bénéfique pour tous
Dans notre société souvent agitée, quelques paroles, un geste, une présence peuvent faire toute la différence chez l’autre. Voici des médecins qui n’hésitent pas à s’engager socialement.
Don de soi, envie de servir sa communauté, besoin de rendre à la société ce qu’elle nous a donné. À l’heure où l’individualisme envahit de plus en plus la société moderne, des médecins d’ici, pourtant fort occupés par leur pratique, ne comptent pas les heures et s’engagent dans le bénévolat. Malgré un horaire très serré, ils trouvent toujours le moyen d’être présents pour les autres.
Aider les jeunes proches aidants qui accompagnent un conjoint ou un enfant atteint d’un cancer ou d’une maladie neurologique dégénérative, telle est la mission que s’est donnée la Dre Guylaine Gauthier, médecin de famille au GMF de Nicolet.
L’omnipraticienne a perdu, il y a deux ans, une jeune patiente, Céline Bellemare, morte des suites d’un cancer du cerveau. La clinicienne s’était particulièrement attachée à elle et à sa famille. La Dre Gauthier avait suivi la grossesse de la jeune femme, qui était alors enceinte d’un petit garçon, Laurent.
Dans les mois qui ont suivi l’accouchement, le diagnostic de cancer est tombé. Le conjoint de Céline, Daniel Thibault, est devenu, par la force des choses, un jeune proche aidant. C’est en rencontrant une jeune famille dans la même situation qu’il a eu l’idée de créer la Fondation Céline, Daniel et Laurent qui soutiendrait les jeunes proches aidants de 20 à 49 ans. Il a finalement fondé l’organisme en octobre 2014 et a proposé à la Dre Gauthier de faire partie du conseil d’administration.
« Les besoins d’aide des jeunes proches aidants sont différents de ceux de personnes plus âgées. La plupart des jeunes aidants sont sur le marché du travail. Souvent, ils doivent cesser leurs activités pour accompagner leur conjoint à leurs traitements et ont de jeunes enfants à la maison », explique la Dre Gauthier. La fondation amasse donc des fonds pour leur accorder du répit et du soutien, comme de l’aide à la préparation des repas, à l’entretien ménager, aux devoirs, etc.
La première grande activité de la fondation pour recueillir des fonds a été la journée « Zen en blanc », le 12 juin dernier. Une journée magique avec du yoga, du Qi Gong (apparenté au Tai Chi), des percussions africaines et un pique-nique. Cette rencontre grand public portait sur la gestion du stress. L’événement festif s’est déroulé avec la participation de psychoclowns (étudiants en psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières). Tout le monde portait du blanc. « C’était tellement beau, raconte la Dre Gauthier qui a participé à l’organisation de l’événement. L’énergie était vraiment zen. Les gens arrivaient détendus. »
En plus de ses nombreuses occupations, l’omnipraticienne a aussi participé à plusieurs éditions du défi « Mouille-toi pour le cancer », dont elle a été présidente d’honneur l’an dernier. Elle a également contribué à une collecte de matériel scolaire pour l’organisme Comsep de Trois-Rivières, en 2015.
La Dre Gauthier arrive à tout conjuguer dans la vie : « Il y a un temps pour travailler, un pour relaxer, un pour la famille, un pour les amis et un pour aider les autres. J’appelle ça l’altruisme. Quand on est dans sa communauté, avec des gens que l’on côtoie un peu partout, ce n’est pas épuisant, mais valorisant. C’est comme donner un cadeau. Moi, ça me fait plus plaisir d’en offrir que d’en recevoir. L’engagement social s’ajoute à la pratique de la médecine. »
Dans les années 1990, un problème particulier perturbait l’urgence de Charlevoix. « Les gens prenaient un verre de trop et se rendaient à l’urgence pour dégriser et prendre le petit-déjeuner. Puis, ils revenaient le lendemain soir dans le même état », explique le Dr Pierre Carrier, omnipraticien au GMF de Charlevoix.
Le médecin a décidé de mettre fin à cette routine. « On a travaillé avec des gens dans la collectivité, et Ressources Génésis est né pour contrer l’alcoolisme, la toxicomanie et le jeu pathologique. » C’était il y a 25 ans. La création de ce centre fait partie de l’engagement social auquel le Dr Carrier tient tant. « En plus de Génésis, je m’occupe des jeunes. »
À l’âge de 12 ans, le Dr Carrier, qui faisait partie des scouts et des louveteaux, a été moniteur dans un camp de vacances. « Ce fut mon premier engagement social. Plus tard, j’ai eu envie de m’occuper des jeunes en difficulté en mettant l’accent sur les activités sportives. J’ai toujours voulu aider ceux qui avaient des problèmes difficiles, comme la délinquance. Je voulais travailler avec eux afin de les responsabiliser et de leur apprendre à respecter les autres. »
Le Dr Carrier a ainsi été entraîneur de baseball auprès de préadolescents. « Je trouve que le sport est l’un des meilleurs moyens d’aider les jeunes à devenir des adultes responsables. » Le médecin a également entraîné des jeunes au hockey et au golf. Par ailleurs, lui et sa conjointe ont été famille d’accueil pour des jeunes en difficulté.
