Plusieurs patients québécois sont suivis par des médecins hors frontière, le plus souvent en Ontario. Ils peuvent être inscrits auprès de ce médecin pour recevoir la majorité des services courants, quitte à être dirigés au Québec pour des tests diagnostiques ou une hospitalisation. Ces médecins se demandent souvent lesquelles des différentes mesures s’appliquent à eux. Qu’en est-il ?
Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la FMOQ. |
Un médecin qui rend des services dans une autre province à un patient québécois assuré par le régime public peut se faire payer de trois façons : 1. directement par le patient, qui devra demander le remboursement total ou partiel à la RAMQ des frais payés en se servant du formulaire interprovincial rempli par le médecin ; 2. par la RAMQ, en remplissant le formulaire interprovincial à chaque visite et en le transmettant à la RAMQ et, enfin, 3. en s’inscrivant auprès de la RAMQ pour transmettre sa facturation par voie électronique. Celui qui se prévaut de cette dernière option s’engage alors à respecter les tarifs de la RAMQ.
Seul le médecin qui fait ce troisième choix peut se prévaloir de l’ensemble des mesures dont nous traitons dans le présent article, car plusieurs des mesures sont liées à l’inscription de la clientèle, qui n’est possible que pour le médecin inscrit auprès de la RAMQ. Par ailleurs, du fait qu’il n’existe pas de CLSC en Ontario et qu’il est difficile de repérer les UMF, l’inscription de patients, lorsqu’elle est accessible, ne l’est qu’en cabinet et à domicile.
Quant au médecin qui exercerait encore plus loin (disons en Floride) et qui s’inscrirait auprès de la RAMQ dans le but de transmettre sa facturation par voie électronique, il est peu probable qu’il soit le médecin de famille d’un patient québécois. En effet, les Québécois ne peuvent conserver leur couverture de la RAMQ s’ils s’absentent plus de six mois par année.
Faisons donc le tour rapidement des modalités applicables à un médecin exerçant dans une province voisine, inscrit auprès de la RAMQ pour les services qu’il offre à une clientèle québécoise (tableau).
Il est possible pour un tel médecin d’inscrire sa clientèle lorsqu’il la voit en cabinet et à domicile afin d’être admissible aux forfaits annuels d’inscription générale et aux forfaits annuels de prise en charge du patient vulnérable. Il a de plus accès au tarif du patient vulnérable lorsqu’il voit un tel patient inscrit auprès de lui ou d’un membre de son groupe de pratique (en présumant que les autres médecins de son cabinet sont aussi inscrits à la RAMQ). Il peut aussi se prévaloir du forfait de prise en charge temporaire de la patiente enceinte (code 15189), tout comme le médecin non inscrit.
En cabinet et à domicile, un médecin exerçant dans une autre province et inscrit à la RAMQ se prévaut de la nomenclature applicable. Lorsqu’il compte plus de 500 patients inscrits, il a droit à la tarification bonifiée applicable. Si le médecin exerce à la fois en Ontario et au Québec et inscrit des patients dans les deux provinces, le nombre d’inscriptions est cumulé. Ainsi, c’est le total des inscriptions dans les deux provinces qui est utilisé pour évaluer son atteinte du seuil.
Toutefois, le tarif de la visite à domicile auprès d’un patient en perte importante d’autonomie ne s’applique pas. On peut d’ailleurs se demander pourquoi un tel patient serait vu hors Québec.
La visite périodique d’un patient de 0 à 5 ans inscrit auprès du médecin est accessible au médecin inscrit auprès de la RAMQ. Les visites spécifiques pour la prise en charge et le suivi de grossesse le sont aussi. Pour le médecin qui n’est pas inscrit auprès de la RAMQ, seules les visites de suivi de grossesse le sont.
En établissement, qu’il s’agisse d’un centre de consultation externe, d’un milieu ambulatoire de soins communautaires ou d’une unité de médecine familiale, la nomenclature prévue en cabinet ne s’applique pas. Le médecin doit alors recourir aux examens qu’un médecin au Québec utiliserait en centre de consultation externe d’un centre hospitalier.
