Gestion pratique

500 patients inscrits

pour qui ? pourquoi ?

Marianne Casavant  |  2017-04-27

La FMOQ reçoit régulièrement des questions de ses membres sur les informations qui circulent à propos du nombre de patients qu’un médecin doit ou devrait s’engager à suivre. Cette confusion découle sans doute des différentes mesures prises pour encourager l’accès à un médecin de famille. Des dispositions en ce sens ont été adoptées dans le cadre de l’application de l’Entente sur l’accessibilité, de l’Entente particulière relative aux activités médicales particulières (AMP) ainsi qu’à la suite de la mise en place de la nouvelle nomenclature en cabinet.

Mme Marianne Casavant est conseillère en politique de santé à la direction de la Planification et de la Régionalisation de la FMOQ.

Cependant, d’autres mesures s’ajoutent, qui ont été présentées unilatéralement aux établissements et aux médecins en 2015 par le ministre de la Santé, sans que la FMOQ ne soit consultée ni avertie. Entre autres, deux mesures auront particulièrement contribué à la confusion. La première décrétait que toute nomination en établissement est conditionnelle à l’engagement d’inscrire 500 patients. Considérée illégale par la FMOQ, elle a par la suite été abandonnée par le ministre. Ce dernier a cependant présenté le projet de loi no 130 en décembre 2016 visant l’organisation clinique et la gestion des établissements. Ce projet de loi, à certains égards, s’assimile aux intentions du ministre décrites précédemment. La deuxième, qui a largement circulé, mais qui à ce jour n’est pas en vigueur, a trait à un éventuel règlement dans le cadre de la mise en vigueur du projet de loi 20. Elle concerne précisément la notion de quotas de patients.

Le présent article a pour but de clarifier l’origine de chacune de ces mesures et leur incidence actuelle ou éventuelle sur la pratique médicale.

La prise en charge

Nombreux sont les médecins qui, à tort, croient que les dispositions relatives aux médecins de famille dans le projet de loi 20 sont en vigueur et qu’un nombre minimal de patients inscrits à leur nom est requis pour ne pas être pénalisés financièrement. Rappelons qu’à ce jour, les dispositions relatives à l’accès aux médecins de famille que contient le projet de loi 20 ne s’appliquent pas aux omnipraticiens. Seule l’Entente particulière relative aux AMP contient des obligations en matière d’inscription de patients.

Le projet de loi 20

L’adoption du projet de loi 20 est sans doute le principal élément à l’origine de toute la confusion sur l’obligation de prise en charge. En effet, cette loi prévoit notamment que le ministre pourrait imposer un nombre minimal de patients à prendre en charge. Cette disposition n’est cependant pas en vigueur pour le moment, mais pourrait le devenir si les cibles prévues dans l’Entente sur l’accessibilité ne sont pas atteintes d’ici décembre 2017.

Retenons donc que les cibles d’inscription et les règles d’équi­valence par secteurs d’activité, qui circulent parfois officieusement, ne sont, pour le moment, qu’un avant-goût des mesures que pourrait mettre en place le ministre de la Santé.

Entente sur l’accessibilité

L’Entente sur l’accessibilité s’inscrit en réaction à l’application potentielle du projet de loi 20 pouvant imposer un nombre mi­nimal de patients à prendre en charge par médecin. Elle consti­tue une solution de rechange au plan législatif du ministre.

En décembre 2014, à la suite de la présentation du projet de loi 20, une importante mobilisation a réuni des milliers d’omnipraticiens à Montréal et à Québec. L’opposition des médecins envers ce projet de loi a donné lieu à l’adoption, par le Conseil général de la FMOQ, des solutions de rechange qui composent l’Entente sur l’accessibilité.

Cette entente, signée en juin 2015, contient 37 clauses ayant pour but de favoriser l’accès à un médecin de famille. Elle constitue une approche constructive au contrôle absolu que le ministre veut s’arroger par l’entremise de la loi pour imposer, comme il l’entend, un quota de patients par médecin.

L’entente prévoit essentiellement un engagement collectif à inscrire, d’ici décembre 2017, 85 % de la population du Québec. À défaut, le ministre pourrait alors appliquer le projet de loi 20, ses règlements et les nombreuses contraintes qui les composent.

Les AMP

Les AMP ont pour but d’orienter les médecins vers les besoins prioritaires. Les médecins qui comptent moins de quinze ans de pratique doivent y adhérer et s’engager à effectuer leurs activités selon les termes prévus sur leur formulaire d’adhésion.

Tandis qu’un nombre important de Québécois est toujours sans médecins de famille, parmi les 37 mesures de l’Entente sur l’accessibilité, il y a les changements apportés à l’Entente particulière relative aux AMP. Pour favoriser l’inscription des patients, cette entente reconnaît désormais, enfin, la prise en charge et le suivi de clientèle en première ligne comme AMP admissible partout au Québec. Ainsi, selon les règles d’équivalence, douze heures d’AMP de cette catégorie correspondent à 500 patients pris en charge et six heures, à 250 patients.

