Les médecins qui font du suivi prénatal semblent être nombreux à subir des refus lors de leur facturation de la visite de prise en charge de la grossesse. La cause semble être une incompréhension de certaines des exigences de cette visite. Revoyons-les !
Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. |
Les médecins peuvent effectuer du suivi prénatal selon différents modèles. Certains ne font que du suivi sans faire d’accouchements, certains font du suivi tardif et des accouchements. Enfin, d’autres font tout, parfois comme pratique unique et parfois en l’intégrant dans leur pratique de prise en charge générale.
La déclinaison des visites de prise en charge de la grossesse a été conçue en tenant compte de ces différentes réalités et aussi des incitatifs existants pour favoriser la prise en charge de la grossesse pendant le premier trimestre. C’est l’interaction entre ces divers éléments qui explique la majeure partie des problèmes de facturation.
La visite de prise en charge de la grossesse doit avoir lieu sur rendez-vous, exigence qui ne semble pas poser problème aux médecins. La patiente n’a pas à être inscrite auprès du médecin ni même auprès d’un médecin. Toutefois, lorsque le médecin effectue de la prise en charge et du suivi d’une clientèle inscrite, cela peut avoir des répercussions sur le tarif des différentes visites prénatales. De plus, si la patiente est inscrite auprès du médecin ou d’un membre du même groupe de pratique (attesté par le formulaire 4060 rempli par les différents membres du groupe), le médecin peut se prévaloir de la tarification spécifique aux patients vulnérables. Cependant, si la patiente vulnérable n’est pas inscrite auprès d’un médecin du groupe (à moins qu’il l’inscrive lui-même) ou est inscrite auprès d’un médecin ne faisant pas partie du groupe, le médecin qui fait le suivi ne peut se prévaloir du tarif pour patients vulnérables.
Notez qu’un seul médecin peut facturer la visite de prise en charge, sauf si un premier médecin n’assure qu’une portion du suivi et dirige la patiente vers un deuxième médecin qui fera le reste du suivi et l’accouchement. Dans une telle situation, les deux médecins peuvent se prévaloir de la visite de prise en charge.
Il est courant pour des médecins d’assurer le suivi de grossesse en groupe du fait qu’ils partagent la garde en disponibilité pour les patientes qui accouchent. Afin que chaque patiente connaisse les différents médecins qui pourraient être de garde lorsque l’accouchement aura lieu, ils s’assurent que tous les médecins voient toutes les patientes au moins une fois durant le suivi. Dans un tel scénario, les autres membres du groupe de garde ne peuvent pas facturer la visite de prise en charge de la grossesse et doivent s’en tenir à la visite de suivi de grossesse.
La visite peut être réclamée lors de la « première évaluation d’une patiente dont le médecin assurera le suivi prénatal ou d’une portion de celle-ci ». Le médecin doit, lors de cette visite ou d’une visite subséquente, remplir les formulaires appropriés (soit les feuilles 1, 2 et 3 du suivi prénatal).
Même si le médecin compte diriger la patiente vers un autre médecin pour une part importante du suivi prénatal, il doit remplir les formulaires de suivi et prévoir le bilan approprié. Le médecin qui ne le ferait pas, surtout s’il oriente très rapidement la patiente vers un autre médecin, n’a probablement aucune intention d’assurer la prise en charge et le suivi de la patiente et ne devrait donc pas facturer le tarif de la visite de prise en charge. Il devrait plutôt réclamer un autre type de visite, selon les exigences de chaque visite.
Avant le passage à la nouvelle nomenclature, il existait un supplément lorsque la prise en charge de grossesse se faisait durant le premier trimestre. Lorsqu’un premier médecin dirigeait la patiente, au cours du premier trimestre, vers un deuxième médecin en vue du suivi et de la prise en charge de la patiente durant le premier trimestre, le supplément était versé au deuxième médecin. Ce supplément est dorénavant intégré dans le tarif de la visite de prise en charge de grossesse, ce qui explique les trois visites de prise en charge de la grossesse : 1. durant le premier trimestre sans orientation vers un autre médecin, 2. durant le premier trimestre avec orientation vers un autre médecin et 3. après le premier trimestre.
Pour que ce soit clair, le médecin qui n’assure aucun suivi obstétrical et qui ne remplit pas les feuilles 1, 2, 3 ne devrait pas réclamer la visite de prise en charge quelle qu’en soit la forme.
