Nouvelles syndicales et professionnelles

Conseil de la Fédération

une nouvelle entente pour les médecins de famille

Emmanuèle Garnier  |  2017-10-26

Le conseil de la Fédération, qui s’est réuni le 30 septembre dernier, a ratifié l’entente de principe destinée à régir la rémunération et les conditions de pratique des médecins de famille.

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Dr Godin

Le conseil général de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) a accepté à l’unanimité l’entente de principe conclue en juillet avec le gouvernement provincial. Les médecins de famille ont ainsi un nouvel accord-cadre qui régit leur rémunération et leurs conditions de pratique.

La décision des délégués du conseil reflétait celle de leurs membres. Entre le 20 et le 27 septembre, 60 % des omni­praticiens ont voté par voie électronique et ont approuvé l’entente à 96 %. « C’est un mandat sans équivoque », a souligné le Dr Louis Godin, président de la Fédération.

La nouvelle entente, qui a permis de régler plusieurs dossiers importants, donne une certaine latitude à la FMOQ. Elle pourra devancer plusieurs mesures. « Nous allons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour accorder les augmentations et faire les versements le plus tôt possible », a indiqué le président.

L’étalement

Le premier grand pan du nouvel accord-cadre dont les mé­decins de famille verront les effets concrets est le dossier de l’étalement. Ainsi, une somme rétroactive sera rapide­ment versée :

h aux cliniciens qui devaient bénéficier de la rémunération mixte et aux médecins d’urgence qui devaient avoir une augmentation en 2014 ;

h aux praticiens qui ont pris leur retraite en 2014-2015 et en 2015-2016, et pratiquaient jusqu’alors ;

h à tous les omnipraticiens en pratique en 2014-2015 et pendant au moins une partie de 2015-2016 : ils recevront une hausse touchant l’ensemble de la facturation de cette période.

D’où viendra l’argent ? Il s’agit de sommes que le gouvernement doit déjà aux omnipraticiens. En 2014, l’État leur avait demandé d’étaler sur huit ans les augmentations qu’il avait accordées pour 2014, 2015 et 2016, selon l’ancien accord-cadre.

La nouvelle entente prévoit donc un nouveau calendrier pour le remboursement de l’argent qui aurait dû être versé aux omnipraticiens en hausses de 2014 à 2016. Même s’il s’étend jusqu’en 2023-2024, le nouvel échéancier permet la remise plus rapide de la majorité de la somme à recevoir. Ainsi, très bientôt, dès 2017-2018, un premier versement sera effectué sous la forme d’une rétroactivité ou d’un paiement forfaitaire sur la base des années de pratique de 2014-15 et 2015-16 d’abord.

L’argent dû sera donc remboursé, mais le gouvernement doit aussi reprendre les augmentations qu’il a suspendues. À cause de ce gel, certaines mesures, comme l’entrée en vigueur du mode de rémunération mixte, ont été retardées. Le gouvernement a déjà recommencé à accorder quelques hausses. La nouvelle entente permet aux médecins de famille d’obtenir le reste plus tôt que prévu. En 2018-2019, ils bénéficieront, grâce à l’utilisation de sommes non récurrentes, d’une augmentation qui totalisera le reste des hausses qu’ils devaient encore avoir.

Les futures mesures

Le nouvel accord-cadre devrait par ailleurs permettre aux omnipraticiens d’obtenir de nouvelles sommes. Comment sera utilisée la nouvelle enveloppe ? « Nous allons faire un premier blitz le 1er avril 2018. Chacun des présidents d’association sera consulté pour établir une liste de priorités. Quels sont les grands dossiers ? Quels sont les plus importants à mettre de l’avant à court terme ? », a indiqué le président.

La FMOQ envisage, sans qu’aucune décision définitive ne soit prise, plusieurs manières d’employer les sommes à venir :

h Augmentations paramétriques. Les présidents d’association ont déjà commencé à donner leur avis sur certains points. « Il en ressort qu’il y aura certainement des hausses paramétriques, c’est-à-dire qui s’appliqueront sur l’ensemble des tarifs pour tous les médecins de famille. »

h CHSLD. Le nouvel accord-cadre prévoit une révision globale du dossier des CHSLD pour améliorer l’accès aux soins et leur continuité. La Fédération et le ministère de la Santé ont déjà commencé à étudier le dossier. « Nous discutons de façon sérieuse de certaines propositions », a indiqué le Dr Godin.

h Soins à domicile. Certaines mesures pourraient être mises sur pied pour valoriser les soins à domicile et assurer l’accès à ce service.

h Travail médicoadministratif en établissement. La loi 10* a accru le travail médicoadministratif. Certains omnipraticiens en font les frais : ils doivent s’acquitter de tâches pour lesquelles ils ne sont pas rétribués. « Nous allons corriger la situation. Est-ce que l’on va adopter les mêmes mesures que les spécialistes ? Nous allons étudier la question. Nous avons des réalités différentes comme médecins de famille. Nous allons donc regarder quelles tâches sont plus importantes à rémunérer et surtout à quelle hauteur il faut le faire. »

h Prise en charge. La prise en charge des patients reste une priorité pour la FMOQ. « Nous n’avons pas arrêté la manière dont nous allons la favoriser. Allons-nous augmenter le tarif des visites ou les forfaits ? Nous allons nous pencher sur les suggestions des différentes associations. »

Équité avec les omnipraticiens ontariens

DG Conseil général FMOQ

La nouvelle entente comporte un gain qui pourrait se révéler particulièrement important : l’engagement écrit du gouvernement à étudier l’écart de rémunération entre les omnipraticiens québécois et leurs confrères de l’Ontario. L’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) sera chargé de chiffrer la différence de rétribution. L’organisme vient d’ailleurs tout juste de rencontrer les responsables de la FMOQ pour commencer ses travaux. Il a jusqu’en septembre 2018 pour remettre son rapport.

