Droit au but

Les directives médicales anticipées

Christiane Larouche  |  2016-07-25

On a beaucoup parlé de la Loi concernant les soins de fin de vie par rapport à l’aide médicale à mourir. Cette loi comporte pourtant deux volets distincts. Le premier vise les droits, l’organisation et l’encadrement des soins de fin de vie qui comprennent les soins palliatifs et l’aide médicale à mourir. Le second, tout aussi important que le premier en fin de vie, porte sur la reconnaissance de la primauté des volontés exprimées par une personne et la mise en place du régime des directives médicales anticipées. Dans le présent article, sous forme de questions-réponses, nous traiterons de ce second volet qui a été éclipsé par l’attention médiatique entourant l’aide médicale à mourir.

Me Christiane Larouche, avocate, travaille au Service juridique de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Que sont les directives médicales anticipées ?

Les directives médicales anticipées (DMA) sont un nouvel outil créé par la Loi concernant les soins en fin de vie, permettant à une personne d’exprimer à l’avance son acceptation ou son refus de certains soins particuliers. Cet outil s’ajoute aux autres moyens déjà existants pour exprimer les volontés d’une personne en cas d’inaptitude, tels que le mandat en cas d’inaptitude et le testament de vie.

Quelle est la valeur juridique des DMA ?

Les DMA ont la même valeur que les volontés exprimées par une personne apte à consentir aux soins. Seul un tribunal peut les invalider ou en forcer le respect. Elles ont également préséance sur toutes les autres formes d’expression de la volonté.

Quelles sont les conditions de validité des DMA ?

Les DMA doivent être consignées par écrit par une personne majeure et apte à exprimer sa volonté. Deux moyens sont possibles : un formulaire prescrit par le ministre de la Santé et des Services sociaux ou un acte notarié.

Formulaire

Le formulaire prescrit par le ministre doit être obtenu en en faisant la demande à cette fin à la RAMQ. La personne doit le remplir elle-même et le signer en présence de deux témoins majeurs. Ces derniers doivent également signer le formulaire en présence de la personne. Par la suite, le formulaire peut être transmis à la RAMQ afin d’être versé au registre des DMA.

Bien que le dépôt du formulaire au registre des DMA soit recommandé, il n’est pas obligatoire pour assurer la validité du document. Une personne peut également remettre le formulaire à un médecin ou à un autre professionnel de la santé pour qu’il soit versé dans son dossier médical ou elle peut, si elle le préfère, le donner à un proche qui le remettra au médecin si elle devenait inapte.

Acte notarié

Pour réduire au minimum les possibilités de contestation par ses proches, une personne peut exprimer ses DMA dans un acte notarié par minute. Dans ce cas, avec l’autorisation de la personne concernée, le notaire transmettra lui-même l’acte notarié à la RAMQ pour dépôt au registre des DMA.

Comme pour le formulaire du ministre, bien que la production au registre soit recommandée, la personne peut également remettre une copie de cet acte à un médecin ou un autre professionnel de la santé pour qu’il soit versé dans son dossier médical.

Que doit faire un médecin lorsqu’on lui remet des DMA ?

Le médecin doit verser au dossier de la personne concernée les DMA que pourrait lui donner la personne ou un de ses pro­ches. Cependant, lorsque la personne concernée les lui remet elle-même et qu’elle est encore capable de consentir aux soins, le médecin doit s’assurer que ces directives sont toujours conformes aux volontés du patient avant de les déposer au dossier médical.

Quelles sont les situations cliniques visées par les DMA ?

Les DMA s’appliquent à des situations cliniques précises, qui ne sont pas nécessairement liées à des urgences. Il s’agit de situations rencontrées régulièrement par les équipes soignantes et pour lesquelles les professionnels remettent en question la pertinence d’offrir certains soins, même ceux qui pourraient être nécessaires au maintien de la vie. Ces situations sont les suivantes :

h fin de vie ;

h atteinte importante et irréversible des fonctions cognitives (coma irréversible ou état végétatif permanent) ;

h autre atteinte importante et irréversible des fonctions cognitives (ex. : démence de type Alzheimer).

Quels sont les soins visés dans les DMA ?

Les soins visés par les DMA sont des traitements vitaux qui peuvent être nécessaires au prolongement de la vie, soit :

h la réanimation cardiorespiratoire ;

h la ventilation assistée par un respirateur ;

h la dialyse ;

h l’alimentation et l’hydratation forcées ;

h l’alimentation et l’hydratation artificielles.

Il est à noter que l’aide médicale à mourir ne peut être incluse dans les DMA. Quelles que soient les volontés exprimées par la personne, cette dernière devra recevoir les soins nécessaires pour assurer son confort et le soulagement de la douleur.

Que doit faire le médecin si une personne apte à consentir a des DMA ?

Le médecin et l’équipe soignante doivent toujours s’adresser directement à la personne pour obtenir son consentement aux soins proposés. Les DMA ne s’appliquent donc pas tant et aussi longtemps que la personne a les capacités requises pour consentir d’elle-même. La personne est alors capable de :

h comprendre les renseignements qui lui sont transmis sur son état de santé ;

h décider ce qui lui convient le mieux ;

h communiquer sa volonté.

