? |
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M.C.D. – Je souhaite souligner que le Dr René Pineau, à qui j’ai succédé, a été un modèle. Il a toujours été posé, réfléchi et rassembleur. Il avait le mot juste pour être bien compris et savait obtenir un consensus. Il a réussi à faire reconnaître la particularité de notre travail et de notre clientèle. |