Droit au but

Du nouveau sur les ordonnances collectives

Christiane Larouche  |  2016-05-26

Le Collège des médecins a récemment modifié le Règlement sur les normes relatives aux ordonnances faites par les médecins. De nombreux changements ont été apportés au contenu obligatoire des ordonnances individuelles et collectives. Le règlement différencie désormais clairement les normes applicables à chacune. Nous traiterons dans cet article des changements apportés à la rédaction des ordonnances collectives. Nous en profiterons pour faire le point sur les ordonnances collectives provinciales créées par l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux.

Me Christiane Larouche, avocate, travaille au Service juridique de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

L’ordonnance collective : un outil de collaboration

Rappelons d’emblée que l’ordonnance collective permet à d’autres professionnels d’exercer des activités sans devoir au préalable obtenir une ordonnance individuelle. Elle doit donc viser des situations qui n’exigent pas d’évaluation par un médecin avant l’exécution de l’ordonnance collective. Toutefois, la plupart du temps, le professionnel qui a recours à l’ordonnance collective devra effectuer une évaluation préa­lable s’il y est habilité.

Les ordonnances collectives et les protocoles de suivi conjoint font partie d’une stratégie incontournable pour favoriser la collaboration interprofessionnelle. Ces outils peuvent ainsi contribuer à améliorer l’accessibilité aux services médicaux et sociaux et à assurer une meilleure utilisation des compétences des professionnels.

Cependant, force est de constater la persistance d’une disparité quant à l’adoption des ordonnances collectives entre les diverses régions du Québec, les établissements et les groupes de médecine de famille (GMF). Au fil des dernières années, divers problèmes liés aux ordonnances collectives ont été notés :

h ignorance des ordonnances collectives provinciales et des protocoles de l’INESSS ;

h adoption d’ordonnances collectives ne respectant pas les normes réglementaires applicables ;

h difficultés à repérer les ordonnances collectives vrai­ment nécessaires et utiles selon le milieu d’exercice et la clientèle ;

h adoption d’ordonnances collectives visant des situations cliniques inappropriées, notamment lorsqu’une évaluation par un médecin aurait dû avoir lieu avant l’exécution de l’ordonnance ;

h lourdeurs associées au processus d’élaboration et d’adoption des ordonnances collectives décourageant plusieurs médecins d’en créer ;

h réticences ou lenteurs de certains milieux ou de certains intervenants à les adopter ou à les autoriser ;

h confusion concernant les ordonnances adoptées hors établissement, notamment quant à la nécessité ou non de les faire adopter par le CMDP de l’établissement de la région concernée ;

h confusion quant à la signature des ordonnances collectives par les médecins prescripteurs, particulièrement hors établissement ;

h absence de communication et de modalités de suivi des patients visés par l’exécution d’une ordonnance collective entre les divers intervenants et les médecins traitants ;

h absence de mise à jour systématique des ordonnances.

C’est donc dans ce contexte que le nouveau Règlement sur les normes relatives aux ordonnances faites par les médecins a été adopté. Il contribuera indéniablement à une meilleure qualité, à une meilleure cohésion et une meilleure application des ordonnances collectives au Québec. À cette fin, il clarifie certains éléments existants et ajoute diverses normes additionnelles.

Nouveau règlement sur les normes relatives aux ordonnances

Le nouveau Règlement sur les normes relatives aux or­donnances faites par les médecins est entré en vigueur le 22 oc­to­bre 2015. La nature et le nombre des modifications apportées à la version antérieure du règlement nécessitent son remplacement complet. La structure du règlement permet désormais de bien distinguer les normes applicables à l’ordonnance individuelle et celles qui s’appliquent à l’ordon­nance collective, ce qui ajoute beaucoup de clarté au règlement.

