Vers une rémunération équitable par rapport à celle des médecins spécialistes
Le conseil de la FMOQ vient de ratifier l’entente de principe conclue avec le gouvernement au sujet du renouvellement de l’accord-cadre. Les médecins de famille en ont auparavant approuvé le contenu au cours d’un vote électronique qui s’est déroulé du 20 au 27 septembre.
Au milieu de l’été, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) et le gouvernement ont conclu une entente de principe concernant le renouvellement de l’accord-cadre. La proposition, soumise aux médecins de famille à la fin de septembre, a été acceptée.
La nouvelle entente permettra-t-elle des augmentations ? Oui. L’argent viendra d’une part de la réduction de l’écart de rémunération entre les omnipraticiens québécois et leurs confrères spécialistes et, d’autre part, du rattrapage avec les médecins de famille de l’Ontario.
Avant même l’étude des différences de rémunération, le gouvernement accorde, pour le rattrapage avec les spécialistes, une avance sous la forme d’un accroissement de l’enveloppe budgétaire de 2,4 % : 1,0 % le 1er avril 2017 et 1,4 % le 1er avril 2019.
La Fédération a également pu négocier une nouvelle répartition des augmentations que le gouvernement lui avait demandé, en 2014, d’étaler. Résultat : la majorité de l’argent dû sera remboursé aux médecins de famille plus rapidement.
Comment seront distribuées les diverses augmentations de l’enveloppe ? Il y aura des hausses paramétriques des tarifs des médecins. Mais des sommes seront aussi destinées, notamment, à des domaines prioritaires déterminés par la FMOQ et le gouvernement, comme les CHSLD, les soins à domicile, l’interdisciplinarité et la rémunération des activités médico-administratives dans les établissements de santé (pour plus de détails, voir l’entrevue avec le Dr Louis Godin, p. 8).
L’entente, d’une durée de huit ans, débutera rétroactivement en avril 2015 (moment où se terminait l’ancien accord-cadre) et s’étendra jusqu’en mars 2023.
Comment sera déterminée la différence de rémunération entre les omnipraticiens du Québec et ceux de l’Ontario ? Le travail d’analyse sera confié à l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) qui se fondera sur les données de l’année 2015-2016.
Une fois que l’ICIS aura remis son rapport, un processus de négociations commencera alors. « Nous entamerons des discussions avec le gouvernement pour déterminer la différence à corriger. L’écart que déterminera l’ICIS ne sera pas net. Il faudra le considérer à la lumière de certains facteurs comme la charge de travail, la richesse collective, etc. », indique Me Philippe Desrosiers, chef négociateur de la FMOQ. Les parties devront notamment tenir compte de l’augmentation de 2,4 % que le gouvernement vient de consentir dans le but de réduire l’écart de rémunération avec les spécialistes.
Certaines balises prévues dans la nouvelle entente empêcheront le dossier de s’enliser. « Si on ne parvient pas à un accord avec le gouvernement au cours des négociations, il y aura une médiation. Si on ne s’entend toujours pas, ce sera l’arbitrage. Et au terme de tout ce processus, il y aura soit une décision de l’arbitre, soit une entente entre les parties. Cette manière de procéder est un gain que l’on n’avait jamais obtenu auparavant », affirme l’avocat.
La possibilité de nommer un arbitre est la clé qui évitera l’échec des négociations. Il sera choisi par les deux parties. « Ce sera un tiers à qui l’on confiera, en cas d’impasse, le mandat de trancher la situation. Et il aura ce pouvoir. »
Le nouvel accord-cadre précise par ailleurs clairement toutes les étapes du mécanisme de correction de l’écart qui doivent être franchies et impose un calendrier strict.
h De septembre 2017 à septembre 2018*
Travaux de l’ICIS
h De septembre 2018 jusqu’au début de 2019
Négociations entre la FMOQ et le MSSS pendant deux mois
Médiation durant deux mois si les négociations échouent
Arbitrage si la médiation échoue
hAvril 2019 †
Règlement du dossier de l’écart de rémunération avec les omnipraticiens ontariens
« Le gouvernement n’a jamais été aussi loin dans une entente avec les omnipraticiens. C’est un gain historique. Nous avons un engagement sur papier. Il y a une reconnaissance d’un écart à corriger avec un mécanisme clair de mise en branle », souligne l’avocat.
La FMOQ a bon espoir que l’ICIS conclura à une différence de rémunération entre les deux groupes de médecins. Divers travaux lui indiquent que les médecins de famille du Québec ont une rémunération inférieure à celle des omnipraticiens de l’Ontario.
En septembre 2019, ce sont les travaux sur l’écart de rémunération avec les spécialistes qui commenceront. Mais déjà le gouvernement aura augmenté de 2,4 % l’enveloppe des omnipraticiens en guise de premier versement des sommes à payer.
Le comité mixte FMOQ-gouvernement, qui sera mis sur pied pour étudier l’écart, devra remettre son rapport au plus tard le 1er septembre 2020. Les travaux ne devraient pas être très complexes en ce qui concerne le cœur du problème. « Il s’agit de calculer combien les spécialistes et les omnipraticiens ont reçu d’argent. Avec les données de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), on peut établir dans tous les milieux de pratique le différentiel qui existe. En 2015-2016, l’écart net de rémunération était de plus de 80 % », précise Me Desrosiers.
