À la suite d’un premier article au cours duquel nous avons tenté de démystifier la finance comportementale qui permet de comprendre que des investisseurs se comportent souvent d’une manière irrationnelle et contraire à leurs intérêts, nous abordons aujourd’hui quelques trucs pour ne pas laisser les émotions biaiser des décisions d’investissement.
Il est relativement facile de contrer des biais comportementaux comme ceux qui sont relatifs à la réalisation de pertes ou à la vente trop rapide de titres (biais de disposition). Une information pertinente et adéquate, de même qu’une sensibilisation efficace à la nécessité de bien prendre en compte tous les aspects d’une décision, parvient généralement à convaincre les investisseurs de faire des choix rationnels.
Il en va tout autrement dans le cas des biais comportementaux fondés sur le plaisir immédiat ou sur le regret. En dépit d’une conscience bien réelle du « mal-fondé » de telles décisions, l’exaltation qu’elles procurent parle habituellement plus fort que la raison.
Les périodes de volatilité des marchés permettent de constater l’écart considérable qui sépare les paroles et les gestes des investisseurs, plus particulièrement leur évaluation déficiente de leur tolérance aux pertes qu’ils sont disposés à assumer advenant une dépréciation de la valeur de leur portefeuille.
Heureusement, il existe plusieurs moyens de contrer les travers émotifs qui se manifestent souvent par un optimisme démesuré lorsque les marchés se portent bien et un pessimisme excessif lorsque le contexte économique est défavorable ou morose.
Premièrement, il est primordial d’abandonner la croyance selon laquelle les erreurs d’investissement ne concernent que les autres. Il faut impérativement reconnaître que les émotions peuvent nuire au jugement et infléchir des décisions hasardeuses et dommageables.
Les gens victimes du biais de confirmation ont la conviction qu’elles ont un bon jugement et leur attention sélective les porte à ne retenir que les éléments d’information qui confirment leurs opinions.
Deuxièmement, il faut bien comprendre en quoi consiste sa propre tolérance au risque qui, contrairement à une autre croyance très répandue, n’est pas synonyme de confiance ni de contrôle. À défaut, on prend inévitablement des décisions d’investissement dénuées de bon sens et opposées à celles qui devraient être prises.
Reconnaître la possibilité d’une perte est une chose ; la subir en est une autre beaucoup plus difficile, voire pénible. À cette fin, il ne faut jamais considérer le risque comme un facteur à prendre ou à laisser, mais viser le juste milieu dans la constitution d’un portefeuille équilibré en ce qui a trait au risque et à la perspective de rendement.
Troisièmement, il faut savoir qu’en matière de placement, ce sont les performances récentes des marchés qui pèsent le plus sur la confiance. S’ils sont haussiers, beaucoup de gens surestiment leur tolérance au risque ; s’ils sont baissiers, les mêmes personnes voient leur aplomb sérieusement ébranlé et adoptent alors un comportement moutonnier qui les incite à agir de manière précipitée et incorrecte aux moments les plus inappropriés. Comment ? En vendant lors d’une chute des cours, en achetant en cas de bulle financière.
Pour combattre efficacement l’excès de confiance, il faut impérativement éviter de se laisser griser par la possibilité de rendements élevés à court terme. Faire preuve de réalisme, de recul et de retenue évite de succomber à l’enthousiasme, de se concentrer uniquement sur les hausses historiques des taux de rendement et, surtout, de croire qu’il est possible de prévoir les sommets ou les creux à venir dans un marché.
Dans cette optique, remettre régulièrement en question la valeur et la pertinence de ses critères, opter pour le scénario le plus pessimiste et inverser son objectif en réfléchissant sur l’ampleur de la perte que l’on est disposé à encaisser plutôt qu’en se concentrant sur le gain potentiel est une ligne de conduite empreinte de sagesse. Tout comme le fait d’évaluer les risques et les valeurs de façon globale, en fonction de l’ensemble du portefeuille, et non uniquement des titres.
Quatrièmement, des études ont montré l’à-propos de ne pas être à la remorque des dernières nouvelles financières (biais de récence) ni à l’affût des « meilleurs coups » qui s’avèrent anxiogènes. Cette façon d’agir renforce le biais de primeur qui accorde un poids disproportionné aux premiers éléments d’information.
Quant à la consultation quotidienne des cotes boursières, elle ne s’avère d’aucune utilité pour décider d’un placement, à plus forte raison si ce sont celles de titres d’entreprises qui sont à la mode.
Cinquièmement, faire appel à des professionnels dûment formés et accrédités demeure indéniablement le moyen le plus sûr de faire des choix plus rationnels qu’émotifs. Même si ces hommes et ces femmes sont aussi humains, leur expertise, leur expérience et leur détachement réduisent au minimum leurs risques d’exposition à des biais comportementaux.
En conclusion, évoluer dans le monde du placement commande d’aller à contre-courant de la voie que suggère spontanément notre cerveau, soit celle du chemin le plus court. Les raccourcis sont à éviter parce qu’ils font prendre des décisions sur la base d’informations incomplètes auxquelles la matière grise accorde une importance démesurée pour ne pas avoir à en traiter une multitude. Dans un tel environnement, se fier à son cerveau est essentiel, s’en méfier l’est tout autant.
Bref, garder la tête froide et faire preuve de discipline permet de se débarrasser des biais émotifs et, par le fait même, de ne pas répéter systématiquement les mêmes erreurs.
S’il est tout à fait normal que des occasions de placement suscitent de l’excitation, elles ne doivent surtout pas être une source de distraction qui empêche de garder le cap sur les objectifs de placement à long terme. //
Note de la rédaction. Ce texte a été écrit, révisé et mis en pages par Conseil et Investissement Fonds FMOQ inc. et ses mandataires. Il n’engage que ses auteurs.