L’ordonnance collective doit toujours être écrite. Et dorénavant, elle doit contenir les éléments suivants (le texte en gras représente les éléments de nouveautés) :

h la date d’entrée en vigueur ;

h le nom de l’ordonnance collective et son objet ;

h les professionnels ou les personnes habilitées à exécuter l’ordonnance et les exigences professionnelles requises, le cas échéant ;

h les circonstances visées (groupe de personnes ou situation clinique visés) ;

h l’activité professionnelle visée ;

h les indications justifiant l’utilisation de l’ordonnance ;

h l’intention ou la cible thérapeutique, lorsque l’activité consiste à ajuster un médicament, une substance ou un traitement ;

h le protocole médical ou le nom du protocole médical externe ;

h les contre-indications, le cas échéant ;

h les limites ou les situations pour lesquelles le patient doit être dirigé vers un médecin ;

h le nom du médecin répondant ou un mécanisme permettant de trouver ou de nommer un répondant au moment où l’ordonnance est individualisée, de même que les responsabilités du médecin répondant ;

h les outils de référence, le cas échéant ;

h les sources ;

h la dernière date de révision de l’ordonnance ;

h le nom, imprimé ou en lettres moulées, le numéro de téléphone et le numéro de permis d’exercice de tous les médecins prescripteurs ;

h le mode de communication et les renseignements qui doivent être transmis pour assurer le suivi médical par le médecin traitant ;

h la signature des médecins prescripteurs et du médecin répondant si ce dernier n’est pas un prescripteur ou, en établissement, du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens.

Parmi ces nouvelles mentions obligatoires, on note que les médecins prescripteurs devront désormais faire état des exigences professionnelles requises pour qu’une personne puisse exécuter une ordonnance collective. Il pourrait s’agir des conditions ou modalités associées à l’exercice de certaines activités professionnelles telles que les attestations de formation, une formation spécifique déterminée par règlement, un plan de traitement infirmier ou des conditions d’application prévues dans une loi. Il pourrait également s’agir des formations données par un médecin ou un autre professionnel compétent dans le domaine visé et qui sont nécessaires pour l’application d’une ordonnance collective.

Le nouveau règlement impose maintenant aux médecins d’indiquer la cible thérapeutique dans le cadre d’une ordonnance collective visant l’ajustement d’un médicament, d’une substance ou d’un traitement, ce qui n’était pas le cas auparavant.

Autre nouveauté, l’ordonnance collective qui porte sur un problème clinique déjà visé par un protocole médical devra désormais obligatoirement faire référence à ce dernier, que l’ordonnance ait été adoptée en établissement ou hors établissement. La définition du protocole contenue dans le règlement a ainsi été élargie pour inclure non seulement les références aux protocoles adoptés en établissement, mais également ceux que l’INESSS a publiés. Lorsque l’ordonnance collective porte sur une situation clinique non visée par un protocole médical adopté en établissement ou publié par l’INESSS, elle peut alors mettre en place des méthodes, limites ou les normes applicables. Elle doit alors être complète en soi.

Pour clarifier le rôle de chacun des intervenants, le nouveau règlement exige maintenant de préciser les limites de l’ordonnance collective et les modes de rétroaction au médecin traitant, ce qui est une excellente chose. Les médecins prescripteurs devront donc déterminer quand et comment ils souhaitent être informés de l’exécution d’une ordonnance collective pour un de leurs patients afin d’assurer un suivi cohérent. Ils devront de plus préciser dans quelles circonstances les patients visés par une ordonnance collective devront être dirigés vers leur médecin traitant ou vers un autre médecin en cas d’urgence pour subir une évaluation médicale. Un peu comme pour les nouvelles activités réservées aux infirmières et aux pharmaciens, il y a donc lieu de formaliser les mécanismes de communication pour assurer la sécurité et la continuité du suivi des soins aux patients.

Le nouveau règlement précise que l’ordonnance collective, qu’elle soit en établissement ou hors établissement, doit indiquer le nom, le numéro de téléphone et le numéro de permis d’exercice de tous les médecins prescripteurs. En établissement, elle peut être signée par le CMDP. Hors établissement, elle doit l’être par chaque médecin prescripteur et par le médecin répondant. Un DRMG ne pourrait, par exemple, signer une ordonnance en lieu et place des médecins prescripteurs eux-mêmes hors établissement.

Le nouveau règlement impose désormais la révision de l’ordonnance collective dans un délai maximal de 36 mois alors que rien n’était précisé à cet égard dans le règlement antérieur. Or, on sait que plusieurs milieux négligeaient de revoir systématiquement les ordonnances collectives pour en assurer la mise à jour.

Enfin, soulignons que le nouveau règlement interdit la publicité directe ou indirecte sur toutes les ordonnances, sans égard à leur support, papier ou technologique. L’ordonnance ne doit pas contenir de nom ni de logo de produits, de services ou de fournisseurs.