Comment le Dr Carrier arrive-t-il à tout concilier ? « En ce qui concerne le sport, mes collègues s’occupaient de ma clientèle quand j’allais à l’extérieur. De plus, j’ai toujours intéressé mes enfants à mes activités. On n’est jamais partis en vacances sans eux. Le temps que je prenais pour mes activités de bénévolat était aussi du temps pour mes enfants qui participaient aux événements sportifs. »
Le Dr Carrier estime avoir beaucoup reçu de la société. « Je me considère privilégié de faire mon métier. Il faut que l’on soit capable de rendre cela à la société. L’engagement social complète notre rôle de médecin et doit en faire partie. »
Il y a longtemps pensé. Le Dr Maxime Amar, omnipraticien à l’Institut de réadaptation en déficience physique de Québec, a finalement réalisé son rêve : faire du bénévolat humanitaire. « Ce qui me motive, c’est la rencontre avec les autres, aller offrir des soins à des collectivités qui en ont besoin, à des gens qui vivent une grande détresse », explique le médecin.
Le Dr Amar arrive d’une mission de six mois et demi en République du Congo avec Médecins sans frontières. Il s’est également rendu en Haïti après le tremblement de terre de 2010. « De telles missions apportent une valorisation personnelle, souligne le médecin. Le fait d’être en contact avec des personnes différentes nous permet d’enrichir nos connaissances sur le monde et de nous rendre compte que l’on appartient à une humanité au-delà de notre petit environnement. Cela donne un regard différent sur les problèmes de nos propres communautés à notre retour. »
À Québec, le Dr Amar a cofondé la Clinique SPOT, un organisme communautaire qui aide les plus démunis. Avec une équipe, il intervient auprès des itinérants, des toxicomanes, des femmes battues, des Autochtones, etc. « On offre des soins professionnels et interdisciplinaires aux personnes marginalisées par la société. Nous ne voulons pas qu’elles se retrouvent à l’urgence ou meurent dans la rue. Elles sont souvent victimes de rejet. »
C’est l’injustice sociale qui a motivé le Dr Amar à créer la Clinique SPOT. « Les gens qui ont le plus besoin de soins de santé en reçoivent souvent le moins, car il y a beaucoup de préjugés, dit-il. Il faut s’engager dans la société en tant que professionnel et apporter un peu de réconfort à des gens qui en ont grandement besoin. » Dès que l’on entre en contact avec ces personnes, on se sent plus concerné, explique le médecin. « Si on communique ces expériences à nos collègues professionnels, ils participeront. Il faut cesser d’avoir peur de l’inconnu. Il y a de la beauté et de la richesse dans tous ces milieux. »
Tout le monde ou presque connaît Pierre Lavoie et son Grand Défi. Et le Dr Dominic Gagnon, médecin de famille au GMF Le Fjord, à La Baie, l’a connu à 22 ans dans une compétition de ski de fond. En avril 2015, le champion des saines habitudes de vie lui demande de fonder le tout premier « Cube de marche » au Saguenay. L’objectif était de créer 250 clubs de marche en deux ans. « Immédiatement, j’ai mis sur pied une équipe de bénévoles. »
Le Dr Gagnon a d’ailleurs livré un combat afin que les marcheurs puissent utiliser la piste cyclable de la région en hiver. « Durant les mois froids, la piste cyclable est réservée aux motoneigistes. Nous voulions que les marcheurs y aient également accès. » Mais cela a été refusé par la municipalité. Les marcheurs hivernaux ont dû se contenter des trottoirs qui, eux, étaient déneigés.
Toutefois, le Dr Gagnon a d’autres projets. Parmi ceux-là, il entrevoit une piste cyclable le long de la Rivière-à-Mars, un affluent du Saguenay. « Cela permettrait de relier deux pistes cyclables. » Lui-même sportif, il vient de participer au 1000 km à vélo du Grand Défi Pierre Lavoie. Il a récolté dans ce cadre 25 000 $ qui permettront à une école de sa région d’acheter de l’équipement sportif.
