fixer un tarif
Nous avons vu, dans notre article précédent, qu’exception faite de ce qui est permis par règlement, les frais accessoires à des services assurés ne peuvent plus faire l’objet de facturation à un patient. Mais nous avons aussi vu que les services non assurés ou les fournitures ou services liés à des services non assurés ne sont pas visés par cet interdit. Reste à discuter de la tarification de tels services.
La Loi sur l’assurance maladie encadre les services assurés et les autres services dont le ministre confie le paiement à la Régie de l’assurance maladie. Plus spécifiquement, l’entente entre la FMOQ et le ministre fixe les tarifs pour ces différents services. Les médecins participants, soit la vaste majorité d’entre vous, sont liés par ces tarifs. Cependant, cet encadrement ne prévoit rien pour les services non assurés. Il faut donc regarder ailleurs pour des indications.
C’est le Collège des médecins du Québec qui prévoit des règles dans le Code de déontologie. Ces règles ont évolué un peu dans le temps, le plus récemment par la mise en vigueur d’articles nouveaux le 26 janvier dernier. De plus, si un patient trouve votre facture trop élevée (autant vos honoraires que les frais pour fournitures), il peut s’adresser au bureau du syndic du Collège pour la conciliation de vos honoraires. Le syndic vous demandera alors de justifier comment vous avez établi les montants réclamés.
D’abord, il faut noter que le Code de déontologie fait la distinction entre les frais réclamés pour les médicaments et fournitures que le médecin utilise lorsqu’il rend des services et les honoraires pour le service rendu. La Loi sur l’assurance maladie fait la même distinction lorsqu’elle exige qu’un médecin affiche les frais qu’il réclame et produise une facture détaillée. Il doit alors différencier les honoraires demandés pour le service rendu et les frais perçus pour les différentes fournitures utilisées lorsqu’il rend un service. Les motivations du Collège et du ministère sont toutefois différentes.
Dans le cas du Collège des médecins, la préoccupation est probablement de limiter les conflits d’intérêts. Il est inévitable qu’un médecin perçoive des honoraires pour ses services professionnels et qu’il en retire un revenu net. Il n’exercerait pas autrement. Toutefois, plus les revenus nets qu’il retire des produits, médicaments ou fournitures qu’il fournit sont importants, plus on pourra croire que cette réalité économique influe sur ses recommandations.
Dans le cas de la RAMQ, la distinction entre honoraires et fournitures, produits et médicaments a un simple but de contrôle. La réglementation pouvant dicter un résultat différent dans un cas et dans l’autre, la RAMQ a besoin d’information distincte sur chacun.
Le médecin qui administre des médicaments dans un cadre non assuré (Botox à des fins esthétiques, produits sclérosants injectés dans des varices) ou des fournitures (produits requis pour effectuer une échographie de surface en cabinet) doit respecter l’article 76 du Code de déontologie qui énonce qu’il ne peut percevoir un montant disproportionné.
Une telle formulation exige du syndic, lorsqu’il veut amener un médecin en comité disciplinaire au motif qu’il perçoit des frais disproportionnés, de faire la preuve que ces frais sont disproportionnés. On peut donc supposer qu’il y a place à discussion avec le Collège si votre tarification est remise en cause, la notion de disproportion laissant effectivement place à une certaine interprétation.
Il doit aussi respecter l’article 73, en vigueur depuis le 26 janvier, qui prévoit qu’un médecin ne doit pas « rechercher ou obtenir un avantage financier par l’ordonnance [...] de médicaments ». L’intention déclarée du Collège des médecins à cette fin est de s’assurer que les frais réclamés aux patients pour les produits administrés ne constituent pas une source de profits pour le médecin. On note que l’exigence de la preuve est modifiée par rapport à la formulation antérieure (disproportion). En effet, dans le cadre d’une plainte disciplinaire, le syndic n’aurait qu’à démontrer que le médecin retire un avantage financier de la prescription de médicaments ou de fournitures. Il n’aurait pas de plus à démontrer qu’un tel bénéfice est disproportionné. On peut toujours supposer qu’il y a place à une certaine discussion comptable sur le calcul du coût des différents produits utilisés, mais la place à l’interprétation est réduite par rapport au contexte actuel.
De plus, comme les situations dans lesquelles il est possible de réclamer des frais pour des fournitures ou des médicaments sont beaucoup plus limitées que par le passé, on peut supposer que le risque de faire l’objet de vérifications pour cette raison augmente d’autant.