Lorsqu’il s’agit de soins à l’urgence ou auprès d’un patient admis en soins de courte durée, la nomenclature est la même que celle qui s’appliquerait au Québec. Pour les soins de longue durée, il serait surprenant qu’un patient québécois couvert par le régime d’assurance maladie soit hébergé hors province. La nomenclature ne s’y applique donc pas.
Le code de congé en établissement (code 15158) est accessible pour le congé d’un patient admis en soins de courte durée hors Québec, tant que la situation répond aux exigences du libellé. Même le médecin qui ne s’inscrit pas auprès de la RAMQ peut le réclamer.
Le supplément prévu pour le recours à un interprète lorsque le patient parle une langue autre que l’anglais ou le français (code 15188) s’applique outre frontière, du moins dans les milieux où un patient est inscrit (au sens de la loi, pas de l’Entente). Il trouve donc application, comme au Québec, en cabinet, à domicile, au service de consultation externe et à l’urgence, mais non en unité de soins de courte durée. Comme pour le congé en établissement, même le médecin qui ne s’inscrit pas auprès de la RAMQ peut le réclamer.
Ces mesures s’appliquent autant au Québec que dans d’autres provinces, que le médecin soit inscrit auprès de la RAMQ ou non. Toutefois, comme les CLSC n’existent pas hors Québec, des milieux ambulatoires qui pourraient être comparables sont traités comme des services de consultation externe, secteur dans lequel les majorations ne s’appliquent pas.
Des suppléments sont prévus pour l’inscription de patients sans médecin de famille. Les montants peuvent être encore plus importants lorsque le patient orphelin est attribué au médecin par le Guichet d’accès à un médecin de famille (GAMF). Dans le deuxième cas, le montant payable varie selon le nombre de patients attribués par le GAMF et inscrits par le médecin durant l’année. Hors Québec, un médecin peut seulement se prévaloir du supplément pour patient orphelin (non vulnérable et non attribué ou vulnérable et non attribué) et non du supplément pour le patient attribué par le GAMF.
Nous avons vu que la visite auprès du patient en perte importante d’autonomie n’est pas accessible hors Québec. Il y a d’autres codes qui ne peuvent pas être réclamés outre frontière.
Cette mesure, payable au Québec en fonction de certains seuils de nombre de patients, ne s’applique pas dans d’autres provinces, ni pour les seuils réguliers (6 ou 12 patients inscrits par jour) ni pour les seuils du service de consultation sans rendez-vous en GMF.
L’entente prévoit certaines primes annuelles en fonction du nombre d’inscriptions actives au 31 décembre de chaque année. Ces primes ne sont pas accessibles au médecin qui exerce hors Québec.
Autant la rémunération spécifique que la rémunération prévue pour remplir les formulaires dans le cadre d’une demande d’aide médicale à mourir sont propres à l’encadrement législatif québécois. Ils ne trouvent donc pas application outre frontière.
En établissement, certaines mesures ne s’appliquent pas, car elles reposent sur une décision de groupe visant l’ensemble des activités du milieu. C’est le cas des ententes particulières sur la garde sur place à l’urgence et sur le malade hospitalisé.
Dans une urgence au Québec, le médecin qui assure la garde sur place peut se prévaloir d’un montant forfaitaire et de 103 % du tarif des services rendus. Cette modalité n’est pas accessible dans une urgence en dehors du Québec.
Chaque année, l’entente prévoit que le médecin qui compte plus de 700 patients inscrits reçoit une prime sur ses services en deuxième ligne, en fonction des honoraires versés dans ces secteurs. Le pourcentage est établi selon les paliers d’inscription du médecin. Ces primes ne s’appliquent pas à la rémunération versée pour les services rendus hors Québec.
Ces informations devraient vous aider à comprendre la tarification applicable hors province. Le mois prochain, nous traiterons de la codification des cabinets. D’ici là, bonne facturation ! //