En fin... la facturation

La facturation de services de médecine esthétique–III

Michel Desrosiers  |  2017-10-03

La pratique de la médecine esthétique exige du médecin qu’il détermine si un service est assuré ou non. Cependant, le fait que des services ne soient pas assurés ne soustrait pas le médecin participant aux autres exigences de la loi et encore moins à ses obligations déontologiques. Profitons-en pour traiter du sujet.

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Vous avez maintenant une bonne idée de qui du patient ou de la RAMQ doit acquitter vos honoraires pour des services de médecine esthétique. N’oubliez pas que, comme médecin participant, vous demeurez régi par la Loi sur l’assurance maladie, même lorsque vous rendez des services non couverts. De plus, votre code de déontologie vous impose certaines obligations, plusieurs touchant particulièrement les médecins qui pratiquent la médecine esthétique.

Consentement éclairé

L’obligation d’obtenir un consentement éclai­ré touche deux aspects différents de la pratique de la médecine esthétique, soit l’information préalable sur la responsabilité de paiement et le consentement au traitement.

Lorsqu’un patient vient vous voir pour des services non as­surés, il doit avoir été informé au préalable des frais de la consultation ou du coût des services offerts. Par conséquent, vous devrez lui en faire part au moment de la prise de rendez-vous. Si vous lui proposez de procéder à un service non assuré au cours de la consultation, vous devez lui indiquer au préalable le coût qu’il devra assumer et lui mentionner qu’il ne pourra pas se faire rembourser par un assureur ni par la RAMQ.

Lorsqu’une partie seulement des services est assurée, il est prudent d’expliquer clairement au patient pourquoi il en est ainsi. Vous réduirez les risques de devoir répondre à des questions de la part de la RAMQ à la suite de demandes de remboursement faites par les patients. Dans de telles situations, il est particulièrement important de préciser sur votre facture ou votre reçu quels frais sont liés au service non assuré ou lesquels sont liés au service assuré rendu le même jour.

Certains services esthétiques peuvent être offerts le jour même de la visite d’évaluation. Un patient peut alors se sentir obligé d’accepter un traitement pour satisfaire le médecin ou pour ne pas lui donner l’impression de lui faire perdre son temps. Pour éviter une telle perception, le médecin doit laisser au patient l’occasion de réfléchir à la possibilité de subir l’intervention et d’en assumer les coûts, quitte à reprendre rendez-vous. Toutefois, bon nombre de patients ne voudront pas se déplacer plusieurs fois pour obtenir le service et souhaiteront le recevoir le jour même. C’est pourquoi il n’est pas approprié de faire revenir systématiquement les patients pour des interventions simples. Il faut donc gérer ces situations au cas par cas.

Dans le cas d’interventions importantes qui exigent le recours à une salle d’opération ou à du personnel auxiliaire ainsi qu’un bilan préopératoire, une telle gestion n’est pas possible. Le médecin réservera des demi-journées ou des journées à ces chirurgies, distinctes du temps consacré aux évaluations cliniques. Les patients doivent alors prévoir deux visites.

Pour éviter que le patient se sente obligé de consentir à des services esthétiques, il faut lui offrir la possibilité de réfléchir à l’intervention proposée, quitte à ce qu’il reprenne rendez-vous.

Obligations d’affichage et facturation

Lorsque vous effectuez des services non assurés tout en participant au régime, n’oubliez pas que vous êtes tenu de respecter les exigences de la Loi sur l’assurance maladie concernant l’affichage de vos tarifs et le contenu de vos factures et reçus, y compris l’avis au patient quant à un recours possible auprès de la RAMQ. Un des problèmes fréquents, selon la RAMQ, est que les factures de certains médecins ne contiennent pas la liste détaillée des fournitures et des produits ni aucune mention du contexte dans lequel le service a été rendu.

Si vous n’êtes pas participant, vous devez aussi afficher vos tarifs et remettre des factures ou reçus détaillés. Toutefois, ces obligations découlent alors de la clause du Code de déontologie des médecins sur les reçus exigeant que vous inscriviez séparément les frais pour les fournitures et l’équipement ainsi que ceux pour les honoraires, les règles relatives à leur tarification étant bien différentes.

Si la RAMQ devait vous interroger sur les frais perçus ou que le syndic vous demandait des explications dans le cadre du processus de conciliation de comptes d’honoraires, une facture détaillée facilitera les échanges.

Tarification des services

De plus, pour respecter les exigences de votre code de déontologie, la facture doit préciser les honoraires professionnels demandés pour le service rendu et les fournitures requises et autres coûts inhérents. Vos honoraires doivent demeurer raisonnables par rapport à la nature du service et aux circonstances. Lorsque vous percevez aussi des frais pour des fournitures ou l’équipement (dans le cas de services non assurés), la position du Collège des médecins est que ces frais doivent correspondre au prix coûtant, sans entraîner de profits. En cas de doute, revoyez l’article de la chronique « Questions de bonne entente » de mars 2017 qui traite de la tarification des services non assurés et des modalités de facturation.

Travail avec des esthéticiennes

Le Collège a des exigences particulières lorsqu’un médecin exerce avec une esthéticienne ou dans un cabinet qu’il partage avec une esthéticienne. Cet encadrement touche aussi le type de publicité qu’il peut faire. Assurez-vous de revoir les écrits du Collège des médecins à cet égard.

Publicité

Dans ce secteur de pratique, il est plus fréquent de faire de la publicité afin d’augmenter la clientèle. Plusieurs règles spé­cifiques du Code de déontologie s’appliquent alors. Elles régissent la façon dont vous pouvez vous identifier (ne pas laisser sous-entendre que vous êtes spécialisé dans ces services), les promesses que vous pouvez faire quant aux résultats, le contenu des publicités sur les prix (leur durée, s’il y a un nombre maximal de patients). Si vous comptez faire de la publicité, assurez-vous de revoir les applicables de votre code de déontologie ou discutez-en avec le syndic du Collège des médecins, question de ne pas contrevenir aux règles par inadvertance.

Espérons que ce tour d’horizon évitera des problèmes aux médecins participants dont la pratique comporte un volet de médecine esthétique. Le mois prochain, nous traiterons de l’évaluation médicale en vue de l’ouverture d’un régime de pro­tection. D’ici là, bonne facturation ! //