de nouvelles règles pour la pratique en établissement
La Loi modifiant certaines dispositions relatives à l’organisation clinique et à la gestion des établissements de santé et de services sociaux, communément appelée loi 130, qui a été adoptée le 25 octobre, apporte d’importants changements pour les médecins.
La nouvelle loi 130, sur l’organisation clinique et la gestion des établissements de santé, comporte peu de bonnes nouvelles pour les médecins. Le projet de loi présenté l’an dernier l’avait cependant déjà annoncé.
La nouvelle loi retire ainsi certains acquis aux médecins exerçant dans les hôpitaux. Dorénavant, le droit de pratique dans un établissement ne sera plus reconduit comme il l’était auparavant. « Une demande de renouvellement constitue presque chaque fois une nouvelle demande », explique Me Pierre Belzile, chef du Service juridique de la FMOQ.
Maintenant, le directeur général d’un établissement de santé doit obtenir du directeur des services professionnels (DSP) la confirmation qu’un médecin a respecté ses obligations dans le passé avant de soumettre la demande de renouvellement de ses privilèges au conseil d’administration (CA).
Le directeur général doit également demander, comme auparavant, une recommandation quant aux qualifications et à la compétence du clinicien au conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP).
Le statut et les privilèges à accorder au médecin continueront à être recommandés par le CMDP. Il en ira toutefois autrement des obligations du clinicien. La loi indique dorénavant que celles-ci doivent « avoir pour but d’assurer la participation du médecin (...) aux responsabilités de l’établissement, notamment en ce qui a trait à l’accès aux services, à leur qualité et à leur pertinence. » Le ministre peut intervenir lui-même pour imposer des obligations additionnelles.
Par ailleurs, les médecins qui ont un statut de membre associé se verront refuser leur demande de nomination ou de renouvellement si un médecin ayant un statut de membre actif peut les remplacer. « Est-ce que le ministère ne veut avoir que des médecins à temps plein ? », se demande Me Belzile.
La loi 130 resserre davantage certaines obligations créées par la loi 10*. Selon cette dernière, le médecin d’un établissement peut devoir aller donner un coup de main dans une autre installation que la sienne pour éviter une rupture de service. « Avec la loi 130, l’obligation n’est plus limitée à trois mois ni à une installation située à moins de 70 km, précise Me Belzile. Cet aspect est très important et laissé au pouvoir discrétionnaire du ministre. »
Un médecin qui refuserait d’aller dans une autre installation pourrait éventuellement en subir les conséquences. « Il ne faut pas oublier qu’au moment du renouvellement des privilèges du médecin, le directeur des services professionnels doit attester que ce dernier a toujours bien rempli ses obligations et ses engagements. »
Au cours des prochains mois, les établissements devront modifier les avis de nomination de tous leurs médecins et les rendre conformes à la nouvelle loi. « La loi 130 donne une latitude beaucoup plus importante au conseil d’administration et aux autorités médicales de l’établissement pour intervenir dans les privilèges et les obligations », note Me Belzile.
* Le nom exact de la loi 10 est : Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales.
La loi 130 n’est pas tout à fait identique au projet de loi qui a été présenté l’an dernier. L’une des principales différences : la possibilité que le ministre se donnait de lier le droit de pratique en deuxième ligne à des obligations en première ligne a disparu. Dans la version initiale, un médecin qui aurait désiré exercer dans un hôpital aurait pu, par exemple, avoir à suivre un certain nombre de patients dans la collectivité. La Fédération s’y était opposée vigoureusement dans son mémoire.
Qu’en est-il dorénavant dans la nouvelle loi ? L’article 7 ne mentionne plus que les obligations liées aux privilèges en établissement « doivent avoir pour but de combler les besoins en médecine de famille de première ligne » (encadré).
La loi stipule maintenant que pour « combler des besoins en médecine de famille ou en médecine spécialisée, le ministre peut, lorsqu’il donne l’approbation requise [à une nomination] (...), exiger l’ajout de certaines obligations aux privilèges que le conseil d’administration compte octroyer aux médecins. »
Les conséquences de ce changement ? « Le ministre a conservé le pouvoir d’exiger des obligations, mais il ne parle plus de le faire en dehors de l’établissement. La Fédération estime donc que cela signifie qu’il ne peut exiger que l’octroi de privilèges en établissement soit conditionnel au suivi de patients en première ligne », explique Me Belzile.