Le Code de déontologie prévoit, à l’article 104, que les honoraires demandés doivent « être justifiés par la nature et les circonstances des services professionnels rendus ». Il va de soi que vous pouvez retirer une rémunération (ou faire du profit) de ces activités. Vous comprendrez donc l’importance que le Collège attribue à la distinction, lors de votre facturation, entre honoraires et paiements pour des médicaments ou des fournitures.
En ce qui a trait aux honoraires, ce qui sera raisonnable tiendra compte du temps requis pour effectuer un service, mais aussi de l’expertise particulière que vous avez dû acquérir.
Enfin, lorsque vous facturez des frais à des patients, n’oubliez pas de leur remettre une facture ou un reçu détaillé indiquant spécifiquement chacun des éléments facturés et le montant demandé, tant en cabinet qu’en établissement. En cabinet, le document devrait aussi décrire le recours possible auprès de la RAMQ si le patient se demande si la facturation d’un service est permise. La grille tarifaire indicative de la Fédération intègre un tel avis au bas de la page. Vous pouvez reproduire ce texte sur vos factures ou reçus pour respecter les exigences de la loi.
En cabinet, la Loi sur l’assurance maladie vous oblige à afficher les frais dans votre salle d’attente et à les respecter. Cependant, elle ne prévoit rien en établissement. Le Code de déontologie énonce aussi une règle générale selon laquelle tout médecin doit afficher les frais pour ses services. Donc, les médecins en établissement sont tenus d’en faire autant. En ce qui a trait au degré de précision à prévoir sur la facture pour les services ou sur le reçu pour le paiement, rien n’est prévu. Toutefois, l’exigence d’un consentement éclairé s’applique aussi aux paiements. Quelle meilleure façon de s’assurer que le patient comprend bien que de lui donner l’ensemble de l’information requise. De plus, si vos frais faisaient l’objet d’une contestation ou d’un contrôle (par la RAMQ ou par le Collège), un reçu détaillé pourrait servir de base objective à l’évaluation sans vous obliger à fournir ces informations a posteriori.
Un règlement du Collège à l’étude imposera, s’il est adopté, l’obligation pour le médecin exerçant en cabinet de garder des registres, dont un spécifique sur les sommes réclamées aux patients, contenant la date, le nom du patient, la nature de chacun des services facturés et le montant. La date d’application étant tributaire de l’adoption du règlement, elle n’était pas encore connue au moment de la rédaction.
On peut supposer que le Collège compte ainsi plus facilement s’assurer que les médecins respectent leurs obligations déontologiques. D’autres organismes de contrôle pourraient, par ailleurs, trouver un tel registre intéressant, soit les autorités fiscales et la RAMQ. Anciennement, la loi permettait seulement à la RAMQ de rembourser une personne assurée pour les frais perçus en contravention de la loi et de récupérer le montant en cause auprès du professionnel fautif. La RAMQ ne disposait pas d’un droit général de récupération des montants perçus en contravention de la loi en l’absence d’une demande d’une personne assurée. Elle pouvait toutefois imposer des amendes en cas de non-respect des exigences de la loi.
La loi prévoit aujourd’hui tant le recours du patient que de la RAMQ et peut viser des services rendus jusqu’à cinq ans plus tôt. Comme la loi n’a pas d’effet rétroactif, le recours d’un patient ne pourra viser que des services rendus avant le 7 décembre 2015. Reste à préciser si la date limite du recours de la RAMQ est le 7 décembre 2015 ou 2016.
Notez, de plus, que la RAMQ a, par le passé, remboursé des montants à des personnes assurées sans faire immédiatement une réclamation auprès du professionnel en cause. Elle a ainsi accumulé plusieurs remboursements sur plus d’un an avant de communiquer avec le médecin. Bien que cette façon de procéder puisse paraître abusive, la RAMQ dispose techniquement de trois ans pour demander le remboursement au médecin, sans compter la possibilité d’une amende en cas de contravention. Vous comprendrez que, dans pareille situation, la facture peut devenir importante. Lorsqu’il y a plusieurs contraventions, l’amende s’applique à chacune, la multipliant d’autant. Et lorsque la contravention est remise à une personne morale (pensez à un médecin dont la pratique est constituée en société par actions), le montant est plus élevé.
Ces renseignements devraient vous permettre de respecter la loi et de répondre aux questions de vos patients en ce qui a trait à la perception des frais. À la prochaine ! //