droits, occasions et pièges à éviter – I
Les règles de gestion des plans d’effectifs médicaux en établissement (PEM) se sont resserrées depuis un peu plus d’un an. Du même coup, les établissements voient d’un œil différent la distinction entre le statut de membre actif et de membre associé. Dans un premier temps, revoyons donc les principes applicables et, dans un article subséquent, les conséquences possibles pour les médecins, selon les situations qui peuvent survenir.
Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. |
La Loi sur les services de santé et les services sociaux* énonce que pour exercer au sein d’un établissement un médecin doit y détenir des privilèges. Ceux-ci lui sont octroyés par le conseil d’administration de l’établissement (la voie régulière est décrite à l’article 237, et le fait que les privilèges temporaires ne sont pas assujettis au PEM est énoncé à l’article 243.1). Dans une situation d’urgence, les privilèges peuvent être accordés par le Directeur des services professionnels, le président du CMDP ou le chef de département (art. 248).
Dans le cas de la nomination accordée par le conseil d’administration, elle peut se faire selon deux voies : la nomination « régulière » et la nomination de « remplacement ». Selon la voie empruntée, la durée de celle-ci et le droit à son renouvellement seront différents.
La nomination régulière se fait par résolution du conseil d’administration sur recommandations du CMDP. De façon à accorder de tels privilèges, l’établissement doit disposer de places à son PEM (art. 239) ou obtenir une autorisation de dépasser le nombre permis par le PEM (art. 240). Elle vise une durée maximale de trois ans (art. 242) et est assortie de privilèges, d’obligations spécifiques et d’un statut de membre actif ou associé. De façon pratique, elle doit être renouvelée périodiquement, question de mettre à jour le dossier du médecin et de s’assurer qu’il n’y a pas de raison de refuser que ce dernier conserve ses privilèges.
La fréquence de cette réévaluation est généralement de deux à trois ans, selon la durée du cycle de renouvellement des nominations au sein de l’établissement en cause. La loi prévoit une durée minimale de deux ans lors du renouvellement, sauf exception (art. 242), de même qu’un « droit » au renouvellement selon les mêmes conditions que lors de l’octroi ou du dernier renouvellement, selon ce qui est le plus récent, à moins que le médecin ne demande un changement (art. 237). Un nombre limité de raisons peuvent être invoquées pour refuser de renouveler les privilèges d’un médecin (encadré 1).
La nomination de remplacement se fait selon le même processus que la nomination régulière, mais elle vise à remplacer un médecin qui détient une nomination régulière le temps de son absence, le plus souvent en raison d’un congé de maternité ou d’invalidité. Elle ne confère aucun droit au renouvellement et prend fin au retour du médecin qui détient une nomination régulière ou au moment de son départ définitif (art. 243). Comme elle ne confère aucun droit de renouvellement, elle n’est pas assujettie au PEM. Elle ne crée pas de nouveau poste, mais permet simplement d’utiliser un poste existant inexploité.
Advenant que le médecin remplacé ne revienne pas, le remplaçant ne dispose pas de « droit » sur le poste régulier. Il devra donc passer par le processus régulier s’il veut obtenir une nomination régulière ou obtenir un nouveau poste de remplacement d’un autre médecin temporairement absent, de façon à pouvoir continuer d’exercer au sein de l’établissement.
La nomination d’urgence est une autre voie pour obtenir des privilèges au sein d’un établissement. Elle est utilisée lorsque les formalités de la nomination régulière ne peuvent pas être terminées avant le début des activités du médecin nouvellement recruté ou lorsqu’un médecin ne rendra des services que pendant quelques jours ou quelques semaines. C’est le type de nomination accordée à un médecin dépanneur. Dans tous les cas, les privilèges d’urgence prennent fin au plus tard trois mois après leur octroi et ne peuvent faire l’objet d’un renouvellement (art. 248).
Chaque nomination est assortie d’un statut (art. 237). Les statuts possibles sont énoncés dans le Règlement sur l’organisation et l’administration des établissements, à l’article 88.
Le degré de participation aux activités de l’établissement sera indiquée lorsque le médecin obtient une nomination. Il sera généralement soit un membre actif, soit un membre associé. Il existe d’autres statuts, mais ils sont généralement dans des situations d’exception. Le statut du médecin fait partie de sa nomination. Tout changement doit donc être entériné par le conseil d’administration. Il ne s’agit pas d’une simple formalité.
Selon le règlement, la distinction entre les deux statuts se fait en fonction de l’importance des activités du médecin au sein de l’établissement. Plusieurs établissements fixent des critères pour bien différencier les deux statuts. Nous y reviendrons.
Nous avons évoqué le fait que le PEM plafonne les nominations régulières au sein de chaque établissement. Le nombre de médecins qui peuvent détenir une nomination au sein d’un établissement varie donc d’un endroit à l’autre en fonction du plan de services et de développement approuvé par le ministre. Le ministre fixe un PEM en fonction du plan qu’il approuve. Tant qu’un établissement n’a pas atteint le niveau fixé à son PEM, il est habituellement libre de recruter des médecins sans demander de permission particulière.
