Questions... de bonne entente

Les frais accessoires

un nouvel encadrement

Michel Desrosiers  |  2016-12-21

La règlementation des frais accessoires a connu des changements importants depuis peu. Les déclarations du ministre, les textes règlementaires et la perception publique ne sont pas toujours cohérents. Faisons le point* !

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

D’abord accessoires à quoi ?

La notion « d’accessoire » vient de l’encadrement initial de la Loi sur l’assurance maladie qui interdisait à toute personne de réclamer ou de percevoir des frais d’un patient pour des services « accessoires à un service assuré ». Un des articles de la loi 20 a modifié la Loi sur l’assurance maladie en novembre 2015 en remplaçant la notion d’accessoire par l’expression « aux fins de la dispensation d’un service assuré », ce qui peut avoir une portée plus large. L’expression « frais accessoires » est tout de même restée dans le langage populaire.

Il n’en demeure pas moins que l’interdiction de réclamer des frais à un patient en rapport avec un service ne vise que les services assurés. Lorsque le médecin rend un service non assuré, comme une échographie de surface en cabinet ou une intervention purement esthétique, les fournitures requises, bien qu’accessoires à un service, peuvent donner lieu à la perception d’une compensation financière du patient du fait que le service en cause n’est pas assuré.

De plus, les services non assurés, même lorsqu’ils sont rendus à l’occasion d’un service assuré (remplir un formulaire d’assurance ou de la SAAQ, produire une attestation de présence ou d’invalidité, effectuer une échographie de surface en cabinet pour guider une injection intra-articulaire), bien qu’ils soient associés à un service assuré, demeurent tout de même non assurés. Le médecin peut donc toujours demander au patient d’en débourser le coût. Un alinéa spécifique de l’article 22.0.0.1 de la Loi sur l’assurance maladie vient le préciser explicitement (encadré 1).

Encadré 1

Donc, contrairement à ce qu’a affirmé le ministre pendant sa conférence de presse en septembre dernier, le patient pourrait être appelé à payer pour certains services rendus à l’occasion d’un service assuré, même après l’entrée en vigueur du règlement (encadré 1).

Les médicaments et les produits anesthésiques

Le Préambule général du Manuel de facturation prévoit de longue date une compensation du patient pour le coût d’un médicament ou d’un produit anesthésique administré par un médecin. Cette mesure s’appliquait seulement en cabinet du fait qu’en établissement, c’est cette entité qui en assume le coût.

L’interdiction générale, prévue dans la loi 20, de réclamer des frais associés à des services assurés venait contredire ces éléments de l’Entente (encadré 2). Toutefois, les modifications en cause prévoyaient que le ministre pouvait, par règlement, permettre la facturation de certaines fournitures ou de certains services liés à des services assurés et en fixer le tarif maximal. En attendant l’adoption d’un tel règlement, la loi 20 prévoyait que des frais permis par entente (lire entente entre FMOQ ou FMSQ et le ministre) continuaient d’être autorisés.

C’est donc dire qu’entre novembre 2015 et la date de mise en vigueur du règlement, c’est l’entente qui permettait la facturation de certains frais aux patients, spécifiquement pour les médicaments ou produits anesthésiques administrés par le médecin et pour le stérilet, les attelles ou les immobilisations posés par le médecin. L’adoption et l’entrée en vigueur du règlement mettent donc fin à cette mesure transitoire. L’entente ne pouvant aller à l’encontre de la loi, les parties négociantes devront la modifier pour s’y conformer (si ce n’est pas déjà chose faite).

Encadré 2

En supposant que le règlement sera adopté et mis en application le 1er janvier 2017, il ne sera plus permis de demander une compensation au patient pour le coût des médicaments ou des produits anesthésiques qu’un médecin administre à sa clientèle lors de services assurés. Seront aussi visés par cette interdiction les vaccins achetés par le médecin. On peut supposer qu’il en va de même du stérilet, bien qu’il persiste une incertitude à cet égard au moment de la ré­dac­tion. Toutefois, le coût du Botox administré à des fins esthétiques demeure facturable au patient, tout comme celui des produits sclérosants administrés pour le traitement des varices en cabinet, puisqu’il s’agit de services non assurés. Les médecins devront donc adapter leur mode de fonctionnement (encadré 2).

Frais de transport

Lorsqu’un médecin effectue un prélèvement (ex. : test Pap), il doit l’acheminer à un laboratoire pour l’analyse. Plus souvent qu’autrement, il s’agira d’un laboratoire public. Avant la production d’une directive gouvernementale en avril 2015, le patient pouvait aller porter son échantillon au laboratoire en cause. Le médecin ou son cabinet pouvait offrir de s’en charger, question de commodité pour le patient. Comme il était possible de demander le test diagnostique sans obliger le patient à payer pour le transport, la Fédération était d’avis que le transport n’était pas « accessoire » au service assuré. Toutefois, deux éléments sont venus changer cette réalité : les exigences de qualité applicables aux laboratoires et la loi 20.