La réponse définitive va venir dans les règlements qui baliseront la loi. Ils ne sont toutefois pas encore publiés. Normalement, la FMOQ sera consultée lors de leur élaboration. S’ils se révélaient défavorables, la « Fédération devra se pencher sur les meilleures actions à entreprendre », affirme le chef du Service juridique.
Dans un établissement de santé, le CMDP est un organe important dont l’une des fonctions est de faire des recommandations. Entre autres sur l’organisation clinique. La loi 130 retire au CMDP son pouvoir de recommandation à l’égard des plans d’organisation de l’établissement, que ce soit au sujet des départements, des programmes cliniques ou des actes médicaux. Il ne sera dorénavant que consulté.
« Les plans d’organisation clinique vont donc venir d’ailleurs, d’en haut. Avant, il y avait une dynamique qui allait du bas, c’est-à-dire des médecins et du CMDP, vers le haut, et là, c’est l’inverse », mentionne Me Belzile.
Le CMDP a également perdu son pouvoir de recommandation concernant les obligations qui se rattachent au droit de pratiquer dans un établissement. Le conseil ne sera, là encore, que consulté. « C’est un énorme changement. Avant, les obligations d’un médecin, comme la garde, étaient déterminées par les pairs. C’était le CMDP, donc les médecins, qui se penchait sur cette question. Les obligations vont maintenant venir de Québec, des hautes autorités ou du plan ministériel. »
La loi 130 a ainsi grandement réduit l’importance du CMDP. « Le pouvoir de faire des recommandations est, comme son nom l’indique, un pouvoir. Le fait d’être consulté n’en est pas un », précise Me Belzile.
Dans le projet de loi 130, présenté il y a un an, le mot « ministre » apparaît 55 fois en 22 pages : « le ministre autorise... », « le ministre approuve... », « le ministre peut... ». Le texte de la nouvelle loi est un peu différent, mais le ministre y reste très présent.
Ainsi, dans la loi 130, le ministre de la Santé doit autoriser tout projet de règlement qui vient du CA d’un établissement, du CMDP ou du département régional de médecine générale et il peut le modifier (article 36). Les établissements doivent lui transmettre leurs plans d’organisation administrative, professionnelle et scientifique, et le ministre se donne le droit d’intervenir (article 6). Il approuve également les nominations des médecins dans les établissements et peut leur imposer des obligations supplémentaires, comme on l’a mentionné.
« Il s’agit d’une microsurveillance des instances locales », résume Me Belzile. Mais il y a plus. « Il y a une concentration des pouvoirs dans une approche autoritaire et coercitive. » La loi 130 vient d’ailleurs compléter la loi 10 et la loi 20†. « Ce qui ressort de ces trois lois, ce sont les pouvoirs personnels, qui relèvent de l’arbitraire et de l’autocratie, que se donne le ministre », estime l’avocat. //
† Le nom exact de la loi 20 est : Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée.
Il est intéressant de voir la transformation de l’article 7 à partir du projet de loi jusqu’à sa forme définitive dans la loi 130.
« Afin de combler des besoins en médecine de famille ou en médecine spécialisée, le ministre peut, lorsqu’il donne l’approbation requise [à une nomination] en vertu de l’article 240 de cette loi, exiger l’ajout de certaines obligations aux privilèges que le conseil d’administration compte octroyer aux médecins. »
L’article ne contient plus deux phrases (en gras dans le paragraphe suivant) qui l’encadraient dans le projet de loi.
« Afin d’assurer le respect du plan de répartition des médecins de famille en première ligne prévu au deuxième alinéa de l’article 91, le ministre peut, lorsqu’il donne l’approbation requise [à une nomination] en vertu de l’article 240 de cette loi, exiger l’ajout de certaines obligations aux privilèges que le conseil d’administration compte octroyer au médecin. Ces obligations doivent avoir pour but de combler les besoins en médecine de famille de première ligne. »
Que signifie la disparition des deux phrases ? « À ce stade-ci, la lecture que l’on fait de la version définitive de l’article 7, c’est que le ministre a modifié de façon importante son intention de départ qui était d’assortir l’exercice des privilèges en établissement à des obligations de prise en charge en première ligne. On sait toutefois qu’il s’est gardé des pouvoirs personnels importants par lesquels il peut exiger l’ajout de certaines obligations, mais pour nous ce serait des obligations intraétablissement », indique Me Pierre Belzile, chef du Service juridique à la FMOQ.