Nous avons vu qu’il est possible d’exclure certaines nominations de l’obligation de respecter le PEM. C’est le cas de la nomination d’urgence ou de remplacement temporaire. Du fait que le médecin remplacé occupe déjà un poste au PEM et que la nomination de remplacement temporaire ne peut persister après le retour du médecin absent, il ne s’agit pas d’une augmentation d’effectifs.
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De façon à accorder des privilèges « réguliers », un établissement doit disposer de place dans son PEM ou obtenir l’autorisation de dépasser ce que ce plan permet. |
Jusqu’à récemment, certaines régions allaient plus loin. Sans fondement légal, les membres associés n’étaient pas comptabilisés aux fins des PEM. Cette gestion ne respectait pas le principe voulant que les plans d’effectifs comprennent l’ensemble des médecins qui exercent au sein d’un milieu, quel que soit leur statut. Dans certains cas, de façon un peu arbitraire, les membres associés devaient exercer moins de 17,5 heures par semaine pour être ainsi exclus de la comptabilité. Seuls ceux ayant une charge de travail plus importante et qui se voyaient donner le statut de membre actif étaient comptabilisés dans le PEM de l’établissement.
En région éloignée, comme les effectifs sont moins abondants et que la désignation de membre actif dans un centre hospitalier donne droit à une rémunération majorée pour les activités en cabinet, le statut de membre actif est plus souvent réservé aux médecins qui assurent une charge de travail prédéterminée. En milieu hospitalier, il s’agit plus souvent d’une charge de tournée ou d’une fréquence des gardes à l’urgence, et non d’un nombre d’heures par semaine. On peut donc supposer que le phénomène décrit était moins courant dans ces régions.
Depuis un an, tous les médecins qui détiennent des privilèges au sein d’un établissement, à titre de membre actif ou associé, sont comptabilisés aux fins du PEM. Pour éviter que plusieurs établissements se retrouvent avec des effectifs surnuméraires, le ministre a rehaussé le nombre de médecins autorisés au PEM pour tenir compte de cette nouvelle réalité. Toutefois, ce nouveau niveau n’est pas une nouvelle cible pour le recrutement. Le ministère semble plutôt avoir l’impression que, dans plusieurs cas, ces niveaux dépassent les besoins. Il exige donc que l’établissement réduise le nombre de médecins dans son PEM avant de lui permettre de recruter sans approbation particulière. Ainsi, tant que les effectifs d’un établissement ne reviennent pas sous la barre de 80 % du « nouveau » PEM, le recrutement de nouveaux effectifs est sujet à l’approbation du ministre. Par conséquent, un membre associé qui part ne peut généralement pas être remplacé. La même règle s’applique au départ d’un membre actif. Cependant, si l’établissement montre que ce départ nuit à sa capacité d’offrir des services, le ministre peut permettre le remplacement.
Le but recherché ne semble pas être de réduire les effectifs en établissement, mais bien de diriger les effectifs en établissement en fonction des besoins perçus par le ministère. Dans le cas des médecins omnipraticiens, cette évaluation pourra tenir compte de la capacité des médecins spécialistes d’offrir des soins dans le milieu, soit d’assumer la responsabilité des soins intensifs ou d’une équipe d’hospitalisation, par exemple.
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La nomination de remplacement n’est pas sujette au PEM et ne confère aucun droit au renouvellement et prend fin au retour du médecin qui détient une nomination régulière ou au moment de son départ définitif. |
Au printemps 2016, le ministre a cherché à ajouter une condition pour accorder une nomination sujette à cette dérogation, soit que le médecin fournisse à l’établissement un engagement de prendre en charge 500 patients en première ligne. La Fédération a fini par convaincre le ministère de plutôt respecter le rôle du Comité de gestion des effectifs médicaux (COGEM) auquel participe la Fédération, et les outils prévus à l’Entente, en particulier à l’entente particulière sur les AMP (encadrés 2, 3 et 4).
Le processus de nomination en établissement devient donc du coup plus rigide. Même s’il détient un avis de conformité au plan régional des effectifs médicaux (PREM), le médecin qui demande des privilèges en établissement (ou qui cherche à les modifier) pourra vivre plus d’incertitude sur le sort de sa demande. En outre, le délai de réponse pourrait être plus long. Les établissements pourront aussi choisir de « recruter de l’intérieur », en demandant aux médecins en place d’en faire plus.
Dans l’article du mois prochain, nous traiterons des conséquences pratiques des pressions que vivent les établissements sur le plan des effectifs médicaux, du fait de détenir un statut de membre actif ou associé et du rôle que peuvent jouer les AMP dans des demandes de nomination ou de modifications. À la prochaine ! //