Une fois les chiffres en main, la Fédération et le gouvernement négocieront ensuite pour déterminer l’écart à corriger en tenant compte de différents facteurs. Si les parties ne s’entendent pas au bout de deux mois, un processus de médiation qui durera lui aussi deux mois s’enclenchera. Puis il y aura, au besoin, le recours à un arbitre, un atout important. « Le système d’arbitrage sera semblable à celui dont disposent les juges au Québec. Cela nous donne les meilleures garanties possible pour obtenir un résultat », a mentionné le président.

Écart avec les spécialistes

Le nouvel accord-cadre permet également une percée cruciale. « L’élément le plus important de la nouvelle entente, à mon sens, concerne l’écart de rémunération entre les médecins omnipraticiens et les médecins spécialistes », a souligné le Dr Godin. Les travaux pour définir la différence de revenus entre les deux groupes commenceront en septembre 2019. À titre d’avance, le gouvernement accordera une augmentation de 1 % le 1er avril 2017 et une hausse de 1,4 % le 1er avril 2019.

Mais l’écart avec les spécialistes ne risque-t-il pas de s’accroître à nouveau une fois que ces derniers auront renégocié leur propre entente ? « Nous avons obtenu des garanties pour nous assurer que la réduction de l’écart ne sera pas annulée par différentes mesures ultérieures », a indiqué le président.

Par ailleurs, la différence de rémunération entre médecins de famille et spécialistes sera comparée non seulement de manière globale, mais aussi dans des secteurs de pratique précis. « Nous allons regarder la rétribution de tâches similaires faites par un médecin de famille et par un médecin spécialiste. Nous analyserons également la rémunération des différents secteurs de la médecine familiale en tenant compte des frais liés à la pratique de ces activités et du moment où elles sont faites, particulièrement le soir, la nuit et la fin de semaine. »

Dans l’ensemble, la nouvelle entente a permis de régler plusieurs dossiers importants. « Les enjeux de ces négociations, outre l’engagement du gouvernement à effectuer deux études sur l’écart de rémunération, étaient de devancer le remboursement de l’étalement, tout en obtenant une avance de 2,4 % pour la correction de l’écart », résume pour sa part M. Denis Blanchette, directeur des Affaires économiques à la Fédération. //

* Le véritable nom de la loi est : Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales.

Incorporation

En juillet dernier, le ministre des Finances du Canada, M. William Morneau, présentait de nouvelles stratégies de planification fiscale utilisant des sociétés par actions privées. Il annonçait entre autres des modifications touchant des avantages dont se prévalent les médecins.

Au cours du conseil, le Dr Louis Godin, président de la FMOQ, a expliqué les démarches qu’il a faites dans le cadre des consultations organisées par le gouvernement fédéral. « Nous avons remis un document très technique, fait par des fiscalistes, qui explique dans le fin détail toutes les conséquences et surtout l’iniquité que peut produire le fait de retirer certains avantages de la loi de l’impôt aux corporations créées par les médecins. Nous avons mentionné en particulier la question de l’imposition des sommes accumulées. »

Dans la lettre qui accompagnait le mémoire, le Dr Godin expose au ministre la situation particulière de ses membres. « Nous croyons notamment que certaines orientations doivent être revues au nom de l’équité, notamment eu égard à la possibilité pour les médecins de se constituer un fonds de retraite ayant un quelconque lien avec la rémunération touchée durant leur carrière active, comme les juges ou les hauts fonctionnaires, par exemple, qui ont bien souvent accès à un régime complémentaire de pension. »

On peut consulter le mémoire sur fmoq.org.

Nouveau membre émérite

Dr Claude Saucier

Dr Claude Saucier

Ancien président de l’Association des médecins omnipraticiens de Laval et ex-deuxième vice-président de la FMOQ, le Dr Claude Saucier a été nommé membre émérite. La Fédération tenait à souligner qu’il a « été un modèle de médecin de famille, apprécié autant de ses patients, de ses collègues que du personnel ». Doté d’un esprit d’entrepreneuriat et d’idées avant-gardistes, le Dr Saucier a œuvré comme gestionnaire pour que la population soit bien servie et que la tâche des médecins soit facilitée. Il s’est également « investi avec passion et conviction dans l’administration et l’organisation du réseau de la santé. » Sur le plan syndical, il a été un président d’association rassembleur et à l’écoute de ses membres.

Au cours de ses 23 ans de syndicalisme, dont 17 en tant que membre du bureau, le Dr Saucier a vu les médecins de famille faire des gains. « Ça n’a pas toujours été facile et ça ne s’est pas fait tout seul, a affirmé le clinicien. Les défis sont encore grands quand on regarde ce que l’on vit en ce moment. On pourrait dire que l’on subit un certain acharnement. Mais notre force réside principalement dans la relation que nous établissons avec nos patients et dans la qualité de l’acte médical que nous leur prodiguons. »