Que doit faire le médecin si une personne devient inapte à consentir aux soins ?

Lorsqu’il a des doutes sur l’aptitude d’une personne, le médecin doit procéder à une évaluation clinique des capacités de la personne et la déclarer inapte à consentir, le cas échéant. Le jugement médical du médecin est suffisant pour conclure à l’inaptitude d’une personne. Il n’est pas nécessaire d’obtenir un jugement de la cour à cette fin.

Le médecin doit ensuite vérifier si des DMA ont été versées au registre ou dans le dossier médical de cette personne. Le cas échéant, le médecin et les autres membres de l’équipe soignante ont alors l’obligation de respecter les choix exprimés par cette personne.

En l’absence de DMA, le médecin doit obtenir le consentement aux soins de la part du mandataire, du tuteur ou du curateur de la personne, si la personne est ainsi représentée. À défaut, le consentement doit être donné par le conjoint, qu’il soit marié, en union civile ou en union de fait avec la personne.

À défaut de conjoint ou en cas d’empêchement de celui-ci, le consentement peut être donné par un proche parent ou par une personne qui démontre pour le majeur un intérêt particulier.

Peut-on révoquer des directives médicales anticipées ?

Seule la personne concernée peut révoquer ses DMA, qu’elles aient été déposées dans le registre ou dans le dossier médical. La personne doit alors obligatoirement utiliser le formulaire de révocation des DMA prévue à cette fin et le transmettre à la RAMQ ou à un professionnel de la santé, qui le déposera dans son dossier médical.

La révocation sera prise en compte à partir du moment où le médecin ou tout autre professionnel de la santé y aura accès.

Peut-on modifier des directives anticipées ?

Les DMA ne peuvent être modifiées qu’en en rédigeant de nouvelles, soit à l’aide du formulaire prescrit par le ministre ou par acte notarié par minute. Ce nouveau formulaire ou ce nouvel acte notarié remplacera et annulera les directives formulées antérieurement.

Il est d’ailleurs recommandé aux citoyens de mettre à jour leurs directives au besoin, notamment lors des étapes importantes de la vie.

Que faire en présence d’un mandat d’inaptitude et de DMA ?

Comme pour les DMA, le mandat donné en prévision de l’inaptitude d’une personne est un outil pour assurer le respect des volontés des personnes. Les deux documents peuvent coexister sans problème.

Comme on l’a vu, les DMA ne couvrent pas toutes les situations cliniques ni tous les soins possibles. Ainsi, pour les situations non visées dans les DMA, le mandataire pourra décider à la place de la personne.

S’il existe un conflit entre les volontés exprimées dans le mandat donné en prévision de l’inaptitude d’une personne et celles qui sont exprimées dans les DMA, ces dernières prévalent.

Est-il possible de contester des DMA ?

Seul le tribunal peut invalider des DMA, à la demande du mandataire, du tuteur, du curateur, d’un médecin, d’un établissement ou de toute personne qui démontre un intérêt particulier pour la personne visée. Il pourrait le faire s’il a des raisons de croire que la personne n’était pas apte à consentir à des soins au moment de la signature du formulaire ou s’il est démontré que les directives ne correspondent pas à la volonté de la personne.

Il est donc important, pour éviter des réactions de contestation, de discuter avec nos proches de nos volontés afin qu’ils connaissent nos préférences et nos valeurs si jamais nous devenions inaptes à consentir à des soins.

En quoi consiste le registre des DMA ?

Le registre des DMA est une base de données dans laquelle seront déposés les formulaires dûment remplis par les citoyens ainsi que les actes notariés rédigés par les notaires. L’utilisation du registre donnera aux professionnels un accès immédiat aux DMA.

Qui assume la gestion du registre ?

La responsabilité de gérer le registre appartient au ministre de la Santé et des Services sociaux, mais la loi lui permet de confier cette gestion opérationnelle à un organisme assujetti à la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Dans les faits, c’est ainsi la RAMQ qui assume cette tâche.

Comment fonctionne le registre ?

Le mode de fonctionnement du registre est détaillé dans le Règlement sur les modalités d’accès au registre des directives médicales anticipées et son fonctionnement qui est entré en vigueur le 15 juin dernier. Ce règlement précise notamment les personnes qui peuvent déposer des directives dans le registre et celles qui peuvent le consulter.

Les personnes pouvant se voir attribuer des autorisations d’accès au registre sont : un médecin, une infirmière, un titulaire d’une carte de stage délivrée par le secrétaire du Collège des médecins, un titulaire d’une autorisation délivrée par le Collège, une personne qui rend des services de soutien technique à un médecin et une personne à l’emploi du gestionnaire opérationnel déterminé par le ministre, le cas échéant. Ces autorisations d’accès seront vérifiées lors de l’accès au registre.

Lorsque des DMA ont été inscrites au registre, l’intervenant qui les consulte doit les verser au dossier médical de la personne. En l’absence de DMA au registre ou si elles y ont été retirées sans être révoquées, le registre indique qu’il n’existe aucune directive médicale anticipée. S’il y a eu révocation, seul le formulaire de révocation est alors communiqué à l’intervenant. //