Une directive gouvernementale d’avril 2015 exige maintenant que les laboratoires publics respectent certaines normes de qualité concernant l’intégrité de la chaîne de transport d’échantillons. De plus, plusieurs hôpitaux refusent que des patients aillent apporter leurs échantillons directement au laboratoire. Pour plusieurs (la vaste majorité), le transport doit être confié à un transporteur agréé par l’établissement, et les livraisons doivent avoir lieu à l’intérieur d’une plage d’heures établie. Du coup, un patient doit s’en remettre au médecin ou à la clinique pour le transport.

De plus, la modification apportée par la loi 20 concernant l’expression « accessoire » est venue interdire la perception de frais pour un test diagnostique associé à un service assuré (encadré 2). Selon l’interprétation de la RAMQ, cette clause interdisait à un médecin ou à un cabinet de percevoir des frais pour le transport d’échantillons aux fins de tests diagnostiques.



Entre novembre 2015 et la date de mise en vigueur du règlement, c’est l’entente qui permettait la facturation de certains frais aux patients, spécifiquement pour les médicaments ou les produits anesthésiques administrés par le médecin et pour le stérilet, les attelles ou les immobilisations posés par le médecin.

Cette interdiction ne vise pas le transport d’échantillons dans le cadre d’un service non assuré, comme un test de dépistage de drogues lors d’un examen de préembauche demandé par un employeur ou de l’examen exigé par un assureur avant d’accepter de fournir une assurance vie à un client. La tarification doit alors respecter les exigences du Code de déontologie des médecins.

Au cours de l’automne 2016, le ministre a annoncé son intention de modifier de nouveau cette situation par règlement pour qu’un médecin ou une clinique puisse réclamer des frais pour le transport d’un échantillon ou d’un prélèvement. Il en fixera aussi le tarif maximal. Le projet de règlement publié pour consultation le 28 septembre 2015 prévoit deux tarifs. Lorsqu’il s’agit d’un prélèvement non sanguin (test Pap, analyse d’urine, culture, biopsie), le tarif maximal prévu est de 5 $. Lorsqu’il s’agit d’un prélèvement sanguin, le tarif maximal prévu est de 15 $. Ces maximums s’appliquent à chaque patient, qu’un ou plusieurs échantillons fassent l’objet d’un transport vers le même laboratoire. Si l’échéancier annoncé par le ministre est respecté, ces règles s’appliqueront dès le 1er janvier 2017.

La TPS et la TVQ

Plusieurs cabinets sont inscrits au registre de la TPS et de la TVQ et se demandent sans doute s’ils peuvent réclamer ces taxes, en plus des frais de transport fixés par règlement. Durant la période de consultation suivant la publication du projet de règlement, la Fédération a fait des représentations pour clarifier l’application envisagée.

Les formulaires et autre documents demandés par des tiers

Certains peuvent s’interroger en ce qui a trait aux formulaires remplis à la demande des patients ou de tiers, du fait que le paragraphe 1.1.4 du Préambule général prévoit (ou prévoyait) expressément la possibilité pour le médecin de réclamer des frais à un patient pour remplir certains formulaires. Ce texte a été convenu avant que l’article 22.0.0.1 de la Loi sur l’assurance maladie ne soit en vigueur (encadré 1). On peut donc comprendre qu’il pouvait alors y avoir une apparence d’ambiguïté. Certains pouvaient donc croire que ces services, a priori non assurés, perdaient cette nature du fait de leur association à un service assuré.

Selon l’article 22.0.0.1, il est clair que malgré les modifications apportées, un médecin peut toujours demander à un patient d’acquitter le coût pour faire remplir les formulaires non assurés.

Lorsqu’un médecin peut réclamer des frais à un patient, autrement qu’en vertu du règlement autorisant la perception de frais de transport, il reste à déterminer comment il doit fixer le tarif. Comme aucun tarif négocié ne lui est imposé (il ne s’agit pas de services assurés), le médecin doit s’assurer de respecter les exigences de son code de déontologie. Nous discuterons de cette question dans un deuxième temps. D’ici là, vous devriez être mieux équipés pour répondre aux questions de vos patients. À la prochaine ! //

*Ce texte a été rédigé avant la publication du texte définitif du Règlement en ce qui a trait aux frais accessoires et présume de l’adoption du projet de règlement publié le 28 septembre 2016.