Nouvelles syndicales et professionnelles

Entrevue avec le Dr Louis Godin, président de la FMOQ

Nouvelle entente : qu’y gagnent les médecins de famille ?

Emmanuèle Garnier  |  2017-10-03

La nouvelle entente conclue entre le gouvernement et les médecins de famille porte sur des sujets clés : l’écart de rémunération entre les omnipraticiens et les spécialistes, l’écart avec les autres médecins de famille canadiens ainsi que l’étalement. Plusieurs aspects pourraient être très intéressants pour les médecins de famille.

M.Q. — Quel est le plus grand gain qu’obtiennent les médecins de famille dans la nouvelle entente ?

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L.G. – Notre plus grand gain, c’est l’engagement du gouvernement à régler le problème de l’écart de rémunération entre les médecins de famille et les médecins spécialistes. Dans ce dossier, il n’y a pas que l’aspect financier qui compte. La façon dont sont rémunérés les gens et la hauteur à laquelle ils le sont constituent toujours un signe d’appréciation de leur travail. Qu’on le veuille ou non, c’est un facteur qui influence le choix des étudiants en médecine. La Fédération disait depuis des années qu’il fallait s’attaquer à ce problème. Dans la nouvelle entente, le gouvernement reconnaît qu’il y a un écart à corriger, s’engage à faire jusqu’au bout l’exercice de le déterminer et de voir jusqu’où doit aller le redressement.

M.Q. — Cet écart ne devait-il pas déjà être réduit dans l’accord-cadre précédent ?

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L.G. – Lors des négociations de la dernière entente, nous avions demandé que ce problème soit réglé. Le gouvernement nous avait dit qu’il le ferait, mais à la fin du processus l’écart de revenus n’a pas été diminué. Actuellement, cependant, les termes de la nouvelle entente nous assurent qu’au cours des prochaines années on va s’attaquer à ce problème. Un premier correctif totalisant 2,4 % a déjà été consenti pour réduire la différence de rémunération avec les spécialistes. Si le gouvernement l’a accordé, c’est parce qu’il convient qu’il y a un écart.

M.Q. — Vous désirez aussi réduire la différence de rémunération avec les médecins de famille du reste du Canada.

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L.G. – Tout à fait. La diminution des écarts de rémunération va se faire en deux étapes. Un premier exercice concernera les omnipraticiens canadiens. Nous avons fait des analyses au sujet de leur rémunération, et l’on sait que des correctifs doivent être apportés à la rétribution des omnipraticiens québécois. C’est l’Institut canadien d’information sur la santé qui effectuera l’étude pour déterminer l’écart. Il devra remettre son rapport en septembre 2018. Les étapes qui suivront sont prévues explicitement dans l’entente : il y aura des négociations avec le gouvernement pour préciser cet écart, une médiation au besoin et un arbitrage. Un mécanisme très clair a été prévu pour définir comment l’écart sera calculé et pondéré et quels facteurs devront être pris en compte. Il faudra parvenir à un résultat au plus tard le 1er avril 2019. En septembre 2019, le même exercice reprend, mais cette fois-ci au Québec avec les médecins spécialistes. Il y aura une période d’un an pour obtenir le résultat final.

M.Q. — Que se passera-t-il ensuite ?

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L.G. – Cela dépend de l’importance des correctifs à apporter à la rémunération des omnipraticiens. On va voir les résultats des études et on vivra avec leur conclusion. Cependant, on a fait suffisamment d’analyses pour savoir que les écarts à corriger risquent d’être très importants et ne pourront être comblés en un an. On devra convenir avec l’État de la manière de procéder.
Ce qui est important dans cette entente, c’est qu’on ne parlera plus d’hypothèses en ce qui concerne les écarts de rémunération avec les spécialistes ou les omnipraticiens canadiens. Je pense que c’est une grande victoire pour nos membres.

M.Q. — Quels sont les autres gains importants dans cette entente ?

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L.G. – Nous avons renégocié l’entente sur l’étalement. En 2014, le gouvernement nous avait demandé d’étaler l’argent qu’il nous restait à recevoir de notre ancien accord-cadre selon la nouvelle entente. Le versement d’une bonne partie des sommes qu’il nous devait sera finalement devancé. À très court terme, en 2017-2018, les médecins de famille concernés, qu’ils soient en pratique ou à la retraite, recevront de l’argent. Nous allons fournir des informations très précises à ce sujet au cours des prochaines semaines.

M.Q. — Qu’en est-il de la non-atteinte ?

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L.G. – C’est un autre élément important. On sait qu’il y a des sommes réservées aux mesures de la dernière entente qui n’ont pas été complètement utilisées. Il fallait déterminer leur importance. On a convenu qu’elles pourraient être employées à partir du 1er avril 2017. Cela nous permettra aussi de mettre différentes mesures en place.

M.Q. — Comment les sommes qui viendront de la réduction des écarts de rémunération, du remboursement de l’étalement ou de la non-atteinte seront-elles distribuées aux médecins de famille ?

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L.G. – Il est trop tôt pour déterminer leur utilisation précise. C’est sûr qu’il y aura des augmentations paramétriques. Les médecins sont en droit d’attendre des hausses. C’est sûr aussi qu’on réservera certaines sommes à plusieurs secteurs. Actuellement, certains domaines éprouvent des difficultés, comme le maintien à domicile et les CHSLD. Il y a également des médecins qui font exactement le même travail que leurs confrères spécialistes. Il est donc clair qu’on va regarder leur niveau de rémunération puisqu’on a plaidé la relativité et l’équité. On ne peut cependant indiquer précisément quelles augmentations seront appliquées à quels secteurs. C’est une entente de huit ans dont il reste encore six ans, et il y a des para­mè­tres qui ne sont pas connus.

M.Q. — De quelle manière sera décidée l’attribution des hausses ?

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L.G. – On procède toujours de la même façon. Ces décisions ne sont pas prises en vase clos par la Fédération. On va consulter les associations et nos membres. Par la suite, le bureau et le conseil de la FMOQ, qui sont les instances habilitées à prendre les décisions, détermineront ce qui doit être fait.

M.Q. — Si 85 % de la population n’est pas inscrite au 31 décembre 2017, les omnipraticiens ne risquent-ils pas de perdre ce que la nouvelle entente leur fera gagner ?

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L.G. – Quoi qu’il arrive, l’argent restera dans l’enveloppe budgétaire et pourra être affecté à des mesures qui s’appliqueront aux médecins. Les rumeurs selon lesquelles le gouvernement nous retirera d’un côté ce qu’il nous donnera de l’autre sont fausses. Il n’y a pas d’inquiétude à avoir.

M.Q. — Quelles concessions avez-vous dû faire au cours de ces négociations ?

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L.G. – C’est une question que la population pourra nous poser. Nous avons renoncé à la clause re­mor­que que l’on avait obtenue par rapport à la fonction publique dans l’entente sur l’étalement. C’est un choix que nous avons fait en contrepartie de la reconnaissance de l’équité qu’il doit y avoir entre la rémunération des omnipraticiens au Québec et celle de leurs confrères canadiens et de leurs confrères spécialistes. Nous avons également accepté que l’on modifie la façon dont pourraient être accordées les pro­chaines augmentations.

M.Q. — Êtes-vous satisfait de cette nouvelle entente ?

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L.G. – J’avais deux mandats dans ces négociations. D’abord, régler la question des écarts de rému­né­ration une fois pour toutes et ensuite résoudre le problème de l’étalement. Je suis très satisfait des résul­tats obtenus.