Le médecin qui fait un certain suivi, mais qui n’effectue pas d’accouchements peut avoir convenu d’une entente avec un médecin accoucheur afin d’effectuer le suivi jusqu’à vingt semaines ou plus, mais prévoir précocement l’orientation de la patiente pour s’assurer qu’elle sera vue au moment opportun. Dans ce contexte, diriger une patiente durant le premier trimestre de façon à ce qu’elle soit effectivement prise en charge vers 20 ou 24 semaines n’empêche pas le médecin de se prévaloir du tarif de la visite de prise en charge de la grossesse sans orientation durant le premier trimestre.
Question d’éviter un refus de paiement, le médecin qui réclame la visite de prise en charge d’une patiente qui est dirigée vers lui par un autre médecin doit indiquer le nom et le numéro de pratique de ce médecin. |
Théoriquement, celui qui assure un suivi précoce, mais de courte durée (de six à onze semaines, par exemple) et qui dirige systématiquement ses patientes vers un autre médecin pour le suivi subséquent et l’accouchement peut se prévaloir du tarif de la visite de prise en charge. Cependant, le code applicable variera selon que la patiente est ou non prise en charge durant le premier trimestre par le médecin vers lequel elle est dirigée. On peut supposer que cette situation se présente relativement rarement.
Enfin, le médecin qui fait la prise en charge (directement ou après orientation) et qui envisage d’effectuer l’accouchement (ou qui fait partie du groupe qui assurera l’accouchement des patientes qu’il suit) peut se prévaloir de la visite de prise en charge, selon le moment où a lieu la première visite.
Si un tel médecin est le premier à prendre en charge la patiente enceinte, il réclamera le code 15805 ou 15806 pendant le premier trimestre ou encore le code 15809 ou 15810 si la prise en charge a lieu après le premier trimestre. S’il fait le suivi durant le premier trimestre d’une patiente orientée par un autre médecin durant le premier trimestre, il réclamera alors le code 15805 ou 15806. Si c’est après le premier trimestre, il devra utiliser le code 15809 ou 15810.
En ce qui a trait au médecin qui dirige la patiente vers un autre médecin, s’il le fait durant le premier trimestre, il doit réclamer le code 15807 ou 15808. S’il le fait après le premier trimestre, mais assure le suivi en attendant d’arriver au moment de la grossesse prévue pour la prise en charge par son confrère, il doit plutôt se prévaloir du code 15805 ou 15806.
Selon des médecins qui font du suivi obstétrical, certains collègues qui n’effectuent pas de suivi obstétrical ni d’accouchements n’orientent pas leurs patientes vers eux. Ils se contenteraient d’indiquer aux patientes enceintes qui les consultent qu’elles doivent prendre rendez-vous avec un médecin qui fait des accouchements, sans leur fournir de demande de consultation ni de document pour faciliter leur transfert. Dans d’autres cas, c’est la patiente qui « magasine » (sans le dire au médecin) en consultant plus d’un médecin avant d’arrêter son choix.
On peut imaginer que « l’orientation fantôme » viserait à réclamer le tarif le plus élevé associé à la prise en charge de grossesse durant le premier trimestre, même si le médecin ne compte pas assurer le suivi. Or, cette façon de faire détournerait la rémunération que les parties ont voulu accorder au médecin qui fait la prise en charge de patientes enceintes. Si des médecins ont de telles pratiques, ils doivent être conscients que la RAMQ va prochainement resserrer ses règles de contrôle et qu’ils pourront subir des récupérations.
Le médecin qui réclame la visite de prise en charge pour une patiente qu’un autre médecin lui a envoyée doit de plus respecter une exigence spécifique de la RAMQ pour permettre la validation de sa facturation. Il doit indiquer le numéro de pratique du médecin qui a dirigé la patiente vers lui, ou son nom, prénom et profession (spécialité). En l’absence de ces informations, la RAMQ refusera la facturation.
Advenant qu’un médecin dans cette situation réclame le code 15805 ou 15806 et indique le nom et numéro du médecin qui a dirigé la patiente vers lui, il est possible que le premier médecin ait réclamé le même code plutôt que le code 15807 ou 15808. Depuis la mise en vigueur de ces codes, la RAMQ se contentait de refuser la facturation du deuxième médecin. Elle doit prochainement modifier ses contrôles pour récupérer les sommes versées au premier médecin qui a dirigé la patiente, qui devra modifier sa facturation en indiquant le code 15807 ou 15808.
Espérons que ces informations vous permettront d’éviter les refus de paiement, les critiques de vos collègues ou la récupération par la RAMQ. Le mois prochain, nous traiterons des différentes notions d’année dans l’Entente. D’ici là, bonne facturation ! //