Les grands chamboulements provoqués par l’hyperactivité législative, réglementaire et directive du ministre de la Santé depuis 2014 ont une trame commune : une volonté ministérielle absolue de tout contrôler et de tout diriger. Les lois 10 et 20 sont des exemples probants de centralisation excessive qui sont loin, à ce jour, d’avoir eu un quelconque effet bénéfique. Au contraire, tous conviennent que ces lois autocratiques ont déstabilisé le réseau de la santé, suscité beaucoup d’incertitudes et surtout découragé beaucoup de professionnels de la santé pourtant extrêmement dévoués. Au lieu de prioriser les services aux patients en travaillant en collaboration avec les professionnels soignants et les gestionnaires locaux, le gouvernement a malheureusement fait le choix inédit de la confrontation et de la centralisation à tout prix.
Nous avons dénoncé à maintes reprises, au cours des dernières années, la façon de faire du gouvernement, qui a encore récidivé récemment avec le projet de loi no 130 et ses dispositions ayant trait aux nominations médicales et à l’octroi de privilèges en établissement. On parle ici d’une nouvelle initiative du gouvernement qui repose sur de fausses prémisses et qui, en soi, ne réglera aucun véritable problème. C’est d’autant plus vrai que les dispositions législatives actuelles offrent déjà aux établissements des options leur permettant d’arrimer l’offre de services médicaux à celle qui est souhaitée quand les ressources professionnelles et financières sont disponibles. Malheureusement, force est de constater que la soif de contrôle ministérielle semble encore l’emporter sur tout le reste. Si jamais ce projet de loi est adopté, la Fédération étudiera sans aucun doute toutes les options à sa disposition afin que les articles les plus indéfendables ne puissent jamais être appliqués. C’est le cas notamment de l’article 7 dont le but est de légaliser la volonté du ministre de rendre conditionnel le respect de certaines obligations hors établissement (ex. : prise en charge et suivi de patients) à l’octroi de privilèges en établissement.
Toutefois, ce qu’il y a de plus tordu dans le contexte actuel, c’est que la confusion engendrée par la présentation de nouvelles mesures autocratiques les unes après les autres semble avoir légitimé la possibilité de tout exiger des médecins. À titre d’exemple, le respect de certaines conditions n’ayant absolument aucune base légale se ferait dorénavant sous réserve de l’octroi ou du renouvellement de privilèges en établissement dans certains CIUSSS. Autre exemple, les règlements internes de certains établissements, restreignant notamment la durée des congés de maternité des femmes médecins, qui semblent pousser comme des champignons depuis quelques semaines. Pour nous, ces pratiques sont indéfendables et injustifiables, et des représentations en ce sens ont été faites auprès des personnes responsables. Après tout, peut-on encore, en 2017 au Québec, faire le pari que des solutions appropriées peuvent encore émerger du gros bon sens et de la collaboration ? À la FMOQ, nous croyons que oui.
Dans ce contexte, nous invitons donc les médecins omnipraticiens à être vigilants. Le projet de loi no 130 n’a pas été adopté par l’Assemblée nationale à ce jour et rien ne permet, par conséquent, à certains établissements de faire comme s’il l’était au moment d’émettre un avis de renouvellement ou d’octroyer des privilèges. Rien non plus ne saurait justifier, en 2017, la discrimination envers les femmes médecins, dont celui de les priver d’un congé de maternité d’une certaine durée pour lequel elles ont pleinement cotisé. D’autres solutions existent pour maintenir l’accès aux soins et l’améliorer. Attardons-nous donc à trouver ces solutions et à les appliquer plutôt qu’à perdre de l’énergie collectivement à débattre de solutions injustes et carrément indéfendables à nos yeux.
Le 20 mars 2017
Le président, Dr Louis Godin |