Une fois l’écart défini, les négociations avec le gouvernement débuteront alors. « Les parties vont entamer des négociations pour déterminer s’il y a une iniquité. La Fédération considère que 20 % est un écart raisonnable avec la rémunération des spécialistes. La littérature nous indique que la différence est de cet ordre dans le monde médical canadien. »
Le gouvernement va faire valoir certains arguments, mentionne le chef négociateur. « Ils pourront nous parler du bilan migratoire qui est peut-être plus élevé chez les spécialistes ou de la charge de travail, qui sera le critère fondamental. Les spécialistes prétendent qu’ils gagnent plus parce qu’ils travaillent plus. Il va falloir en discuter et négocier. Selon le dernier sondage de l’Association médicale canadienne, les médecins de famille travaillent autant qu’eux, sinon plus. »
Au-delà de l’argent, ce dossier est important en ce qui concerne l’équité. « On va vider une fois pour toutes la question : Est-ce qu’au Québec les médecins omnipraticiens sont désavantagés sur le plan de la rémunération par rapport aux spécialistes pour un travail similaire ou identique », indique le chef négociateur.
En 2014, le gouvernement du Québec avait exigé des omnipraticiens qu’ils acceptent d’étaler sur huit ans les augmentations que l’État devait encore leur verser selon l’entente de 2010-2015. Le nouvel accord-cadre prévoit une nouvelle redistribution plus avantageuse pour les médecins : même s’il sera réparti sur deux ans de plus que prévu, le remboursement sera versé en grande partie plus tôt (pour plus de précisions techniques, voir le texte p. 10).
« Dans l’entente sur l’étalement négociée il y a trois ans, les versements n’étaient pas similaires, explique Me Desrosiers. Les sommes les plus importantes étaient remises aux médecins à la fin de l’entente. Il était donc nécessaire de rééquilibrer les paiements. Le gouvernement voulait éviter les grands chocs dans les finances publiques, et nous de notre côté, voulions une répartition plus favorable pour les médecins. Ce sera le cas. Comme les versements seront similaires, les médecins toucheront la majorité de l’argent plus rapidement. »
L’enveloppe budgétaire des omnipraticiens sera également accrue par la non-atteinte de l’accord-cadre précédent. « On a regardé quelles sont les sommes qui n’ont pas été dépensées au 1er avril 2017 et qui auraient dû l’être. Cela peut s’expliquer par différentes raisons. Par exemple, le gouvernement et la FMOQ ont pu ne pas convenir d’une entente assez rapidement, il n’a pas été possible de mettre en place certaines mesures, la RAMQ a éprouvé certaines difficultés, etc. De nombreux facteurs ont fait en sorte qu’une non-atteinte s’est accumulée », mentionne le chef négociateur.
Au cours des négociations, la FMOQ a dû faire certaines concessions. Ainsi, pour obtenir le processus de correction de l’écart avec les médecins canadiens et les spécialistes québécois, elle a renoncé à la « clause remorque » qu’elle avait gagnée lors de ses négociations sur l’étalement. « L’accord prévoyait qu’on commencerait les négociations suivantes avec une hausse initiale qui serait le pourcentage d’augmentation consenti à la fonction publique. »
« Un rajustement de 2,4 % de l’enveloppe budgétaire globale est accordé afin de réduire l’écart de rémunération entre les médecins omnipraticiens et les médecins spécialistes. » (Entente de principe intervenue entre la FMOQ et le gouvernement) |
La Fédération estime qu’elle y gagnera au change. « Pourquoi ? Parce que le pourcentage de la clause remorque n’était pas fixé, explique Me Desrosiers. Certains groupes ont eu 3 %, d’autres 5 %. Il aurait pu y avoir un long débat judiciaire qui n’aurait d’ailleurs pas écarté la possibilité d’une loi imposant aux omnipraticiens une hausse de 3 %. On aurait également perdu la possibilité de régler le problème qui rallie depuis plusieurs années les médecins de famille : obtenir une rémunération adéquate par rapport à celle des médecins spécialistes. »
Le chef négociateur est satisfait du nouvel accord-cadre. Les conditions dans lesquelles les négociations avaient débuté pouvaient faire craindre le pire. L’opinion publique semblait moins favorable aux médecins qu’auparavant. Les médias se montraient plus critiques. L’opposition était hostile. Le gouvernement, lui, n’avait pas hésité à adopter de dures lois à l’égard des médecins. « On avait à sauver les meubles et à défendre bec et ongles la médecine familiale au Québec. »
Le président de la FMOQ, le Dr Louis Godin, n’a pas ménagé ses efforts. « Il a été l’acteur central des négociations. Il a obtenu une entente qui, pour moi, est historique. Nous avons fait des gains très importants. La FMOQ a préservé toutes les sommes auxquelles les médecins de famille avaient droit et obtenu une reconnaissance explicite de l’écart de rémunération qui existait entre les médecins omnipraticiens et les spécialistes. » Mais depuis longtemps, le Dr Godin travaillait à obtenir une rémunération qu’il considérait comme juste pour ses membres. //
Dans la nouvelle entente, le gouvernement a voulu préciser le calcul du facteur d’évolution de la pratique. Ce dernier comprend des éléments comme la croissance et le vieillissement de la population, mais surtout l’ajout net d’effectifs médicaux.
Chaque année, une hausse de 2 % sera appliquée. Si le facteur d’évolution réel est inférieur, le gouvernement n’assumera que la véritable dépense. « Donc, s’il est de 1,8 %, l’État versera 1,8 %. Le 0,2 % restera cependant en banque », explique Me Philippe Desrosiers, chef négociateur de la FMOQ.
Si le facteur d’évolution est supérieur à 2 %, le gouvernement ne paiera que pour la rémunération des nouveaux facturants. Dans le cas d’un dépassement de l’enveloppe, la nouvelle entente stipule que les parties devront convenir de mesures correctives pour rembourser le dépassement et éviter qu’il ne se reproduise.