En janvier 2016, tous les DRMG ont emboîté le pas pour accélérer l’atteinte de la cible provinciale d’inscription. Dorénavant, l’AMP de prise en charge constitue la priorité dans toutes les régions du Québec. En conséquence, à moins d’obtenir une dérogation, tout médecin ayant moins de quinze ans de pratique doit, pour se conformer aux AMP, s’engager à inscrire au moins 500 patients lors de son installation. Notons que l’engagement du médecin déjà en pratique, que ce soit à l’urgence, à l’hospitalisation ou autre, est maintenu tant que ce dernier ne change pas de région ou ne demande pas de modifications d’AMP. Les activités en CHSLD, en soins à domicile ou à l’urgence de certaines régions effectuées par des médecins ayant suivi une formation complémentaire pourront également être reconnues, après l’obtention d’une dérogation. Cette dernière devra être soutenue par le DRMG et sera analysée au cas par cas par le comité paritaire FMOQ-MSSS.

L’inscription est donc ici balisée par une entente particulière qui vise l’ensemble des médecins. Comme auparavant, les exigences sont modulées en fonction des années de pratique. En l’absence de conformité à l’Entente particulière relative aux AMP, une réduction de 30 % est applicable à l’ensemble de la rémunération du médecin.

Nouvelle nomenclature

En 2015-2016, la nomenclature en cabinet a fait l’objet d’une profonde révision. Parmi les changements, de nouvelles modalités visent spécifiquement à favoriser l’inscription de la population auprès d’un médecin de famille.

Depuis le 1er avril 2016, dans le but de favoriser la prise en charge de nouveaux patients, certains médecins de famille peuvent se prévaloir d’une tarification bonifiée. Pour se qualifier, le médecin doit compter au moins 500 patients inscrits à son nom. À défaut, la tarification de base s’appliquera. Il s’agit donc d’une mesure strictement incitative. Aucune réduction de rémunération ne découlera du fait de ne pas avoir inscrit 500 patients.

Pour sa part, le nouveau médecin qui entame sa pratique a automatiquement droit à la tarification bonifiée, même s’il n’atteint pas la cible fixée de 500 patients. Il peut se prévaloir de cette bonification dans la mesure où il détient un permis d’exercice depuis moins d’un an et où il s’engage auprès de son DRMG à inscrire et à assurer la prise en charge d’au moins 500 patients dans l’année. Cet avantage se termine à la fin du quatrième trimestre qui suit l’obtention de son permis d’exercice, sans égard à la date à laquelle le médecin a commencé ses activités de prise en charge. Il n’y a donc pas de réduction applicable aux médecins qui, pour une raison ou une autre, n’ont pas 500 patients inscrits à leur nom. À l’inverse, la rémunération du médecin qui comptera plus de 500 patients demeurera bonifiée.

Pour confirmer l’admissibilité du médecin à la rémunération bonifiée, la RAMQ effectue une évaluation trimestrielle. Les trimestres commencent le 1er janvier, le 1er avril, le 1er juillet et le 1er octobre. La RAMQ évalue le nombre de patients inscrits le 1er du mois qui précède le début de chaque trimestre. L’évaluation à la fin du quatrième trimestre de la première année suivant l’obtention du permis se fait exceptionnellement le dernier jour de ce trimestre. Par exemple, le nombre de patients inscrits retenu pour le trimestre d’avril sera celui du 1er mars.

Conclusion

L’annonce du projet de loi 20 par le ministre Barrette en 2014 aura fortement ébranlé la communauté médicale. Comme solution de rechange, le ministre de la Santé a accepté de signer, conjointement avec la FMOQ, l’Entente sur l’accessibilité proposée par la Fédération.

Afin d’atteindre les objectifs visant l’amélioration de l’accès à un médecin de famille, différentes mesures ont été mises en place, mais seule l’Entente particulière relative aux AMP contient, à ce jour, des exigences pouvant entraîner une réduction de la rémunération liée à l’inscription de clientèle.

Considérant les enjeux du projet de loi 20 sur l’autonomie professionnelle, plusieurs médecins sont invités à mettre la main à la pâte et à augmenter leur niveau de prise en charge pour honorer les engagements communs. Certains vivent cette incitation à l’inscription comme une pression de leurs pairs.

La FMOQ est bien consciente qu’il existe des pratiques variées et compte préserver l’autonomie des médecins. Il n’en demeure pas moins que si tous les médecins de famille de la province comptaient au moins 500 patients, la cible serait atteinte et les dispositions du projet de loi 20 liées à un nombre minimal de patients à prendre en charge seraient abrogées.

La participation des médecins de famille est donc volontaire jusqu’en décembre 2017, date à partir de laquelle l’atteinte de la cible sera évaluée. Les omnipraticiens doivent poursuivre leurs efforts, car le non-respect de cet engagement affectera profondément la médecine de famille au Québec. //