En plus de ses engagements sociaux, le Dr Gagnon a aussi sa pratique et sa famille. Cependant, il réussit à remplir toutes ses obligations. « Nous sommes une famille reconstituée, précise-t-il. Ma conjointe a un fils de 12 ans, et nous en avons un de 4 ans. J’ai un agenda électronique qui m’aide énormément à organiser mes journées. Même mon sommeil est planifié. » Sa conjointe, qui est infirmière, travaille comme lui une fin de semaine sur deux. Le reste du temps est consacré aux enfants et aux différentes activités en famille.
Selon le Dr Gagnon, un médecin peut trouver du temps pour s’occuper des autres en dépit d’un horaire chargé. Pour lui, le bénévolat et l’engagement social ne représentent pas une corvée, loin de là. « Je le fais par plaisir. Quand on s’engage socialement, on rencontre des gens intéressants et on fait avancer une cause à laquelle on croit. »
Tout commence souvent par les enfants. Sur la Côte-Nord, le Dr Pierre Gosselin, médecin de famille à Port-Cartier, s’est effectivement engagé dans le club de natation Les Cachalots parce que ses enfants en faisaient partie.
« Il n’y avait plus d’entraîneurs ni de responsables, dit-il. Le club était sur le point de fermer. Au début, j’ai été administrateur, puis je suis devenu président. » Aujourd’hui, il s’occupe de la formation des officiels et de l’organisation des compétitions. Il est également juge-arbitre pour les compétitions.
Il est certain que cela demande un peu de temps, indique le médecin. Durant les deux semaines qui précèdent la compétition, il y consacre de cinq à six heures par semaine, en plus de la compétition elle-même qui dure une journée.
Cette année, le Dr Gosselin est aussi président de la campagne de financement de la Maison de la famille, un organisme qui offre à la collectivité certains services, comme une halte-garderie ou du dépannage alimentaire. « Je fais des entrevues, des discours, je m’occupe de la publicité dans le journal, etc. Nous avons même organisé une journée vins et fromages avec des encans. »
Le Dr Gosselin estime qu’il est important de mettre la main à la pâte dans la société et que l’engagement social est une manière de le faire. « Je dis aux nouveaux médecins : “Engagez-vous dans votre milieu. C’est une manière de s’y attacher.”»
Le Dr Gosselin n’imagine pas une pratique médicale sans engagement social. « Je me demande bien ce que je ferais de tout ce temps libre, même si je travaille à temps plein », dit le Dr Gosselin en éclatant de rire.
« Je suis un grand sportif, lance le Dr Jocelyn Bérubé, médecin omnipraticien et responsable de la clinique de planification des naissances du CISSS de Rimouski. Par conséquent, je fais du bénévolat surtout dans les activités sportives. »
Le Dr Bérubé a un bon coup de pédale. « J’ai beaucoup roulé pour des fondations, comme celle de l’hôpital, et pour des associations régionales, comme l’Association du cancer de l’Est du Québec.»
Chaque année, le Dr Bérubé met sur pied une activité de vélo, Québec-Rimouski, un itinéraire qu’il a lui-même fait une dizaine de fois. Il organise également le tour de la Gaspésie à bicyclette pour amasser des fonds et il a participé deux fois au Grand Défi Pierre Lavoie. « Je fais également de la marche pour la Fondation du Centre hospitalier régional de Rimouski. On fait la montée du mont Albert en Gaspésie (1000 mètres). »
Dans le cadre de son travail, le Dr Bérubé, expert dans la planification des naissances, cherche à faire avancer une autre cause. Il utilise tous les forums et toutes les tribunes qui contribuent à améliorer la santé des femmes, notamment des adolescentes et des jeunes adultes. Il a d’ailleurs décidé d’aider les infirmières qui travaillent dans les écoles auprès des adolescentes dans le domaine de la sexualité, de la contraception et des infections transmissibles sexuellement.
Ce qui motive le Dr Bérubé à se donner sans compter ? Tout simplement la vie. « Comme je travaille beaucoup et que la majorité de mon engagement social se fait à travers les activités sportives, c’est bon pour mon cœur, pour ma santé en général et pour la population. Cela m’apporte une grande satisfaction personnelle. Je me sens vivre. »
Selon le Dr Bérubé, les médecins devraient s’engager davantage socialement. C’est non seulement bénéfique pour la collectivité, mais enrichissant pour soi-même, estime le médecin. « Je viens d’un milieu très modeste et je fais un métier que j’adore. Je suis content de redonner à la société. J’ai été gâté par la vie et je pense que je peux gâter quelqu’un à mon tour. Je me sens vivant. » //