Le Collège a annoncé qu’il publierait prochainement deux guides explicatifs sur ce nouveau règlement, soit un sur les ordonnances individuelles et un autre sur les ordonnances collectives.

Ordonnances collectives provinciales

Depuis avril 2013, l’INESSS héberge sur son site Internet les quatre premières ordonnances collectives provinciales dont l’élaboration a été pilotée par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) en collaboration avec l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) et le Collège des médecins du Québec (CMQ). L’INESSS a reçu le mandat de réviser et de mettre ces ordonnances à jour annuellement, en plus de développer de nouvelles ordonnances collectives dans l’avenir.

À ce jour, les ordonnances collectives provinciales sur le site de l’INESSS visent les suivis conjoints pour les quatre situations cliniques suivantes :

h le diabète ;

h l’hypertension artérielle ;

h la dyslipidémie ;

h l’anticoagulothérapie.

Diabète

Trois ordonnances collectives provinciales concernent le diabète. La première vise l’ajustement des antihyperglycémiants oraux, la deuxième vise l’ajustement de l’insuline, et la troisième vise l’amorce des examens requis pour le suivi des patients diabétiques.

Hypertension artérielle

Deux ordonnances collectives portent sur ce problème. La première vise l’ajustement du traitement antihypertenseur par voie orale. La deuxième vise la demande d’examens et d’analyses de laboratoire recommandés pour le dépistage, le traitement et le suivi des personnes atteintes d’hypertension artérielle.

Dyslipidémie

Deux ordonnances collectives concernent la dyslipidémie. La première vise l’amorce des analyses de laboratoire pour le suivi des personnes souffrant de dyslipidémie, et la seconde, le suivi des résultats de ces analyses et l’ajustement de la posologie des hypolipémiants.

Anticoagulothérapie

Une ordonnance collective sur l’anticoagulothérapie a aussi été produite. Elle vise l’ajustement de la warfarine ainsi que l’amorce et le suivi des examens de laboratoire lors du suivi conjoint des patients sous anticoagulothérapie.

Ces ordonnances collectives provinciales font toutes deux référence à un ou deux protocoles médicaux. Elles sont accompagnées des formulaires d’adhésion et de liaison ainsi que des feuilles de suivi systématique, selon le cas. Le formulaire d’adhésion permet au médecin traitant de demander à l’infirmière d’appliquer l’ordonnance collective pour un patient donné. Il comprend les informations nécessaires pour permettre la prise en charge et le suivi de la personne concernée.

Le formulaire de liaison est un document qui permet à l’infirmière de communiquer au pharmacien l’ajustement de la posologie du médicament ainsi que certaines informations cliniques. Il a été créé pour permettre aux pharmaciens d’honorer l’ordonnance collective.

Les ordonnances collectives provinciales, les protocoles médicaux et les autres documents d’accompagnement n’ont pas besoin de faire l’objet d’une consultation auprès des différentes instances professionnelles de l’établissement, car ils ont déjà été approuvés par un comité d’experts. Il suffit donc d’informer les autorités concernées que l’on mettra ces ordonnances en vigueur.

Pour une meilleure homogénéité et pour la mise à jour continue des ordonnances collectives au Québec, il est recommandé d’adopter les ordonnances collectives provinciales telles quelles. Il est également recommandé de remplacer les ordonnances collectives utilisées en établissement ou hors établissement lorsqu’elles arriveront à échéance par les ordonnances collectives provinciales, si elles sont prêtes.

Cela dit, à la lumière du nouveau règlement sur les ordonnances, l’INESSS devra donc forcément revoir l’ensemble des ordonnances collectives provinciales hébergées sur son site Internet pour en assurer la conformité réglementaire. Rappelons que l’INESSS avait déjà prolongé les dates de péremption des ordonnances collectives provinciales au 31 décembre 2016, date à laquelle elle aura terminé leur révision. Suivez donc de près ces mises à jour pour ensuite adopter ces ordonnances collectives dans vos milieux respectifs. Il ne reste qu’à souhaiter que l’INESSS rédige rapidement quelques ordonnances collectives additionnelles pour faciliter l’efficience des suivis en première ligne. //